Procès pour fraude

« Trump a des problèmes »

Journée difficile pour le président des États-Unis : son ancien avocat Michael Cohen l'a personnellement impliqué dans le paiement de sommes pour acheter le silence de deux femmes tandis que son ex-directeur de campagne Paul Manafort était reconnu coupable de fraude.

L’ex-avocat personnel de Donald Trump Michael Cohen a affirmé sous serment hier devant un juge de New York que c’est à la demande de M. Trump qu’il a enfreint les lois fédérales sur les finances de campagne et acheté le silence de deux femmes « dans le but précis d’influencer les élections » de novembre 2016.

Les déclarations de M. Cohen, qui a plaidé coupable à huit chefs d’accusation de fraude et d’évasion fiscale, hier, marquent la première fois qu’un membre de l’entourage de Trump s’avoue coupable d’un crime commis durant sa campagne présidentielle.

« Trump a des problèmes, résume en entrevue Rafael Jacob, chercheur associé à l’Observatoire sur les États-Unis de la Chaire Raoul-Dandurand de l’Université du Québec à Montréal (UQAM). Il a des problèmes parce que celui qui a été son bras droit pendant une décennie est allé dire sous serment que c’est Donald Trump qui lui avait dicté de faire ces paiements aux deux femmes. Ça implique Trump, et pas seulement sur le plan politique, mais potentiellement sur le plan légal. Ça ratisse plus large. »

Interrogé par le juge fédéral de Manhattan William Pauley, Michael Cohen a indiqué avoir versé « à la demande du candidat » des sommes de 130 000 et 150 000 $ destinées à deux femmes – l’actrice de films pornographiques Stormy Daniels et l’ex-mannequin de Playboy Karen McDougal – affirmant avoir eu une liaison avec Donald Trump en échange de leur silence.

Pour Pierre Martin, titulaire de la Chaire d’études politiques et économiques américaines de l’Université de Montréal, les aveux de Michael Cohen sont sans appel.

« Il a avoué avoir commis un crime, et admis savoir qu’il commettait un crime au moment où il l’a fait. Il ne faut pas faire de grandes pirouettes pour savoir que ça a été fait de concert avec Donald Trump. »

— Le chercheur Pierre Martin

Aussi dommageables soient-ils pour Donald Trump, les développements d’hier pourraient faire place à des révélations plus importantes encore, dit M. Martin.

« La perquisition [dans les bureaux de Michael Cohen dans le cadre de l’enquête] a produit des centaines de milliers d’éléments de preuve qui vont revenir à la surface dans les prochaines semaines, les prochains mois. Ils portent notamment sur les activités financières et immobilières de Donald Trump, que le président n’a jamais voulu exposer au public. On peut supposer qu’il voulait les garder secrètes, car il a des choses à cacher. Là, il ne peut plus les cacher. »

Pierre Martin rappelle que Robert Mueller continue son travail et remettra son rapport d’enquête aux élus du Congrès. « C’est le Congrès qui va décider. La Chambre des représentants déposerait des accusations. Il faudrait une majorité simple à la Chambre pour le mettre en accusation, alors ça dépend des élections qui s’en viennent. »

Manafort coupable

Hier également, Paul Manafort, ancien directeur de la campagne de Donald Trump, a été reconnu coupable de huit chefs d’accusation, dont évasion fiscale et fraude bancaire, qui avaient été déposés contre lui par le procureur spécial Robert Mueller. Il fait face à un maximum de 80 ans derrière les barreaux.

Ce double revers à un peu plus de deux mois des élections de mi-mandat est certainement difficile à prendre pour le président. Mais la culpabilité de Paul Manafort est moins dommageable pour lui que les aveux de Michael Cohen, croit Rafael Jacob.

« Ce qui est arrivé avec Paul Manafort, ça fait mal paraître Trump, mais ça n’a rien à voir avec la campagne électorale de 2016 et ça n’implique pas Trump. »

— Le chercheur Rafael Jacob

Dans le New York Times, Noah Bookbinder, directeur général de l’organisation Citizens for Responsibility and Ethics in Washington, écrit que la culpabilité de Manafort vient de faire tomber l’un des arguments préférés de Donald Trump. Cette condamnation vient démontrer publiquement ce que plusieurs d’entre nous avons dit depuis le début : ce n’est pas une “chasse aux sorcières”. C’est l’un des conseils spéciaux les plus probants de l’histoire. »

« Où est la collusion ? »

« Je me sens très triste », a réagi le président américain en marge d’un déplacement en Virginie-Occidentale, au sujet de Manafort, un « homme bien ». Donald Trump a tenu a rappeler que cette décision judiciaire n’avait en soi « rien à voir » avec une éventuelle collusion, qu’il nie farouchement depuis des mois, dénonçant une « chasse aux sorcières ». Il a en revanche soigneusement éludé toutes les questions sur Michael Cohen.

« Où est la collusion ? », a demandé M. Trump à ses supporters lors d’un rassemblement partisan pendant la soirée. « Ils cherchent toujours une collusion, où est la collusion ? Trouvez de la collusion ! »

Les alliés de la Maison-Blanche sont restés largement muets, hier. En soirée, Maggie Haberman, journaliste du New York Times affectée à la couverture de la Maison-Blanche, a dit sur Twitter que les alliés de Trump craignaient d’éventuelles retombées judiciaires.

« Le camp Trump a davantage peur de sa mise en accusation [impeachement] qu’avant. La réflexion va comme suit : [la culpabilité de Cohen] est un développement tangible, ce n’est pas théorique. Et ça ne vient pas de Mueller. Cela ne veut pas dire que ça va nécessairement arriver. Mais nous venons de changer d’étape dans leur esprit. »

— Avec l’Agence France-Presse

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