Agroalimentaire

Les fromages européens à nos portes

Cinq questions pour mieux comprendre l’arrivée des fromages européens au pays

Qui aura les nouveaux droits d’importation ? 

C’est la question que tout le monde se pose. Le ministre du Commerce international, François-Philippe Champagne, a fait des consultations auprès des acteurs de l’industrie laitière canadienne et devrait très prochainement annoncer selon quelles conditions les contingents vont être distribués.

« Nous pensons que seuls les fromagers devraient obtenir du contingent, parce que nous croyons que c’est la seule façon qu’il n’y ait pas de distorsion dans le marché canadien », estime Yves Leduc, directeur politique et commerce international pour Les Producteurs laitiers du Canada. Selon M. Leduc, on doit éviter de saupoudrer les quotas à gauche et à droite, et surtout du côté des détaillants. « Un détaillant pourrait importer une grande quantité de fromage avant les Fêtes, par exemple, et en faire des produits d’appel », dit-il. « Le fromager n’aura pas intérêt à mettre sur le marché des produits à un prix ridiculement bas », ajoute M. Leduc.

Ce propos est évidemment appuyé par le Conseil des industriels laitiers du Québec, qui est d’accord avec l’attribution de quotas à de nouveaux importateurs, tant qu’il s’agit de fabricants. « Si on attribue les contingents aux transformateurs, on stabilise le secteur, parce qu’ils vont compléter leurs gammes plutôt que d’importer des fromages qui font compétition à ce qu’ils produisent », affirme Charles Langlois, président-directeur général du Conseil.

L’arrivée de nouveaux fromages favorisera-t-elle la diversité ? 

Non. Ou très peu. 

Le marché des fromages au Canada, et particulièrement au Québec, est mature. Les produits locaux et importés présentent un très large éventail de différents types de fromages. 

Les détenteurs des nouveaux quotas élargiront leurs gammes de produits, mais feront inévitablement compétition à d’autres producteurs d’ici qui fabriquent des fromages différents. Un importateur pourrait néanmoins mettre la main sur un fromage rare. Il faut toutefois se rappeler que les fromages artisanaux et fermiers d’Europe, comme les québécois, sont produits en petites quantités et se vendent plus cher que les fromages industriels. 

Selon Louis Arsenault, président de l’Association des fromagers artisans du Québec, on pourrait néanmoins voir arriver des fromages qui ont l’allure de produits artisanaux et qui pourraient facilement confondre plus d’un consommateur québécois.

Quels types de fromages seront importés ? 

« Les types de fromages qui vont arriver ici dépendent de qui va avoir les quotas », dit Luc Boivin, de la Fromagerie Boivin. 

Selon Nancy Portelance, présidente de Plaisirs Gourmets, qui distribue des fromages fermiers québécois, il faut s’attendre à voir arriver surtout des fromages à pâte ferme vieillis – le parmesan, par exemple – pour des raisons logistiques évidentes. Les fromages jeunes et fragiles doivent voyager par avion, ce qui augmente passablement les coûts de transport, rappelle cette spécialiste.

Quand verrons-nous les nouveaux fromages dans les épiceries ? 

Probablement avant la fin de cette année. Il reste quelques étapes à compléter avant que le ministre donne le feu vert à l’importation, mais les grands acteurs qui possèdent déjà des contingents sont prêts à augmenter la quantité de fromages qu’ils importent.

Les premiers fromages pourraient entrer au Canada dès le 1er juillet 2017, mais la distribution des contingents se fera dans les cinq prochaines années. Au total, c’est 17 700 tonnes de nouveaux fromages européens qui seront importées. 

Qui va être touché par l’arrivée des fromages européens ? 

Les petits fromagers artisans québécois devraient être épargnés, explique Yannick Achim, propriétaire de fromageries spécialisées. « Les artisans ne seront pas touchés, sinon qu’ils vont perdre un potentiel de développement à l’extérieur du Québec, dans des marchés comme Toronto, Calgary ou Vancouver », dit-il. 

« Je ne crains pas pour les acquis, confirme Nancy Portelance. Nos fromages ont une personnalité forte, car il y a un artisan derrière la production. » 

Les commerces spécialisés ne vont pas changer un fromage fermier du Lac-Saint-Jean contre un gruyère industriel. Dans les comptoirs des épiceries, l’avenir est plus incertain.

Tout le monde est d’accord sur un point : au Québec, ce sont plutôt les fromageries de « taille moyenne » qui risquent de souffrir. Un détaillant qui se fait offrir un gouda hollandais moins cher qu’un gouda québécois restera-t-il fidèle à ses produits locaux ? 

La fromagerie St-Fidèle de Charlevoix produit 1 million de kilos de fromage par année, dont 85 % de fromage suisse. « Les Européens ont une expertise là-dedans, avoue la directrice de la fromagerie, Cathy Savard. Il faut attendre de voir ce qui va rentrer et à quel prix. »

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