À votre tour

La bipolarité dans la peau

Ça fait maintenant presque quatre ans. Quatre ans que j’ai découvert que j’avais perdu le contrôle. Perdu le contrôle de mes émotions et de mes actions. J’avais à peine 18 ans.

À 18 ans, tu te découvres, tu découvres la vie d’adulte et toutes les possibilités qui sont maintenant à ta portée. Moi, j’ai découvert que je ne serais jamais comme les autres et que ma vie ne sera jamais ordinaire.

J’ai eu le diagnostic. L’étiquette. Maladie affective bipolaire de type 2.

Je me souviens avoir pleuré pendant des semaines, en me disant que tout ce que je voulais, c’était être normale, aller à mes cours, ne pas être tout le temps fatiguée. Mais surtout, ne plus jamais perdre le contrôle. Comment faire pour me convaincre que ce n’est pas ma faute ? Que ce n’est pas ma faute d’avoir blessé les gens autour de moi, d’être agressive et irritable sans cesse, d’avoir accumulé des tonnes de dettes et surtout d’avoir le sentiment de rendre les gens malheureux autour de moi ? 

J’ai essayé de comprendre, sans jamais avoir de réponse à mes questions.

Après, tu commences peu à peu à accepter. À accepter que ta vie sera différente, mais qu’au moins, tu es en vie. Tu commences la médication et elle te tue de l’intérieur : vomissements, étourdissements, fatigue intense, tachycardie, dépression. Tu te dis que ça va passer, mais au bout de quatre ans, tu réalises que ça ne passera pas, que tu dois juste réapprendre à vivre.

Ensuite, tu rechutes. Tu veux en finir avec cette vie-là, tu te dis que ce n’est pas la vie que tu voulais avoir. Mais, au fond, tu veux juste arrêter de souffrir. Ils t’enferment alors dans une chambre blanche, vide, meublée simplement d’un lit. Tu restes sept jours seule, à penser, à pleurer et à apprendre à être bien avec toi-même.

Si vous saviez à quel point ça fait peur d’être seule avec son pire ennemi.

Tous les aspects de ta vie deviennent difficiles. Comprendre, par exemple, que la voiture de 25 000 $ que tu as acheté à 18 ans et les cartes de crédit que tu as compulsivement remplies avant la tombée du diagnostic te suivent encore et ne disparaitront jamais, comme le souvenir de tes relations amoureuses tumultueuses ou la chute constante de ton estime personnelle.

ENTRE MA TÊTE ET MON CORPS

Maintenant à 21 ans, avec 80 livres en trop, un syndrome métabolique important, de la tachycardie, une hausse des enzymes hépatiques, le syndrome des ovaires polykystiques, la résistance à l’insuline, un taux de cholestérol élevé et la pyélonéphrite chronique, j’ai l’impression que je suis à la croisée des chemins. J’ai l’impression de devoir choisir entre ma tête et mon corps.

Qu’est-ce que je dois faire à ce moment-là ? Je ne sais plus, je ne sais pas et peut-être que je ne le saurai jamais. Pour l’instant, tout ce que je sais, c’est que je souffre.

Finalement, tout ce que j’ai envie de vous dire, c’est : appréciez les bonnes et les belles choses que la vie vous apporte. Je veux démystifier les maladies qu’on ne peut pas voir et je me dis qu’un jour, ce sera peut-être moi qui serai la plus heureuse.

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