Témoignage

« Je crie, je me sens mourir »

Mercredi 17 avril : enfin, il fait beau. J’hésite entre aller faire mon jogging ou entamer le nettoyage printanier sur le terrain. Je choisis la seconde option. Ma dernière séance de jogging quelques jours auparavant s’était terminée par un essoufflement inhabituel. Problème digestif, avais-je pensé. 

Infirmière de profession depuis 29 ans, dont 27 ans à l’hôpital Saint-Luc, désormais le CHUM. Vingt-sept ans de fierté à exercer cette profession, entourée d’équipes formidables : préposés, infirmières auxiliaires, infirmières, médecins, et ce, dans tous les départements qui ont jalonné ma carrière. 

Je décide donc à 60 ans de partir et de prendre ma retraite du CHUM. Je suis en très bonne forme physique, sportive, avec une hygiène de vie que je me permets de qualifier d’excellente… mais je ne peux me résoudre à la retraite. Pas pour moi. Je suis donc embauchée dans une maison de soins palliatifs, la Source bleue, à Boucherville. Quel bonheur, quelle maison merveilleuse, quelle belle fin de carrière, pour quelques années encore. Je peux enfin prendre du temps pour mes patients, bref, tout va bien dans ma vie.

Je reviens donc à mon nettoyage printanier.

Une douleur soudaine, digestive, pensais-je. Assise sur le canapé, j’essaie de me détendre.

Je téléphone à mon conjoint, l’en avise. 

— Appelle l’ambulance, m’enjoint-il. 

— Non, c’est digestif, ça va passer. 

Il insiste. J’appelle. Elle arrive rapidement, direction l'hôpital Pierre-Boucher. Tests habituels : ECG, prises de sang. Mon conjoint arrive. Ça va mieux, la nitro m’a aidée. On veut me garder encore un peu, je dis à mon conjoint de partir, je l’appellerai quand j’aurai mon congé. 

L’urgentologue (désolée, j’ai oublié son nom) m’annonce que j’ai fait un infarctus. 

« Non, c’est pas possible, vous vous trompez », alors que deux larmes témoignent de ma compréhension au fond de moi-même. Mon conjoint est déjà parti.

Je suis transférée, côté urgence-cardio. J’avise mon conjoint. Il va revenir. Je m’installe sur une chaise, pas sur la civière, ça fait trop malade…

Je n’ai plus de douleur, mais là, bang, elle survient avec une force indescriptible. Je crie, je me sens mourir. L’infirmière accourt, m’installe sur la civière. Voyant que j’étais paniquée (bel infarctus en cours), elle me prend les mains, s’approche de mon visage et répète à plusieurs reprises : 

« Isabelle, regardez-moi, vous ne mourrez pas, je vous le promets. » 

Cette jeune infirmière, Katherine Larochelle, avec son regard auquel je me suis accrochée, sa voix déterminée mais rassurante, je ne l’oublierai jamais. Je l’ai crue, je me suis calmée. 

Salle à choc, salle d’angiographie : dissection spontanée de l’artère coronaire et infarctus, installation de trois stents

Un entourage en or

À tous ceux qui ont participé à me sauver la vie : préposés, infirmières (je n’ai pu retenir tous les noms), cette énergique Vicky des soins intensifs, les cardiologues Deslongchamps, Leduc, Ibrahim Ragui Boulos, Pacheco, l’intensiviste Isabelle Guimont et tous les autres, un immense merci, une gratitude infinie. 

La présence constante et merveilleuse de mon conjoint Christian et celle de mes enfants adorés Xavier, Nicolas, Annie, Julie et mes cinq adorables petits-enfants sont sans contredit ce qui aura mis le plus beau baume sur mon petit cœur blessé. À mes collègues de la Source bleue, mes amies et amis, ma famille au grand complet, pour tous ces textos, appels, courriels, qui furent d’une importance dont vous ne pouvez même pas imaginer l’impact : merci.

Notre système de santé n’est certes pas parfait, mais ce n’est jamais par manque de bonne volonté de tous les intervenants ! 

J’ai hâte de reprendre mon travail, ma course à pied, ma vie, quoi !

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