100 idées pour faire avancer le Québec Vieillir sans être vieux

Tsunami gris ou brise de jouvence ?

« Vieillir, c’est embêtant, mais c’est la seule façon de vivre longtemps. »

 – Félix Leclerc

La grande majorité d’entre nous souhaitent vivre le plus longtemps possible. Bonne nouvelle : le Québec est parmi les sociétés ayant connu les meilleures améliorations de l’espérance de vie, passant du dernier rang des provinces canadiennes, vers 1980, au troisième rang actuellement.

L’espérance de vie à la naissance, en 2016, était de 84,5 ans pour les femmes et 82,7 ans pour les hommes. Cette augmentation s’explique surtout par une diminution de la mortalité après 60 ans. Une femme ayant 65 ans aujourd’hui peut espérer vivre jusqu’à 87 ans, et un homme jusqu’à 84 ans.

Malheureusement, alors que nous vivons plus vieux, c’est souvent au prix d’une perte d’autonomie, car ce ne sont pas nécessairement des années en « bonne santé » qui se sont ajoutées.

Les Québécois doivent ainsi s’attendre à vivre en moyenne 13 ans avec une incapacité.

Ceci est illustré par l’émergence de l’appellation « quatrième âge », désignant les aînés présentant une perte d’autonomie, ceux qu’on appelle aussi les « vrais vieux ». En plus d’entraîner des difficultés personnelles, ces incapacités représentent des coûts importants pour la société, en termes de soins médicaux, de services à domicile et d’hébergement. Cela explique les craintes des conséquences du « tsunami gris » sur la société.

Pour faire face au défi que représente le vieillissement de la population québécoise, et amenuiser le plus possible ses conséquences personnelles et sociales, il faut donc permettre aux aînés, et à ceux qui le deviendront bientôt, de « vieillir en santé », exempts le plus possible d’incapacités importantes. Or, nous savons en grande partie comment faire. Par exemple, au Centre de recherche de l’Institut universitaire de gériatrie de Montréal (CRIUGM), des dizaines de chercheurs travaillent à trouver des façons de « bien vieillir », et les résultats sont probants.

Les études du Dr Louis Bherer ont montré qu’un exercice effectué durant trois mois, à raison de trois fois par semaine, permet d’améliorer la mémoire et l’attention, possiblement en stimulant la formation de nouveaux vaisseaux et circuits cérébraux.

Malheureusement, bien que les bienfaits de l’exercice sur la santé physique, et maintenant sur la santé cognitive, soient bien connus, plus de 50 % des aînés québécois disent ne pratiquer aucune activité physique.

En plus d’entraîner son corps, on peut entraîner son cerveau pour réduire les pertes de mémoire.

Les travaux de recherche de la Dre Sylvie Belleville, directrice du CRIUGM, ont montré qu’un programme enseignant de nouvelles stratégies de mémorisation permet à des personnes ayant de légers troubles d’améliorer leur mémoire.

Une chute peut avoir des effets désastreux pour un aîné, entraînant bien sûr douleur et risque de fracture, mais également perte de mobilité, peur de tomber et de sortir de chez soi, accentuant ainsi l’isolement. Il a été montré plusieurs fois, entre autres par la docteure  en santé publique Johanne Filiatrault, qu’un programme spécifique sur les façons d’éviter les chutes, combiné à des exercices appropriés, peut améliorer l’équilibre et la force, ce qui peut réduire le risque de chute, persistant jusqu’à 12 mois après le programme.

Prévention ou traitement ?

On ne peut pas prévenir le vieillissement, mais on peut tenter d’en prévenir les effets néfastes. Pour optimiser les chances de « vieillir sans être vieux », il faut s’engager activement dans des programmes reconnus efficaces. Mais la volonté individuelle ne suffit pas. Il faut non seulement que les gens sachent quoi faire, mais aussi qu’on les aide.

Il est relativement facile, dans notre système de santé, de traiter une maladie aiguë ou chronique avec des traitements et médicaments efficaces et disponibles. Il est malheureusement beaucoup plus difficile, voire impossible, d’avoir accès à des programmes de prévention, parfois aussi efficaces que les médicaments, permettant de retarder ou d’éviter les conséquences du vieillissement, comme les pertes de mémoire ou de mobilité, les chutes, l’anxiété, l’insomnie, la dépression et la douleur.

La solution est pourtant simple et ne nécessite qu’une volonté politique. Il faut que des programmes d’activités physiques adaptées, de stimulation cognitive et autres, soient rendus accessibles pour tous, par l’entremise d’organismes communautaires ou d’établissements de santé. Un investissement qui serait hautement bénéfique, autant pour la qualité de vie individuelle que pour l’ensemble de la société. Il faut cesser de craindre le vieillissement de la société et ses effets sur le système de santé, et plutôt s’engager, individuellement, socialement et politiquement, à en prévenir les effets néfastes le plus possible, afin que nous ayons tous la chance de vieillir sans être vieux. Et c’est dès maintenant qu’il faut le faire, avant l’arrivée du « tsunami gris ».

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