Chronique

Contester votre évaluation foncière : bonne chance !

Pas de doute, l’immobilier est revenu sur terre à Montréal. Depuis trois ans, la valeur des résidences montréalaises a gagné seulement 4,6 %, selon le nouveau rôle d’évaluation foncière déposé hier par la Ville de Montréal.

On est très loin des augmentations vertigineuses des années 2000. Malgré tout, l’exercice fera son lot de mécontents. Tout est une question d’écart à la moyenne : les résidants dont l’évaluation foncière a grimpé plus que la moyenne dans les quartiers comme Rosemont (+ 9,7 %), Côte-des-Neiges (+ 9,4 %) et Villeray (+ 8,5 %) se retrouveront avec une hausse de taxes.

Vous pensez que votre maison est surévaluée et que, par conséquent, vous payez trop cher en impôts fonciers ? Contestez ! Une fois sur deux, ça marche.

Depuis le début du boom immobilier, le nombre de contestations a pratiquement doublé, passant de 4068 lors du rôle 2004-2006 à 7668 en 2012-2014.

En fait, 1,6 % des contribuables ont contesté leur évaluation lors du dernier rôle, par rapport à seulement 1 % au début des années 2000. Près de la moitié (47 %) des contestataires ont obtenu une baisse de 10 % en moyenne.

Toutefois, 41 malchanceux ont subi une augmentation. Zut de zut !

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Mais pour ceux qui n’obtiennent pas gain de cause, le processus peut être assez frustrant. « J’ai été surpris par le manque de transparence et de qualité des interventions », m’a confié Claude de Denus, un résidant du Plateau Mont-Royal.

En 2014, il a demandé une révision de son évaluation à la Ville de Montréal. La valeur de son condo avait été établie à 502 700 $. Pourtant, une unité très semblable à la sienne, avec une plus belle finition, venait d’être vendue 425 000 $.

Après avoir rempli le formulaire et déboursé des frais de 300 $, il a reçu une brève visite de la part d’une inspectrice. Peu loquace, elle lui a seulement dit qu’il obtiendrait les conclusions par la poste.

Après six mois d’attente, il a finalement reçu la réponse : pas de révision. Ce n’est pas tant la décision qui l’a choqué que l’absence d’explications. En fait, la lettre ne fournissait aucune justification personnalisée, aucune réponse aux arguments qu’il avait soulevés, aucun détail sur l’évaluation de sa propriété.

Normal : « Lorsque nous concluons à un maintien de valeur, le document écrit ne contient pas d’explications détaillées », m’a confirmé le porte-parole de la Ville de Montréal, Gonzalo Nunez.

Toutefois, la Ville tente de joindre le demandeur pour lui faire part des conclusions, quoique le volume et le délai accordé pour répondre à toutes les demandes soumises ne permettent pas toujours de le faire, admet M. Nunez.

Quand M. de Denus a téléphoné à la Ville, la personne-ressource n’avait pas davantage d’explications précises à lui fournir. Juste des généralités sur le processus d’évaluation. Pas un mot sur son condo.

À force d’insister, M. de Denus a finalement obtenu un rendez-vous pour consulter en personne son dossier. Mais la démarche n’a pas été plus instructive. En personne, l’expert de la Ville n’a pas été capable de lui fournir les motifs du refus. Rien dans son dossier n’indiquait qu’on avait tenu compte des nouveaux faits qu’il avait soulevés. Au contraire, l’information que détenait la Ville semblait dater des calendes grecques.

Comme la conversation tournait en rond, l’expert lui a dit que de toute façon, ils se reparleraient devant le tribunal.

À l’heure de la justice participative, il me semble que la Ville devrait tout mettre en œuvre pour s’entendre avec ses citoyens plutôt que d’engorger inutilement le palais de justice.

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Environ 10 % des propriétaires qui ont contesté leur évaluation finissent par déposer une requête au Tribunal administratif du Québec (TAQ) parce qu’ils sont insatisfaits des résultats de leur demande de révision.

Le jeu en vaut peut-être la chandelle pour des acteurs importants comme le Centre Bell, qui ont les reins solides. Mais pour monsieur et madame Tout-le-Monde, c’est une autre histoire. « Aller devant le TAQ, avec les frais, les experts et tout, c’était trop gros pour moi », m’a justement dit M. de Denus.

Ça se comprend. Pour se présenter devant le TAQ, il faut débourser 306,50 $ de frais et environ 2000 $ pour un évaluateur agréé qui devra faire un rapport, ce qui coûtera environ 1000 $, et venir témoigner à la cour à environ 180 $ l’heure, détaille François Guertin, évaluateur agréé chez PCG Carmon.

Est-ce que ça vaut le coût ? Si M. de Denus était parvenu à faire baisser son évaluation de 15 %, il aurait économisé un peu plus de 600 $ de taxes municipales chaque année. Avant de récupérer les frais encourus devant le TAQ, il lui aurait donc fallu plus de trois ans. Davantage que la durée du rôle triennal. Et bien sûr, la décision n’est pas garantie.

L’abc d’une contestation

A) Motifs valables pour contester son évaluation foncière

• Défectuosités de l’immeuble (bris, vice de construction, etc.)

• Nuisances (bruit, pollution, inondation, etc.)

• Situation économique (perte de loyers, dépenses élevées, vente de propriétés comparables)

B) Procédure pour une demande de révision

• Les citoyens ont jusqu’au 1er mai suivant l’entrée en vigueur du rôle d’évaluation pour demander une révision.

• Les citoyens doivent assumer des frais qui varient selon la valeur foncière de leur résidence : 

Inférieure à 500 000 $ : 75 $

500 000 $ à 2 millions : 300 $

2 à 5 millions : 500 $

C) Procédure pour une requête au TAQ

• Si vous êtes en désaccord avec la décision de l’évaluateur de la Ville, vous aurez un délai de 60 jours à compter de l’expédition de sa réponse écrite pour présenter une requête au Tribunal administratif du Québec (TAQ).

• Les citoyens doivent assumer des frais qui varient selon la valeur foncière de leur résidence : 

Inférieure à 500 000 $ : 76,65 $

500 000 $ à 2 millions : 306,50 $

2 à 5 millions : 510,80 $

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