Opinion  Référendum écossais

Le sens du Oui

La démocratie, l’aide sociale et la création d’une société plus humaine sont au cœur de la campagne référendaire

À trois jours du vote, le résultat du référendum écossais sur l’indépendance pourrait aller d’un côté ou de l’autre. La plupart des sondeurs affirment que l’issue du référendum s’annonce trop serrée pour qu’on puisse y aller de prédictions.

Il nous faudra donc attendre au petit matin, vendredi, pour savoir si la « Team UK » a réussi à reconquérir ses partisans unionistes écossais. Mais nous pouvons quand même émettre quelques suppositions quant à ce qui a bien, ou mal, été, et ce, peu importe si c’est le Yes ou le No qui l’emportera le 18 septembre.

Si le Non l’emporte, ce sera sans doute par une faible marge. Cela signifierait que près de la moitié (disons 45 %) des Écossais préfèrent l’indépendance, alors que la majeure partie de l’autre moitié espère obtenir davantage de pouvoirs pour le Parlement écossais. Une victoire du Non constituerait donc un mandat fort pour négocier des changements constitutionnels, mais au sein du Royaume-Uni.

C’est ce que les chefs des partis britanniques ont promis, et c’est sans doute le principal élément qui pourrait mener au rejet de l’indépendance jeudi. (Une autre des facteurs importants qui pousseraient les gens à choisir le statu quo, selon les sondeurs, est la peur d’un effondrement économique dans le cas d’une victoire du Oui.)

Quel serait le sens d’une victoire du Oui ? Contrairement à ce que laissent entendre de nombreux analystes, cela ne signifierait pas que l’Écosse a été prise d’une ferveur nationaliste tribale. Comme les partisans du Parti national écossais (SNP) ne sont pas en nombre suffisant pour permettre une victoire du Oui, cela voudrait dire qu’une importante minorité des partisans des travaillistes aura abandonné son parti pour choisir le camp du Oui.

Il est important de souligner que le camp du Oui ne lance pas un appel aux armes nationaliste. Les travaillistes (et les indécis) qui cocheront Yes sont davantage préoccupés par le déficit démocratique qui existe dans les structures politiques britanniques actuelles, l’érosion graduelle de l’État providence et le besoin de créer une société plus équitable, plus juste. Si le Oui l’emporte, ce sera parce que les partisans des travaillistes ont jugé que ces objectifs sociaux et politiques seraient plus faciles à atteindre dans une Écosse indépendante qu’au sein du Royaume-Uni.

Ce serait un dur coup pour le mouvement travailliste britannique. Comme l’ont souligné de nombreux partisans travaillistes, dont le slogan est « Better Together » (ensemble, c’est mieux), les préoccupations des Écossais au sujet de la tendance des politiques britanniques à être centrées sur Londres et de la privatisation des services publics sont partagées par des gens du Yorkshire, de Newcastle, de Birmingham, de Cardiff… Des blagues ont même circulé sur le fait que certaines parties du nord de l’Angleterre voudraient se joindre à une Écosse indépendante…

Ces enjeux – la démocratie, l’aide sociale, la création d’une société plus humaine – sont au cœur de la campagne référendaire. C’est ce qui préoccupe les gens ordinaires – pas seulement en Écosse, mais partout au Royaume-Uni. Et peu importe le résultat du référendum, il faudra qu’un changement radical s’opère.

Et qu’adviendrait-il d’une Écosse indépendante ? Elle aurait assurément à vivre une période de grande incertitude autour d’enjeux comme la monnaie, l’économie, les réserves pétrolières, l’appartenance à l’OTAN et à l’UE. Le SNP devra rassembler toutes les parties – y compris les unionistes – en vue de négocier les risques, les possibilités et les défis de l’indépendance, pour concevoir une vision d’une nouvelle Écosse et surmonter les divisions qui existent au sein de la société. Mais le principal message des partisans du Yes – et surtout des travaillistes et des indécis ayant voté pour l’indépendance – au gouvernement écossais serait : « C’est bon, vous nous avez convaincus que l’Écosse, et notre vie, iraient mieux après l’indépendance. Maintenant, ne nous laissez pas tomber. »

OPINION RÉFÉRENDUM ÉCOSSAIS

Une mauvaise affaire

D’un point de vue strictement monétaire, l’indépendance ne procurerait aucun avantage à l’Écosse (ou au Québec)

D’ici la fin de la semaine, nous connaîtrons le sort de l’Écosse au sein du Royaume-Uni. Si jamais les indépendantistes l’emportent, un des principaux enjeux pour le gouvernement écossais sera celui de la monnaie.

Quel régime monétaire sera le meilleur pour une Écosse souveraine ? Serait-ce mieux de conserver la livre sterling, comme le désire Alex Salmond, chef du Scottish National Party, de créer la livre écossaise ou plutôt d’adopter l’euro ?

Le choix le plus simple est certainement de continuer à utiliser la livre sterling en Écosse. Elle circule déjà sur le territoire et a la confiance des Écossais. De plus, en continuant d’utiliser la livre sterling, l’Écosse n’encourrait aucun coût de transition vers une nouvelle monnaie.

Lorsqu’un pays ou territoire adopte une autre monnaie, il délègue alors sa politique monétaire au pays ou territoire qui émet et contrôle cette monnaie. Si l’Écosse conservait la livre sterling, c'est la Banque d’Angleterre qui dirigerait la politique monétaire de l’Écosse, comme elle le fait actuellement. Cependant, à la suite de l’indépendance de l’Écosse, la Banque d’Angleterre n’aurait plus à tenir compte de la situation économique de l’Écosse lorsqu’elle décide de sa politique monétaire. Cela veut donc dire que la politique monétaire britannique sera moins adaptée à la situation économique écossaise, à moins que l’évolution des économies écossaise et britannique (surtout anglaise) ne soit synchronisée.

Si la livre sterling semble être le meilleur choix d’un point de vue économique pour l’Écosse, il y a un enjeu auquel les dirigeants écossais vont devoir trouver une solution : que faire en cas de crise financière ? Tant que l’Écosse demeure au sein du Royaume-Uni, c’est la responsabilité du gouvernement britannique et de la Banque d’Angleterre de venir à la rescousse des banques et même du gouvernement écossais. Il est certain que si l’Écosse se sépare du Royaume-Uni, elle perdra un prêteur de dernier recours important. Elle pourra toujours se tourner vers le Fonds monétaire international (FMI), mais il est peu probable que les conditions d’aide seront aussi bonnes.

En somme, le maintien du statu quo monétaire pour une Écosse indépendante semble être la meilleure option puisque les coûts de transition sont inexistants et le prix à payer en termes de délégation de la politique monétaire est faible en raison du haut degré d’intégration de l’économie écossaise avec le reste de l’économie britannique.

ET LE QUÉBEC ?

Qu’est-ce que le cas de l’Écosse veut dire pour le Québec ? Si on compare les deux situations, ce qui semble très légitime compte tenu de la taille des deux territoires et du niveau de leur développement économique, on peut facilement conclure qu’un Québec indépendant serait mieux de conserver le dollar canadien plutôt que d’envisager de créer sa propre monnaie ou d’adopter le dollar américain. Comme l’Écosse vis-à-vis du Royaume-Uni, l’économie du Québec est beaucoup plus intégrée au reste du Canada, notamment l’Ontario, qu’elle ne l’est avec l’économie américaine.

Lors du référendum de 1995, Jacques Parizeau avait raison de dire aux Québécois qu’ils continueraient à utiliser le dollar canadien au lendemain du référendum. Le prix à payer est qu’ils perdraient alors toute influence sur la politique monétaire du Canada, qui risque tout de même d’être un peu moins adaptée à la situation économique d’un Québec indépendant. De plus, l’indépendance du Québec voudrait dire que ce dernier perdrait toute garantie d’assistance que la Banque du Canada et le gouvernement fédéral peuvent offrir en cas de crise financière.

En somme, d’un point de vue strictement monétaire, il est clair que l’indépendance ne procure aucun avantage, au contraire. Si la meilleure option est de conserver la monnaie du pays qu’on délaisse, l’indépendance correspond à la perte d’influence sur la politique monétaire ainsi qu’à la perte de la garantie financière offerte par la banque centrale et le gouvernement fédéral (ou central).

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.