CONSOMMATION

Que faire avec les vieux médicaments ?

On trouve des médicaments périmés chez un grand nombre de ménages québécois. Parfois, on en consomme sans même s’en apercevoir. Est-ce dangereux ? Que doit-on faire de nos vieilles pilules ?

MEILLEUR AVANT, « POURRI » APRÈS ?

Les médicaments doivent respecter des critères de qualité. Ainsi, leur date de péremption constitue une garantie donnée par le fabricant que, jusqu’à cette date, la quantité d’ingrédients actifs correspondra à ce qui est inscrit sur l’emballage. Après la date de péremption, « ça ne veut pas dire qu’il n’est plus bon, mais que la compagnie ne garantit plus sa qualité », résume Grégoire Leclair, de la faculté de pharmacie de l’Université de Montréal.

Deux grandes raisons justifient l’imposition d’une date de péremption : la possibilité de contamination bactérienne au fil des manipulations et la dégradation graduelle au fil du temps. La chaleur et l’humidité, par exemple, ont un effet néfaste sur les médicaments. Les conserver dans la salle de bain, comme le font beaucoup d’entre nous, n’est pas l’idée du siècle…

PREND-ON UN RISQUE EN CONSOMMANT UN MÉDICAMENT PÉRIMÉ ?

« On ne va pas tomber malade après la date de péremption, indique Pierre-André Dubé, responsable scientifique en toxicologie clinique à l’Institut national de santé publique du Québec. La seule chose qu’on ne peut pas garantir, c’est son degré d’efficacité. »

Ce n’est pas un détail. Avaler un comprimé de Tylenol périmé est une chose. Prendre un médicament périmé – et potentiellement moins efficace – pour traiter l’hypertension, l’épilepsie, le diabète ou toute autre affection médicale sérieuse en est une autre, signale toutefois M. Dubé, puisque la thérapie « risque de ne pas être optimale ».

Qui veut prendre le risque de se piquer avec une EpiPen peut-être moins efficace lors d’une réaction allergique violente ? Bertrand Bolduc, président de l’Ordre des pharmaciens, lui, conseille de ne prendre de risque avec aucun médicament périmé. Même pour traiter un mal de tête.

UN TRUC POUR VENDRE PLUS DE PILULES ?

« Pourquoi les compagnies n’étudient-elles pas plus longtemps leurs produits ? », se demande Pierre-André Dubé. L’expert ne peut s’empêcher de croire que c’est pour faire plus de ventes. « C’est un marché », fait valoir le spécialiste, qui a déjà vu une étude sur des médicaments restés scellés pendant 40 ans et qui étaient encore presque tous « corrects ».

Grégoire Leclair croit au contraire que les fabricants ont intérêt à avoir la date de péremption « la plus lointaine possible » afin de s’assurer de pouvoir entreposer un certain temps ceux qui sont fabriqués en grande quantité. Il explique par ailleurs qu’un médicament change de date de péremption une fois transféré dans un autre contenant en pharmacie : elle est souvent fixée à un an après la vente.

OÙ RAPPORTER NOS RESTANTS ?

Qu’il s’agisse de médicaments périmés ou de doses inutilisées, il faut s’en départir. Il n’existe pas de programme officiel de récupération de médicaments au Québec, mais les pharmacies sont tenues de les reprendre et de les gérer. La plupart des substances récupérées sont incinérées par un sous-traitant. Ce processus fonctionne bien, reconnaît Bertrand Bolduc.

« Ce que je trouve intéressant, dans d’autres provinces, c’est que la responsabilité de la destruction du médicament revient au fabricant, explique toutefois Pierre-André Dubé. En ce moment, le régime demande aux pharmaciens propriétaires de prendre cette responsabilité et d’en défrayer les coûts. »

Il est fortement déconseillé de les jeter dans la toilette pour ne pas contaminer l’environnement. « Ce sont des produits chimiques assez puissants qui ont un impact sur le vivant », rappelle Grégoire Leclair. On peut les mettre à la poubelle, si on prend soin de les mélanger à des matières peu ragoûtantes, pour éviter aux enfants de les consommer par inadvertance.

RISQUE RÉEL D’INTOXICATION

Si Pierre-André Dubé prône une saine gestion de la pharmacopée familiale, c’est qu’un entreposage sûr et le contrôle serré des stocks peuvent éviter des accidents. « Quarante-huit pour cent des appels au centre antipoison pour des intoxications non intentionnelles concernent des enfants de 5 ans et moins, dit-il. La moitié de ces cas-là, c’est pour des ingestions de médicaments. »

Il précise que les parents devraient sensibiliser les grands-parents des petits, qui sont considérés comme des « facteurs majeurs d’intoxication pédiatriques ». Puisqu’ils n’ont plus de jeunes enfants à la maison, ils ont tendance à les laisser à portée de main. On trouve aussi plus de médicaments chez les personnes âgées.

*Ces données sont rapportées par Pierre-André Dubé, de l’INSPQ.

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.