Hockey Flyers de Philadelphie

« J’ai souvent eu de la difficulté à dormir »

IAN LAPERRIÈRE

Ian Laperrière s’est souvent battu au cours de sa carrière.

Plus de 216 fois en 16 ans de carrière dans la Ligue nationale de hockey. À deux reprises, en 2000 et en 2010, il a terminé parmi les deux bagarreurs les plus actifs de la Ligue.

Il n’était pourtant pas le plus imposant physiquement, à 6 pi 1 po et 190 lb, et il était certainement assez doué pour jouer au hockey, comme en témoignent ses deux saisons de plus de 110 points dans les rangs juniors et ses 21 buts avec l’Avalanche du Colorado en 2005-2006.

Il a aussi le visage couvert de cicatrices, résultats non seulement de combats, mais de rondelles et de coups de bâtons.

Laperrière a d’ailleurs été contraint à la retraite en 2010 après avoir reçu une rondelle propulsée par un tir frappé de Paul Martin. Il ne s’est jamais remis de sa commotion cérébrale et de sa fracture de l’os orbital.

« Le hockey a changé, mais j’ai toujours tiré à l’époque une grande fierté du fait que je répondais aux actes de l’adversaire s’ils s’attaquaient à nos meilleurs joueurs. Je n’étais pas un poids lourd, mais je jouais au sein d’équipes qui n’avaient pas de durs à cuire. »

« J’ai probablement perdu 90 % de mes combats, mais j’étais le gars qui voulait tout faire pour ses coéquipiers. »

— Ian Laperrière

Entraîneur adjoint chez les Flyers de Philadelphie depuis trois ans, il ne s’ennuie pas de l’époque où il voulait tout faire pour ses coéquipiers…

« Le pire, c’est quand je savais que j’avais fait quelque chose de pas correct sur la glace et que je devais répondre de mes gestes lors du match suivant. De ça, je ne m’ennuie pas du tout.

« J’ai souvent eu de la difficulté à dormir avant certains matchs. Quand j’ai blessé Brian Savage [du Canadien] à Los Angeles, je savais ce qui m’attendait. Mon chum Stéphane Dubé, qui était préparateur physique avec le Canadien, m’avait prévenu qu’Arron Asham “s’en venait” après moi. Je savais que ça allait arriver et j’ai eu à me battre avec lui au centre de la glace. La sieste de l’après-midi avait été moins agréable. »

DOULOUREUX SOUVENIR

Laperrière se souvient surtout des événements qui ont précédé un match contre les Oilers d’Edmonton.

« Zack Stortini n’était pas un tough au début de sa carrière. Quand il se battait, il faisait souvent la prise de l’ours. C’est ce qu’il m’avait fait et j’avais ri de lui sur la glace. Le problème, c’est qu’entre ce match et le suivant contre les Oilers, deux mois plus tard, il s’est mis à se battre, et à bien se battre, contre de très gros joueurs. C’était quand même un gros bonhomme de 6 pi 4 po et 215 lb.

« J’ai eu de la misère à dormir avant le départ pour Edmonton. Heureusement, l’Avalanche avait rappelé des mineures Jesse Boulerice en prévision de ce match pour me fournir un peu d’aide en prévision de ce qui allait se passer. Mais à la veille du départ, le DG François Giguère m’a convoqué au bureau pour m’annoncer que Boulerice avait finalement été réclamé au ballottage par… les Oilers ! »

Laperrière se souvient de son état d’esprit avant le match.

« J’étais dans un gros brouillard pendant l’entraînement matinal. Je jasais avant le match avec Peter McNab, notre gars de télé, et il me prédisait une longue soirée. J’étais blanc comme un drap. Les deux m’ont couru après toute la soirée. Stortini est venu me chercher, la foire a commencé, on ne s’est pas vraiment battus. Boulerice m’avait invité, il voulait faire sa job, mais j’ai refusé parce que je savais que si je me battais avec l’un, je devrais me battre avec l’autre. Le pire, c’est que le lendemain, ils ont renvoyé Boulerice dans les mineures. Ils l’ont juste réclamé pour être sûrs qu’on n’arrive pas au match avec lui… »

UN « FAN » DE BAGARRES

Malgré tout, Ian Laperrière ne prône pas l’abolition des bagarres.

« Il y en a moins, et c’est correct, c’est l’évolution de la game. Mais je reste un gros fan des bagarres. Ça fait partie de notre sport. Les gens aiment ça. Tout le monde est debout et regarde quand un combat éclate. Ça n’a plus la place que ça avait, sauf que ça doit rester parce qu’il y a encore trop de coups salauds. »

N’est-ce pas paradoxal pour un adepte du yoga de prêcher pour la violence ? Il éclate de rire.

« Ça ne va pas ensemble, hein ? Mais je ne suis pas le seul, semble-t-il. Richard Clune, des Maple Leafs, est un adepte du yoga et il est pas mal tough. »

Malgré tous les mauvais coups reçus, Laperrière, aujourd’hui âgé de 42 ans, se dit en assez bonne condition physique.

« J’ai fait des triathlons et des compétitions Ironman, ces dernières années, et je continue de m’entraîner. Sauf que de vieilles blessures de hockey ont refait surface dernièrement. Je serai obligé de cesser de courir à cause de mon genou gauche.

« Ça me rend fou parce que j’adore courir. Je me tape donc des rides de deux heures sur mon vélo stationnaire au sous-sol. Il y a toujours une grosse opération possible pour le réparer, mais je n’ai pas envie de passer par là. Ça ne m’empêche pas de patiner, de nager et de faire du vélo. Mais je dois faire mon deuil de la course. Et même avec un nouveau genou, je ne pourrais pas courir de toute façon. »

Ian Laperrière aime sa nouvelle vie d’entraîneur adjoint. « J’arrive à compenser pour mon ennui de jouer. Ça me permet de continuer à vivre ma passion. Il y a beaucoup de choses qui s’en rapprochent, même s’il n’y a rien comme jouer. »

« La préparation pour gagner un match, la compétition, l’adrénaline, on peut la retrouver derrière le banc. Je suis avec Magalie depuis 25 ans et elle est compréhensive. Elle sait que je suis heureux à l’aréna. »

— Ian Laperrière

Rêve-t-il à un poste d’entraîneur-chef dans la LNH ? « Un jour, peut-être. Mais j’en suis à ma troisième année seulement derrière un banc. Je travaille pour un nouvel entraîneur cette année. Dave Haskol est un gars de collège, un coach de carrière, je prends des notes. Je ne dis pas non pour le poste d’entraîneur en chef, mais il me reste encore plusieurs années d’apprentissage. »

S’il pouvait imposer un changement dans le monde du hockey, quel serait-il ?

« C’est un changement impossible à faire, répond-il. Mais pour ouvrir le jeu comme à l’époque, j’éliminerais les analyses sur vidéos avant les matchs. On ne fait que ça, chercher de nouvelles manières de contrer l’adversaire. Aujourd’hui, par exemple, j’ai fait six heures d’analyse de vidéos de nos prochains adversaires, les Devils du New Jersey. Quand je suis arrivé avec Mike Keenan en 1993, on n’avait pas de système. On laissait tomber la rondelle et on jouait. Je ne savais pas ce qu’était un système durant les 10 premières années de ma carrière. Le jeu était ouvert et il y avait beaucoup plus de chances de marquer. C’est le gros problème du hockey. »

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.