Chronique

Les Maple Leafs et les Oilers avant le CH

Quelle équipe canadienne deviendra la première depuis les Glorieux de 1993 à remporter la Coupe Stanley ?

Ma réponse : les Maple Leafs de Toronto. Mon deuxième choix ? Les Oilers d’Edmonton. Et le Canadien dans tout ça, vous dites ? Il devra la gagner rapidement, c’est-à-dire au plus tard au printemps 2019, s’il veut me faire mentir.

Mais prenons d’abord un moment pour nous réjouir du rebond des clubs canadiens. Après tout, leurs ennuis n’ont jamais été aussi évidents que la saison dernière. Aucun d’eux n’a participé aux séries éliminatoires, du jamais vu en 46 ans.

Dans un pays fou de hockey comme le nôtre, ça fait mal à l’ego. On a beau dire que les joueurs viennent aujourd’hui de plusieurs pays, que l’internationalisation du hockey efface les frontières, il demeure sidérant de constater à quel point les clubs d’ici ont rarement été capables de s’imposer parmi les meilleurs depuis 20 ans. D’autant qu’ils possèdent d’énormes atouts : les gradins sont remplis, l’argent rentre à plein dans les coffres et les amateurs sont fidèles. Les équipes américaines ne peuvent pas toutes en dire autant.

Ces avantages ont manifestement entraîné une certaine complaisance. Cela dit, la descente aux enfers des équipes canadiennes semble terminée. Deux mois avant la fin de la saison, le Canadien et les Oilers sont en bonne voie d’assurer leur place en séries. Les Sénateurs d’Ottawa, les Maple Leafs et les Flames de Calgary sont au cœur de la course. Les Canucks de Vancouver et les Jets de Winnipeg peuvent aussi croire en leurs chances.

Cela ne veut pas dire, loin de là, qu’un club canadien gagnera la Coupe ce printemps. Mais la possibilité que l’un d’eux soulève le trophée dans un délai raisonnable de trois ou quatre ans est réelle.

Et je ne parle pas ici de la victoire inattendue d’un club parti pour la gloire, à l’image du CH de 1993, avec ses 10 victoires consécutives en prolongation durant les séries.

Non, pour la première fois depuis les années 80, deux clubs canadiens, les Maple Leafs et les Oilers, ont le potentiel de compter parmi l’élite de la LNH durant de nombreuses saisons.

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Vous préférez Auston Matthews ou Connor McDavid ? Les deux joueurs sont exceptionnels et, à première vue, possèdent cette mentalité gagnante qui fait pencher la balance dans le sport. Ils sont les nouveaux joyaux de la LNH. Au point que, en novembre dernier, le réseau NBC Sports, qui privilégie les matchs des équipes américaines, a ajouté à son calendrier de diffusion un affrontement entre les Maple Leafs et les Oilers.

Les deux équipes n’ont participé aux séries qu’une seule fois au cours des 11 dernières saisons. En théorie, leurs pitoyables performances auraient dû entraîner un rebond plus rapide, puisqu’elles ont profité de bons choix au repêchage et de latitude dans la gestion de leur masse salariale. Mais cela n’est pas suffisant pour s’extirper des bas-fonds du classement. Il faut aussi une direction alerte qui ne commettra pas d’erreurs à répétition.

Après des années de petite misère, c’est enfin ce qu’on voit à Toronto et à Edmonton, où Brendan Shanahan et Bob Nicholson sont maintenant aux commandes. Ils ont établi un plan crédible et embauché de solides gestionnaires. Les Maple Leafs, qui ont si souvent mal dépensé leur argent, ont utilisé leurs millions pour engager à fort prix l’entraîneur-chef Mike Babcock. Cela leur a redonné de la crédibilité.

Aujourd’hui, les Maple Leafs sont sur une lancée exceptionnelle. En janvier, Mitch Marner est devenu le troisième membre de l’équipe à recevoir le titre de recrue par excellence du mois dans la LNH. Ses coéquipiers William Nylander et Auston Matthews ont été choisis en octobre et décembre derniers. C’est la première fois que trois joueurs d’un même club reçoivent cet honneur en une saison.

Avec des leaders comme Matthews et McDavid, les Maple Leafs et les Oilers s’inscrivent dans la lignée des derniers gagnants de la Coupe Stanley, qui alignaient tous des super-vedettes à l’attaque : Jonathan Toews et Patrick Kane (Blackhawks), Anze Kopitar (Kings), Sidney Crosby et Evgeny Malkin (Penguins).

Les deux jeunes clubs canadiens ne comptent pas encore parmi les favoris pour remporter la Coupe Stanley, mais ce n’est qu’une question de temps. Voilà des puissances en devenir qu’aucun adversaire établi ne voudrait affronter au premier tour des prochaines séries éliminatoires.

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L’émergence des Maple Leafs complique les défis de tous les clubs de la division Atlantique, dont le Canadien.

L’équipe de Marc Bergevin est beaucoup plus mûre que sa rivale torontoise. Mais à mesure que les jeunes Leafs gagneront en expérience, cet avantage s’atténuera. De plus, trois des meilleurs joueurs du CH cette saison ont respectivement 29 ans (Carey Price), 30 ans (Alexander Radulov) et 31 ans (Shea Weber). Qu’on le veuille ou non, cela réduit la fameuse « fenêtre d’opportunité » de l’organisation. D’autant que le retour de Radulov la saison prochaine n’est pas garanti.

Pour devenir la première équipe canadienne à gagner la Coupe Stanley depuis 1993, pour s’imposer dès maintenant devant les plus solides équipes américaines, le Canadien doit battre le fer pendant qu’il est chaud. Et obtenir les pièces manquantes du casse-tête avant que Matthews et les Maple Leafs deviennent une puissance dans l’Est. Et que McDavid et les Oilers imposent leur loi dans l’Ouest. Cela est nettement plus facile à dire qu’à faire, j’en conviens.

Le Canadien, bien sûr, compte sur Carey Price, un joueur d’exception. Mais miser d’abord et avant tout sur son gardien pour aller jusqu’au bout est une entreprise périlleuse. Pour le CH, la recette a fonctionné en 1986 et 1993. Et, qui sait, l’histoire se serait peut-être répétée en 2014 si Price ne s’était pas blessé en demi-finale contre les Rangers de New York.

Heureusement pour les partisans du CH, les meilleurs gardiens de l’équipe ont historiquement accompli des miracles. Cela nourrit l’espoir. Mais l’éclosion de nouvelles puissances comme Toronto et Edmonton compliquera bien vite la tâche du Canadien et des autres équipes établies au pays.

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