Politique

FIN DES INDICATEURS DE GESTION OBLIGATOIRES

« Les plus grands perdants, ce sont les citoyens », déplore un chercheur 

Les changements annoncés hier par Québec pour réduire la quantité d’informations que les villes seront désormais tenues de rendre publiques empêcheront les citoyens d’évaluer la gestion de leurs finances municipales, dénonce l’instigateur du palmarès des municipalités.

« On assiste ici à un copinage malsain entre le gouvernement et les municipalités. Et les plus grands perdants, ce sont les citoyens du Québec qui n’ont plus le droit de savoir ce qui se passe au municipal », dénonce Robert Gagné, directeur du Centre sur la productivité et la prospérité à HEC Montréal.

Parmi les changements annoncés hier, le ministre des Affaires municipales Martin Coiteux a notamment indiqué que les 17 indicateurs de gestion seront désormais facultatifs. Créés en 2004, ils servaient à mesurer le coût de gestion de différents services municipaux, comme la facture pour déneiger un kilomètre de route ou la note pour ramasser les déchets à chaque maison. En ramenant les coûts sur une base commune, ils permettaient ainsi de comparer l’efficacité des municipalités entre elles.

Le palmarès HEC publié depuis quatre ans par La Presse tirait une importante partie de ses informations de ces 17 indicateurs de gestion obligatoires. En vertu de la décision de les rendre facultatifs, Québec promet ainsi de mettre fin à cet exercice de comparaison du coût des services municipaux. « S’ils avaient voulu tuer le palmarès des municipalités, ils ne s’y seraient pas mieux pris », dénonce Robert Gagné.

« Je ne peux pas croire que les municipalités prétendent que documenter ces chiffres est un fardeau administratif déraisonnable. Tu ne peux pas gérer une municipalité en 2016 si tu ne suis pas ces variables. Si tu ne sais pas combien de déchets tu ramasses, si tu ne sais pas combien ton usine d’eau en traite, si tu ne sais pas combien de kilomètres de voies sont à déneiger, je pense que tu devrais faire autre chose dans la vie », s’indigne Robert Gagné.

Québec juge que les indicateurs de gestion n’ont pas atteint leurs objectifs puisqu’ils sont peu utilisés par les municipalités. Les villes les ont souvent décriés en disant qu’ils ne tiennent pas compte des facteurs d’influence. Les municipalités seront désormais libres de choisir les indicateurs qu’elles jugent pertinents. Cet exercice n’a aucune valeur aux yeux de Robert Gagné puisqu’elles pourront choisir ceux pour lesquels elles connaissent les meilleures performances.

« La raison fondamentale pour laquelle les municipalités ne veulent plus avoir à fournir ces informations, c’est qu’elles ne veulent plus avoir à se comparer. »

— Robert Gagné, directeur du Centre sur la productivité et la prospérité à HEC Montréal

Le chercheur est d’autant plus renversé que ces changements surviennent alors que, pour la première année, le palmarès avait observé un important ralentissement dans la croissance des dépenses des municipalités. Robert Gagné se dit convaincu que cette embellie était attribuable à la transparence imposée par cet exercice de comparaison.

« Quand la Ville de Montréal vient dire que, grâce au benchmarking, elle a compris que ça lui coûtait trop cher de traiter ses déchets et a épargné des millions en se comparant à Toronto, ça montre que c’est utile de se comparer », dit Robert Gagné.

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.