chimiothérapie

Contrer la perte des cheveux

Geneviève (nom fictif) venait d’avoir une opération de reconstruction du sein, après un cancer il y a sept ans, quand le verdict qu’elle redoutait tant est tombé : une récidive. Une seconde fois, elle a perdu tous ses cheveux l’été dernier lors d’une chimiothérapie.

« La deuxième fois, c’est pire », dit l’adjointe administrative de 49 ans, qui préfère garder l’anonymat parce que son cancer est maintenant chronique et devra être traité par une chimiothérapie à faible dose. « Après le premier cancer du sein, j’ai essayé de reprendre le contrôle de ma vie. Ça a passé sur les choses extérieures que je contrôlais. Pour une femme, les cheveux sont importants pour la séduction. Les perdre à nouveau m’a anéantie, même si par ailleurs je n’avais pas trop l’air malade. » Sa chimiothérapie à long terme n’a pas empêché ses cheveux de repousser.

Pour Marie-Charlotte Guy, qui est au début de la trentaine, perdre ses cheveux lors d’une chimiothérapie contre le cancer du sein en 2015 n’a pas été si traumatisant, mais perdre ses sourcils et ses cils, oui. « Les cheveux, c’était l’hiver, je portais une tuque, dit Mme Guy, qui est secrétaire dans un bureau d’architectes. Je les avais coupés après avoir eu le diagnostic, puis je les ai presque rasés après le premier traitement. Mais ne plus avoir de sourcils et de cils, avec mon visage plus rond à cause du traitement, ç’a a été dur, j’avais vraiment l’air malade. »

Une lueur d’espoir existe maintenant pour les femmes souffrant de la perte de leurs cheveux pendant une chimiothérapie. À la mi-février, une étude américaine a montré que le refroidissement du cuir chevelu durant les traitements diminuait beaucoup le risque de perte de cheveux.

« Cette approche est utilisée en Europe et en Australie depuis longtemps, mais il n’y avait jamais eu d’étude randomisée prouvant ses bénéfices et, surtout, qu’il n’y avait pas de risque accru de récidive », explique Julie Nangia, du collège de médecine Baylor au Texas, qui est l’auteure principale de l’étude publiée dans le JAMA, journal de l’Association médicale américaine. « Maintenant, il y a deux sociétés qui fabriquent des casques autoréfrigérants permettant un bon contrôle du refroidissement. Nous pensons que nos résultats permettront aux Américaines d’avoir accès aux casques. »

Le casque refroidit le cuir chevelu à 3 °C et doit être porté une demi-heure avant l’injection des médicaments et une heure  et demie après. Il diminue la circulation sanguine dans le cuir chevelu, ce qui limite l’exposition des follicules capillaires. Parmi la centaine de patientes qui ont participé à l’étude de la Dre Nangia, la moitié portaient le casque. Aucune des patientes n’ayant pas porté le casque n’a gardé plus de la moitié de ses cheveux, contre 51 % de celles qui ont porté le casque. La perte de cheveux a été indétectable chez 10 % des patientes ayant porté le casque. Selon la Dre Nangia, le coût du casque est d’environ 1000 $ par cycle de chimiothérapie.

Le fabricant du casque testé par l’étude texane, Paxman Coolers, offre le service au Canada, mais il est rarement utilisé, indique Richard Paxman, président et directeur général de Paxman Coolers. Mme Guy en avait entendu parler parce qu’elle a grandi en France, où cette approche est utilisée, mais elle avait l’impression que les médecins québécois considéraient que les casques autoréfrigérants présentaient plus de risques que d’avantages.

L’étude de la Dre Nangia a recensé 54 effets secondaires, pour la plupart des inconforts au froid n’ayant pas nécessité d’interrompre le traitement autoréfrigérant. Seulement huit cas étaient plus dérangeants, soit des maux de tête, sans non plus nécessiter l’arrêt du traitement. Elle cite en outre une étude néerlandaise, publiée en 2013 dans la revue The Breast, qui, sur la base de 10 ans de suivi de 2000 patientes ayant utilisé un casque autoréfrigérant, n’a pas décelé d’augmentation du risque de métastase, le principal risque proposé par des études antérieures.

Le canada réfractaire

Au Canada, les régimes publics rechignent à assumer la facture des casques autoréfrigérants. « Nous savons que ce n’est pas un service qui est déployé à grande échelle et facilement accessible, mais il y a eu quelques projets-pilotes », explique Maxime Dumais, vice-président aux programmes et investissements en cancer du sein à la Fondation du cancer du sein du Québec. « Ceux-ci devaient être financés par des fonds de recherche ou les fondations hospitalières, et non pas remboursés par la RAMQ. » À l’autre bout du pays, en 2014, Paxman avait tenté sans succès de demander à l’Agence du cancer de la Colombie-Britannique de recommander les casques.

Rosanna Faria, psychologue clinique en oncologie du Centre hospitalier de St. Mary, vers qui la Fondation a orienté La Presse, confirme que ces casques sont très peu utilisés ici. « La perte de cheveux fait partie des nombreuses pertes associées au cancer du sein, dit Mme Faria. Il y a le travail, le rôle familial. En comparaison de la maladie elle-même, pour la plupart des femmes, perdre ses cheveux n’est pas si grave. Mais ça varie de personne en personne. »

Toutefois, le casque ne permet pas de contrer la perte des sourcils et des cils, dit la Dre Nangia. « Heureusement, ce n’est pas si courant. » La prochaine étape des recherches est d’affiner les protocoles en fonction du type de médicaments utilisés durant la chimiothérapie. Il se pourrait aussi que le casque doive être porté plus ou moins longtemps en fonction de l’épaisseur des cheveux.

L’a b c de l’alopécie

La chimiothérapie fait souvent perdre les cheveux parce que les médicaments ciblent les cellules se reproduisant rapidement, ce qui est une caractéristique du cancer. Les follicules qui fabriquent les cheveux sont parmi les plus actifs du corps humain au niveau de la division cellulaire. Ils se divisent tous les un à trois jours.

Cancer du sein

Interrompre le traitement

La perte de cheveux est l’une des principales raisons de l’abandon de la chimiothérapie chez les patientes atteintes du cancer du sein, ont relevé plusieurs études. L’une d’entre elles, publiée en 2007 par des chercheurs des Centres de contrôle des maladies (CDC) du gouvernement américain, a observé que les femmes qui perdaient rapidement leurs cheveux étaient paradoxalement beaucoup moins susceptibles d’arrêter le traitement que celles qui les perdaient lentement. L’explication est simple : les femmes qui ont déjà perdu leurs cheveux ne craignent plus d’en perdre davantage. L’effet est important : perdre ses cheveux progressivement augmente de 20 fois le risque d’arrêt du traitement. En comparaison, des nausées importantes augmentent de 7,5 fois le risque d’arrêt.

Source : Breast Journal

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.