Opinion

DOCTRINE SEXUELLE CATHOLIQUE
La fausse réforme du pape François

Depuis son élection il y a cinq ans, le pape François est présenté par les médias comme un réformateur de la doctrine sexuelle catholique. Cette conviction est devenue un lieu commun. 

Le génie pédagogique de François, c’est qu’il aborde les enjeux tels que le mariage, la sexualité, la contraception et l’homosexualité dans une perspective pastorale. Il invite les membres de l’Église catholique à accueillir toute personne, peu importe son cheminement personnel. En 2013, il soulignait qu’il souhaitait parler de paix, d’écologie et des inégalités sociales. Il soulignait aussi que comme « fils de l’Église », il partageait la position de l’Église sur la morale sexuelle catholique. Son exhortation apostolique post-synodale Amoris laetitia (2016) s’inscrit indéniablement dans la doctrine catholique sur le mariage et la sexualité.

François reconnaît que l’union affective dans le couple « inclut la tendresse de l’amitié et la passion érotique ». Il dénonce comme moralement illicite l’utilisation de la sexualité pour manipuler son conjoint. Il rappelle toutefois que le mariage, tel que Dieu l’a institué, est fondé sur l’union, d’un homme et d’une femme, ouverte à la procréation. 

L’objectif de l’union matrimoniale indissoluble est « de devenir une seule chair ». L’étreinte physique et l’enfant à naître sont les symboles de la fécondité du couple. Fidèle à la doctrine catholique, il réaffirme que « […] l’Église rejette de toutes ses forces […] la contraception, la stérilisation et l’avortement ». François inscrit son exhortation apostolique dans la continuité de la lettre encyclique Humanae vitae (1968) de Paul VI. Il rappelle que le texte fait un lien intrinsèque entre « l’amour conjugal et l’engendrement de la vie ». 

Pour François, l’union exclusive, indissoluble et féconde entre un homme et une femme est la seule reconnue par l’Église catholique.

« Si une personne homosexuelle est de bonne volonté et qu’elle est en recherche de Dieu, je ne suis personne pour la juger », a-t-il déclaré pendant le vol de retour de Rio de Janeiro, en 2013. Les médias occidentaux ont largement contribué à faire de cette désormais célèbre phrase du pape François l’assise d’un changement de doctrine face aux personnes homosexuelles. 

Pourtant, l’approche pastorale de François s’inscrit dans la tradition de l’Église catholique. Les personnes homosexuelles doivent être accueillies avec respect et compassion. Dans son exhortation apostolique Amoris laetitia, François fait sienne l’approche dichotomique de la doctrine catholique. L’accueil de la personne homosexuelle n’implique pas l’acceptation de sa pratique sexuelle. Comme si le fait de vivre sa sexualité n’était pas une dimension constitutive d’une personne. François fait même une critique du concept de genre. Il présente cette approche des identités comme une idéologie à combattre. « Un autre défi apparaît sous diverses formes d’une idéologie, généralement appelée ‘‘gender’’, qui nie la différence et la réciprocité naturelle entre un homme et une femme. Elle laisse envisager une société sans différence de sexe et sape la base anthropologique de la famille. » 

Faut-il le souligner, le concept de genre permet de sortir de l’analyse binaire essentialiste des genres (féminin/masculin) et de la sexualité hétérosexuelle reproductive pour reconnaître les nombreuses différences identitaires et sexuelles. Le concept de genre est fondamental dans la reconnaissance sociale, juridique et politique des minorités sexuelles LGBTQ+. 

La critique essentialiste de la notion de genre de François est réductrice de la complexité des identités sexuées. Dans des sociétés démocratiques, elle est tout aussi nuisible que la critique acerbe du féminisme occidental faite par Jean-Paul II.

Les médias ont aussi beaucoup glosé autour de la réforme des institutions au sommet de la hiérarchique catholique. François a été présenté comme celui qui se battait « seul » contre une curie récalcitrante et rétrograde. Notion courte de l’histoire de l’institution catholique. Il n’est assurément pas le premier pape à vivre ce genre de défi. L’élection d’un nouveau pape est politique. Elle crée des frictions dans la hiérarchie. Jean XXIII et Jean-Paul II ont bien connu cette logique institutionnelle de résistance à un recentrage organisationnel. La réforme institutionnelle de François n’implique pas la question cruciale de l’ordination des femmes. Un véritable changement idéologique s’opérera, dans cette institution patriarcale hiérarchique, lorsque les femmes seront ordonnées prêtres. Pour l’instant, le pouvoir temporel et spirituel est toujours dans les mains des hommes clercs.

Les droites chrétiennes gagnent du terrain politique dans plusieurs démocraties occidentales. Elles se regroupent pour lutter contre des droits fondamentaux chèrement acquis par les femmes et les groupes LGBTQ+. Présenter François comme un réformateur de la doctrine sexuelle catholique relève de la « fausse nouvelle ».

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