La carte du crime Montréal-Nord

Engagées et dégourdies

Lassées de l’image négative de Montréal-Nord, ces jeunes femmes brillantes et dégourdies s’impliquent dans les activités du Café-Jeunesse multiculturel pour améliorer leur quartier. Elles osent dire ce qui ne va pas dans l’espoir de changer les choses. Portraits.

Germina, 18 ans

« On dirait que tout le monde est contre nous. J’en ai vu des éducatrices spécialisées prétendre vouloir nous aider, mais être du côté de la police. Toute notre vie, on a été perçus comme des criminels. Ce que les gens de l’extérieur ne voient pas, c’est qu’à Montréal-Nord, on est une grande famille. Si ma voisine a faim, je vais lui préparer un poulet. Quand tu as passé ta vie ici, tu apprends à parler aux gens sans les juger. » Le quartier doit offrir plus d’activités pour les jeunes, question de leur éviter des ennuis, croit celle qui veut étudier en criminologie.

Bellemaryse, 16 ans

L’adolescente a un tatouage sur chaque main. Un revolver sur l’une ; des menottes sur l’autre. « J’avais un frère de 17 ans qui s’est fait tirer. Mon grand frère est allé tirer deux autres gars pour se venger. Il est en prison à vie. Moi, je veux travailler avec des criminels pour comprendre comment ils en sont arrivés là. » La psychologie l’intéresse. Le droit aussi. « C’est important de connaître les lois pour ne pas se faire piler dessus. »

Shaïna, 18 ans

« Nous, on sait ce que c’est de voir des gens qui n’ont vraiment pas d’argent, devoir toujours demander pour manger, pour payer le loyer. C’est humiliant. Les jeunes qui commettent des crimes ici, c’est souvent qu’ils sentent qu’ils n’ont pas le choix. Si les gens ne veulent pas comprendre Montréal-Nord, moi, je vais comprendre mon quartier », dit la jeune femme, qui veut devenir criminologue. Son idole : Tina Turner – chanteuse américaine-vedette des années 70 et 80 qui a dénoncé son ex-mari violent dans un livre devenu best-seller.

Sarah-Laura, 21 ans

« J’étudie à la Polytechnique en génie mécanique. Quand je dis que je viens de Montréal-Nord et que j’ai étudié à Calixa-Lavallée [école secondaire publique du quartier], les gens me répondent : “ah, je ne m’attendais pas que tu sortes de là”. Quand les gens te perçoivent négativement, tu n’as pas le choix de te remettre en question. Tu apprends à mieux te connaître. Tu te rapproches des autres qui vivent la même chose que toi. Ici, l’esprit communautaire est très fort. Je ne me vois pas vivre ailleurs. »

Rachel, 18 ans

« Il y a tellement de préjugés envers Montréal-Nord. Ce n’est pas parce que je suis une Québécoise blanche que je suis une BS. Puis, ce n’est pas parce que Germina est noire qu’elle va m’attaquer dans la rue. Moi, j’ai déménagé ici au début du secondaire. Si j’habitais ailleurs, je n’aurais peut-être pas voulu devenir éducatrice spécialisée. Oui, il y a des problèmes, mais on ne veut pas juste baigner dans notre vomi. C’est plein de gens ici qui veulent aider, faire une différence. »

Jessika, 26 ans

Le cellulaire de la travailleuse de rue est ouvert jour et nuit, sept jours sur sept. Les adolescentes et les jeunes femmes à qui elle vient en aide la citent en exemple. « Ce sont ces femmes qui sont inspirantes. Elles sont jeunes et déjà tellement de vécu », répond-elle lorsqu’on lui rapporte le compliment. Le 8 mars dernier, à l’occasion de la Journée de la femme, Jessika a eu l’idée de réunir des jeunes mères monoparentales, des immigrantes nouvellement arrivées et des criminelles qui ont repris le droit chemin. L’idée, c’était de faire ressortir leurs forces plutôt que de porter des jugements faciles à leur endroit.

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