Chronique

Le mythe de l’« acte de Dieu »

Après les inondations du printemps dernier qui ont laissé les assurés le bec à l’eau, certaines victimes de la tornade qui a écorné le Québec mardi s’imaginent peut-être qu’ils ne sont pas assurés contre ce nouvel act of God. Faux ! Archifaux !

L’« acte de Dieu » (cas de force majeure) est un des mythes les plus enracinés du monde de l’assurance. Soyons clairs : pour votre assureur, Dieu n’existe pas. Le terme act of God ne figure nulle part dans les polices d’assurance auto et habitation. Et, bonne nouvelle, la plupart des événements climatiques qu’on associe généralement à la colère divine sont bel et bien assurés.

Ainsi, les dommages matériels causés par le vent – qu’il s’agisse d’une tornade ou d’une simple bourrasque – sont automatiquement couverts par les polices d’assurance habitation au Québec.

La tornade a arraché votre toiture. Les vents violents ont détruit votre ensemble de patio. Pas de panique ! Vous serez indemnisé pour les dégâts causés à votre propriété.

En ce qui concerne les véhicules, ils sont couverts dans la mesure où votre contrat d’assurance inclut la protection « Tous risques », « Risques spécifiques » ou « Tous les risques sauf collision ou renversement ».

En d’autres termes, tous les propriétaires qui sont « assurés des deux bords », comme on le dit souvent, sont protégés. Par contre, ceux qui sont assurés uniquement en responsabilité civile, c’est-à-dire pour les dommages causés à autrui, ne le sont pas.

Plutôt simple jusqu’ici ? Attendez qu’on parle des arbres…

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Disons que le vent casse un arbre qui endommage à son tour votre maison, votre clôture ou votre piscine. Vous serez indemnisé pour les dégâts à votre propriété, mais pas pour l’arbre en tant que tel.

Les polices d’assurance couvrent les végétaux (arbres, arbustes, plantes, etc.) contre certains risques bien précis, notamment les incendies, la foudre, les explosions, les collisions avec un véhicule ou un avion, le vandalisme et le vol et même les émeutes !

Mais le vent ne fait pas partie de la liste. Donc, les arbres endommagés cette semaine ne seront pas remboursés.

Cela dit, les assureurs paieront les frais de déblaiement (élagage, enlèvement des branches, etc.) si un arbre ou une branche s’est abattu sur un bien assuré (maison, cabanon, etc.).

En revanche, ils ne paieront rien du tout si le même arbre s’est effondré au milieu de la cour sans faire de dégâts. Le propriétaire devra alors se débarrasser de l’arbre à ses frais, explique Caroline Phémius, porte-parole du Bureau d’assurance du Canada (BAC).

Maintenant, que se passe-t-il si votre arbre s’abat et endommage la maison du voisin ? Qui est responsable de quoi ? Quel assureur rembourse ?

Comme propriétaire de l’arbre, c’est à vous de ramasser les branches tombées et les autres débris, répond Maude Savard-Kokinski, porte-parole d’Intact Corporation financière.

Par contre, votre voisin devra faire lui-même une réclamation à son propre assureur afin d’être indemnisé pour les dommages à sa résidence… même s’il n’en a pas trop envie, car cela pourrait faire augmenter sa prime.

Toutefois, la situation serait différente si l’arbre s’était cassé à cause de votre négligence et que votre responsabilité civile était établie.

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Tant qu’à déboulonner les mythes entourant l’« acte de Dieu », jetons un coup d’œil au traitement réservé par votre assureur aux autres catastrophes naturelles.

La protection de base de votre assurance habitation vous prémunit contre plusieurs autres types de sinistres associés à un act of God, comme la foudre, la grêle et les incendies de forêt. Tout le monde est donc couvert automatiquement.

Par contre, d’autres genres de catastrophes naturelles ne sont carrément pas couvertes, comme les glissements de terrain et les tsunamis.

Pour d’autres risques climatiques, les assurés doivent opter pour une protection supplémentaire (un avenant) pour être protégés. C’est le cas des inondations qui n’étaient pas couvertes jusqu’à tout récemment. Mais depuis la mi-mars, quelques assureurs québécois comme Desjardins ont commencé à offrir un avenant protégeant les résidences contre les cours d’eau qui sortent de leur lit.

Il existe aussi un avenant contre les tremblements de terre. Or, seulement 3 % des Québécois l’ont.

Est-ce par méconnaissance ? Le tiers des assurés se croient assurés contre les séismes et près de la moitié (44 %) ne savent pas qu’ils le sont.

Est-ce plutôt par nonchalance face à ce danger pourtant bien réel ? Le corridor Ottawa-Montréal-Québec est situé dans une zone sismique. Quelque 450 tremblements de terre secouent l’est du Canada chaque année. Mais comme ils ne sont pas si dévastateurs, peu de gens s’en formalisent.

Néanmoins, Ressources naturelles Canada estime qu’il y a de 5 à 15 % de risques qu’un séisme important touche la région au cours des 50 prochaines années. Les dégâts seraient énormes, si l’on se fie à une étude menée par le spécialiste de la modélisation de risques catastrophiques Air Worldwide, à la demande du BAC.

Ainsi, un séisme de magnitude 7,1 près de la ville de Québec, dans la zone sismique de Charlevoix, causerait des pertes de 61 milliards, dont seulement 12 milliards seraient assurés.

Priez le bon Dieu pour qu’une telle calamité ne se produise pas.

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