Étiquetage trompeur

La boisson Four Loko retirée des tablettes

La boisson alcoolisée Four Loko – très populaire chez les jeunes – est retirée des tablettes des épiceries et des dépanneurs du Québec, car elle ne contient pas de l’alcool issu de la fermentation du malt comme on le prétend sur le produit.

Au terme de plusieurs visites d’inspection menées en octobre à l’entreprise Embouteillage Solar, située à Terrebonne, la Régie des alcools, des courses et des jeux (RACJ) a découvert que la fabrication de 34 boissons alcoolisées, dont le Four Loko, n’était pas conforme à la réglementation en vigueur, a indiqué à La Presse la porte-parole de l’organisme de régulation, Me Joyce Tremblay.

Au Québec, la boisson américaine Four Loko est commercialisée par les Breuvages Blue Spike, mais fabriquée par Embouteillage Solar.

Des prélèvements faits sur les produits puis envoyés à la Société des alcools du Québec aux fins d’analyse ont révélé que l’alcool se trouvant dans les boissons ne provenait pas de la fermentation de la matière première, mais bien d’un ajout direct d’alcool, a expliqué Me Tremblay de la RACJ. Or, une boisson alcoolisée fabriquée par ajout direct d’alcool ne peut être vendue en épicerie ni en dépanneur.

Le 20 novembre dernier, la RACJ a donc mis en demeure Embouteillage Solar de cesser immédiatement la fabrication et la vente des 34 boissons, dont le Four Loko, ainsi que toute publicité entourant ces produits.

L’entreprise de Terrebonne est convoquée à une audience devant la RACJ prévue fin décembre. Une fois que les produits seront retirés du marché, ceux-ci ainsi que tous les produits en stock qui se trouvent dans les 11 entrepôts de l’entreprise au Québec devront être détruits, sous la supervision d’un inspecteur de la Régie.

« La substitution de ces deux ingrédients n’a aucun effet sur la teneur en alcool ou sur la qualité des produits », a affirmé l’entreprise Embouteillage Solar dans un communiqué publié hier matin. 

« Cependant, l’utilisation de l’alcool éthylique n’est pas conforme à la réglementation prévoyant que seuls la bière, le cidre, le vin ou les produits artisanaux peuvent être mis en marché chez les détaillants en alimentation. »

— Extrait du communiqué d’Embouteillage Solar

Les marques concernées par le rappel de produits des Breuvages Blue Spike sont Baron, Four Loko, Mojo, Octane et les boissons aux fruits Seagram.

Contactée par La Presse, l’entreprise Embouteillage Solar n’a pas souhaité accorder d’entrevue sur la question, hier.

Blue Spike se veut rassurante

De son côté, le président et cofondateur des Breuvages Blue Spike, Nicolas Gagnon-Oosterwaal, dit prendre la situation « très au sérieux ». L’entreprise montréalaise a indiqué par voie de communiqué, hier, avoir signé une entente avec un nouveau fournisseur de « réputation internationale » qui sera chargé de l’embouteillage de ses produits à compter de février prochain.

L’entreprise affirme qu’elle sera en mesure de distribuer de nouveau le Four Loko et ses autres produits qui ont fait l’objet d’un rappel dans les épiceries et les dépanneurs du Québec dès février.

« Malgré l’impact négatif temporaire sur nos ventes, cette nouvelle entente nous assure qu’une telle situation ne se reproduira plus, et que nos clients pourront continuer de consommer nos produits dans quelques semaines », conclut M. Gagnon-Oosterwaal.

Une boisson préoccupante

La Presse révélait plus tôt cet automne que la boisson Four Loko – très populaire auprès des jeunes en raison de son goût sucré, de son faible prix et de sa haute teneur en alcool – préoccupe au plus haut point les urgentologues et des experts en santé publique du Québec.

Cette boisson est offerte en différents parfums sucrés, dont limonade, cerise et punch aux fruits, a une teneur élevée en alcool, soit 11,9 %, en plus de contenir l’équivalent de 13 cuillerées à thé de sucre par canette. En boire une équivaut à consommer quatre verres d’alcool standard. Une canette de 568 ml coûte environ 4 $.

La boisson Four Loko tire son nom des quatre principaux ingrédients qu’elle contenait lors de sa mise en marché aux États-Unis, en 2005, soit l’alcool, la caféine, la taurine et le guarana. Elle avait alors hérité de différents surnoms dont « liquid crack » (crack liquide) et « blackout in a can » (perte de connaissance en canette).

Jugée dangereuse, la boisson avait été retirée des tablettes avant de réapparaître dans une version sans additifs « stimulants », mais avec une teneur en alcool toujours aussi élevée.

Metro en avait déjà suspendu la vente

Environ deux semaines avant ce rappel, la chaîne d’épiceries Metro avait déjà suspendu la vente de deux boissons sucrées à forte teneur en alcool – Four Loko et FCKDUP (cette dernière est conçue et fabriquée par l’entreprise québécoise Groupe Geloso et n’est pas visée par le rappel) –, car elle « se questionnait sur ces produits à la suite des différents articles publiés sur le sujet », selon la porte-parole de Metro, Marie-Claude Bacon.

La porte-parole insiste sur le fait que cette décision prise il y a deux semaines n’a rien à voir avec le rappel de la boisson Four Loko annoncé hier. « On voulait prendre du recul par rapport à la commercialisation de ces produits-là », a-t-elle expliqué à La Presse.

« Il y a un peu de surprise de constater que ce produit [le Four Loko] était vendu pour ce qu’il n’est pas. C’est assez dommage », a dit pour sa part le président-directeur général intérimaire de l’Association des détaillants en alimentation, Pierre-Alexandre Blouin.

« C’est sûr que c’est un produit qui se vend, mais si le produit est non conforme, on le retire, on n’a pas le choix, c’est comme n’importe quel autre rappel », a affirmé M. Blouin. Dans les heures suivant l’avis de rappel, les détaillants sont tenus de le retirer des tablettes, a-t-il expliqué.

Ce rappel va causer une « problématique logistique » aux détaillants, a dit pour sa part Yves Servais, directeur adjoint de l’Association des marchands, dépanneurs et épiciers du Québec. « J’espère que la compagnie qui fabrique les produits visés par le rappel va rembourser les détaillants, car dans la plupart des cas ces produits-là ont déjà été payés », a ajouté M. Servais.

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