Liberté de la presse

De l’importance des enquêtes journalistiques

Elles ont fait naître un mouvement pacifiste, dévoilé des escroqueries érigées en système et fait tomber un président. De tout temps, les enquêtes journalistiques ont été essentielles à la démocratie. Tour d’horizon de quelques-unes des plus marquantes au Canada, en France et aux États-Unis.

LE WATERGATE

Ce n’était au départ qu’un cambriolage dans l’immeuble du Watergate, où se trouvaient les locaux du Parti démocrate à Washington. Les journalistes Bob Woodward et Carl Bernstein, du Washington Post, ont reçu l’aide du plus célèbre des informateurs – Deep Throat – pour établir un lien entre les cambrioleurs et la Maison-Blanche, impliquée dans cette affaire d’espionnage politique. Le scandale a mené à la démission du président Richard Nixon en 1974. Deep Throat – l’agent du FBI Mark Felt – n’a révélé son identité que 31 ans plus tard, en 2005. Christian Leblanc, avocat spécialisé en droit des médias chez Fasken Martineau, souligne que les États-Unis font d’ailleurs figure de modèle en la matière, la majorité des États ayant légiféré pour protéger les sources journalistiques.

LE SCANDALE DES COMMANDITES

Au Canada, le journaliste du Globe and Mail Daniel Leblanc s’est basé sur les informations fournies par « MaChouette » pour faire éclater le scandale des commandites. Son enquête a révélé que les fonds publics destinés à faire la promotion du fédéralisme avaient été détournés par des amis du gouvernement en place. Par la suite, Daniel Leblanc a risqué la prison en refusant de dévoiler l’identité de MaChouette. En 2010, la Cour suprême a jugé qu’on avait fait erreur en exigeant du journaliste qu’il trahisse sa source. « Selon la Cour suprême, il faut faire une pondération entre la divulgation de la source et ce que l’on tente de prouver, dit Me Leblanc. L’intérêt public, en terme de liberté d’expression, pèse lourd dans cette mise en balance. »

EDWARD SNOWDEN

Des millions de citoyens espionnés, jour après jour, par leurs propres gouvernements. Quand il a remis des documents classés top-secret à deux journalistes, en juin 2013, l’Américain Edward Snowden n’avait pas l’intention de trahir son pays. « Mon seul objectif est de dire au public ce qui est fait en son nom et ce qui est fait contre lui », s’est justifié l’informaticien employé, jusque-là, par la National Security Agency (NSA). Avec l’aide des journalistes Glenn Greenwald et Laura Poitras, Edward Snowden a ainsi mis au jour un programme de surveillance de masse des données cellulaires aux États-Unis, mais aussi en Grande-Bretagne. L’enquête a valu un prix Pulitzer au Guardian et au Washington Post. Edward Snowden, lui, a fui la justice américaine à Moscou.

L’AFFAIRE DU SANG CONTAMINÉ

Les six premiers articles de la journaliste Anne-Marie Casteret, en 1991, n’ont même pas fait la une de L’Événement du jeudi. C’était pourtant l’un des plus grands scandales médicaux de l’histoire française : on avait sciemment distribué à des hémophiles des produits sanguins contaminés par le virus du sida. En 1999, Anne-Marie Casteret s’est défendue auprès des intellectuels qui tentaient de la dénigrer : « Vous trouvez que nous exerçons mal notre métier, puisque nous sommes rebelles à la version institutionnelle de l’affaire. Nous maintenons. Les faits. Les dates. Les fautes… Vous préférez le discours à la Knock des acteurs et des témoins de cette affaire. C’est votre droit. Mais vous avez inversé les rôles. En réalité, nous sommes les chercheurs et vous êtes les porte-micros. »

LE MASSACRE DE MY LAI

L’opération a dégénéré lorsqu’une femme a tenté de fuir en cachant son enfant dans ses vêtements ; croyant à une arme dissimulée, les soldats américains se sont mis à tirer. Et à tirer. Le 16 mars 1968, des centaines de civils ont été massacrés au village de My Lai, au Viêtnam. Hommes, femmes, enfants : personne n’a été épargné. L’armée des États-Unis a camouflé l’affaire. Les Américains n’en ont eu connaissance qu’un an et demi plus tard, grâce au travail du journaliste d’enquête Seymour Hersh. L’indignation du public a donné des ailes au mouvement pacifiste aux États-Unis, qui a lui-même contribué au retrait des troupes américaines au Viêtnam.

LES PANAMA PAPERS

Qui profite des paradis fiscaux ? Opaque à souhait, ce système qui permet souvent de fuir l’impôt ou même de blanchir de l’argent n’a jamais été facile à percer. Mais, en avril 2016, un lanceur d’alerte a fourni à des journalistes du quotidien allemand Süddeutsche Zeitung pas moins de 11,5 millions de documents confidentiels provenant du cabinet d’avocats panaméen Mossack Fonseca. Ces « Panama Papers » ont dévoilé les noms de 214 000 actionnaires de sociétés offshores, parmi lesquels de nombreux politiciens, milliardaires et célébrités. Fait intéressant, des médias de 80 pays se sont partagé les informations par l’intermédiaire de l’International Consortium of Investigative Journalists.

LA COMMISSION CHARBONNEAU

Au Québec, l’un des meilleurs exemples de journalisme d’investigation est sans doute celui qui a mené à la mise sur pied de la commission Charbonneau, souligne l’avocat Christian Leblanc. « C’est l’aboutissement d’un processus de journalisme d’enquête assez élaboré, rappelle-t-il. Avant, il y a eu l’émission Enquête et plusieurs autres reportages » qui ont révélé des cas de collusion, de corruption et de liens entre le crime organisé et l’industrie québécoise de la construction. « Ce sont des sources confidentielles qui ont permis aux journalistes de faire leur travail », ajoute Me Leblanc. Assommé par les scoops, le gouvernement de Jean Charest n’a pas eu le choix de décréter une commission d’enquête sur la gestion des contrats publics dans cette industrie, en octobre 2011.

Liberté de la presse

Le Watergate

Ce n’était au départ qu’un cambriolage dans l’immeuble du Watergate, où se trouvaient les locaux du Parti démocrate à Washington. Les journalistes Bob Woodward et Carl Bernstein, du Washington Post, ont reçu l’aide du plus célèbre des informateurs – Deep Throat – pour établir un lien entre les cambrioleurs et la Maison-Blanche, impliquée dans cette affaire d’espionnage politique. Le scandale a mené à la démission du président Richard Nixon en 1974. Deep Throat – l’agent du FBI Mark Felt – n’a révélé son identité que 31 ans plus tard, en 2005. Christian Leblanc, avocat spécialisé en droit des médias chez Fasken Martineau, souligne que les États-Unis font d’ailleurs figure de modèle en la matière, la majorité des États ayant légiféré pour protéger les sources journalistiques.

Liberté de la presse

Le scandale des commandites

Au Canada, le journaliste du Globe and Mail Daniel Leblanc s’est basé sur les informations fournies par « MaChouette » pour faire éclater le scandale des commandites. Son enquête a révélé que les fonds publics destinés à faire la promotion du fédéralisme avaient été détournés par des amis du gouvernement en place. Par la suite, Daniel Leblanc a risqué la prison en refusant de dévoiler l’identité de MaChouette. En 2010, la Cour suprême a jugé qu’on avait fait erreur en exigeant du journaliste qu’il trahisse sa source. « Selon la Cour suprême, il faut faire une pondération entre la divulgation de la source et ce que l’on tente de prouver, dit Me Leblanc. L’intérêt public, en terme de liberté d’expression, pèse lourd dans cette mise en balance. »

Liberté de la presse

Edward Snowden

Des millions de citoyens espionnés, jour après jour, par leurs propres gouvernements. Quand il a remis des documents classés top-secret à deux journalistes, en juin 2013, l’Américain Edward Snowden n’avait pas l’intention de trahir son pays. « Mon seul objectif est de dire au public ce qui est fait en son nom et ce qui est fait contre lui », s’est justifié l’informaticien employé, jusque-là, par la National Security Agency (NSA). Avec l’aide des journalistes Glenn Greenwald et Laura Poitras, Edward Snowden a ainsi mis au jour un programme de surveillance de masse des données cellulaires aux États-Unis, mais aussi en Grande-Bretagne. L’enquête a valu un prix Pulitzer au Guardian et au Washington Post. Edward Snowden, lui, a fui la justice américaine à Moscou.

Liberté de la presse

L'affaire du sang contaminé

Les six premiers articles de la journaliste Anne-Marie Casteret, en 1991, n’ont même pas fait la une de L’Événement du jeudi. C’était pourtant l’un des plus grands scandales médicaux de l’histoire française : on avait sciemment distribué à des hémophiles des produits sanguins contaminés par le virus du sida. En 1999, Anne-Marie Casteret s’est défendue auprès des intellectuels qui tentaient de la dénigrer :

« Vous trouvez que nous exerçons mal notre métier, puisque nous sommes rebelles à la version institutionnelle de l’affaire. Nous maintenons. Les faits. Les dates. Les fautes… Vous préférez le discours à la Knock des acteurs et des témoins de cette affaire. C’est votre droit. Mais vous avez inversé les rôles. En réalité, nous sommes les chercheurs et vous êtes les porte-micros. »

Liberté de la presse

Le massacre de My Lai

L’opération a dégénéré lorsqu’une femme a tenté de fuir en cachant son enfant dans ses vêtements ; croyant à une arme dissimulée, les soldats américains se sont mis à tirer. Et à tirer. Le 16 mars 1968, des centaines de civils ont été massacrés au village de My Lai, au Viêtnam. Hommes, femmes, enfants : personne n’a été épargné. L’armée des États-Unis a camouflé l’affaire. Les Américains n’en ont eu connaissance qu’un an et demi plus tard, grâce au travail du journaliste d’enquête Seymour Hersh. L’indignation du public a donné des ailes au mouvement pacifiste aux États-Unis, qui a lui-même contribué au retrait des troupes américaines au Viêtnam.

Liberté de la presse

Les Panama Papers

Qui profite des paradis fiscaux ? Opaque à souhait, ce système qui permet souvent de fuir l’impôt ou même de blanchir de l’argent n’a jamais été facile à percer. Mais, en avril 2016, un lanceur d’alerte a fourni à des journalistes du quotidien allemand Süddeutsche Zeitung pas moins de 11,5 millions de documents confidentiels provenant du cabinet d’avocats panaméen Mossack Fonseca. Ces « Panama Papers » ont dévoilé les noms de 214 000 actionnaires de sociétés offshores, parmi lesquels de nombreux politiciens, milliardaires et célébrités. Fait intéressant, des médias de 80 pays se sont partagé les informations par l’intermédiaire de l’International Consortium of Investigative Journalists.

Liberté de la presse

La commission Charbonneau

Au Québec, l’un des meilleurs exemples de journalisme d’investigation est sans doute celui qui a mené à la mise sur pied de la commission Charbonneau, souligne l’avocat Christian Leblanc. « C’est l’aboutissement d’un processus de journalisme d’enquête assez élaboré, rappelle-t-il. Avant, il y a eu l’émission Enquête et plusieurs autres reportages » qui ont révélé des cas de collusion, de corruption et de liens entre le crime organisé et l’industrie québécoise de la construction. « Ce sont des sources confidentielles qui ont permis aux journalistes de faire leur travail », ajoute Me Leblanc. Assommé par les scoops, le gouvernement de Jean Charest n’a pas eu le choix de décréter une commission d’enquête sur la gestion des contrats publics dans cette industrie, en octobre 2011.

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