Espionnage

Une industrie en expansion

Pour le visiteur non averti qui se serait égaré dans le parc industriel de Montréal-Nord, la boutique Spytronic a tout du bazar. Une cabane à moineaux côtoie des réveils-matin, des montres, des stylos, des lunettes et des clés USB qui s’entassent sous le présentoir.

Ne vous y fiez pas, tous ces objets n’ont qu’une utilité réelle : espionner. Sous leur coque de plastique, de bois, de métal ou de verre se cachent une caméra, un micro, une batterie et parfois un émetteur.

« La plupart des appareils ne sont pas des vrais : le concept de base est presque toujours le même, c’est la forme qui change », précise le propriétaire et fondateur de Spytronic, Alexandre Santos.

810 GADGETS POUR ESPION

En 2004, cet étudiant en électromécanique et multimédia a ouvert sa première boutique à la Plaza St-Hubert, où il proposait ses premières créations, notamment une radio avec caméra cachée et un stylo contenant un micro.

« Ma passion, je l’ai eue tôt : je souhaitais entrer dans la police, j’enregistrais mes copains de classe. Les films de James Bond m’ont toujours inspiré. J’ai commencé avec dix produits d’enquête ; ça a fait boule de neige. »

— Alexandre Santos, propriétaire et fondateur de Spytronic

Après un déménagement rue Rachel, on a trouvé en mai dernier des espaces plus grands, avenue Hénault, dans le nord de Montréal.

Aux dispositifs de base permettant de filmer ou d’enregistrer se sont ajoutés des systèmes de repérage GPS, du matériel informatique et même des « contre-mesures » pour détecter la surveillance. Au total, le catalogue de 313 pages propose 810 produits, auxquels on peut ajouter certaines commandes sur mesure.

Les affaires, de toute évidence, vont très bien. Spytronic est d’abord la caverne d’Ali Baba pour tout ce que le Québec compte d’enquêteurs professionnels, détectives privés, policiers et journalistes qui en sont devenus des habitués.

Il y a ensuite le commun des mortels, monsieur et madame Tout-le-Monde qui cherchent à coincer quelqu’un « de façon défensive ». C’est ce que M. Santos présente comme une « éthique de l’entreprise » dans ce domaine potentiellement très controversé.

« Dès le départ, les gens qui venaient ici étaient des victimes, de sévices sexuels ou de violence. Ce sont des familles qui veulent savoir ce qui se passe quand elles sont absentes, qui enregistrent à la maison de retraite ou à la garderie. On a participé à beaucoup d’histoires au Québec où on a contribué à ouvrir les yeux sur des abus… »

TECHNO EN ÉVOLUTION

Quand Spytronic a ouvert ses portes, en 2004, les téléphones intelligents étaient peu répandus, on se contentait d’une résolution de 1 mégapixel pour les photos, le Bluetooth naissait et une clé USB de 256 Mo coûtait 50 $. De toute évidence, la technologie a énormément évolué, note M. Santos.

« La mémoire a augmenté, la miniaturisation est spectaculaire, la résolution des vidéos et des photos a été multipliée. La seule chose qui n’a pas évolué, ce sont les batteries : leur autonomie reste toujours aussi insuffisante. »

— Alexandre Santos, propriétaire et fondateur de Spytronic

Il note avec un certain amusement que la fiction, notamment les films de James Bond, a elle-même contribué à l’évolution de la technologie dans le domaine de la surveillance. « On sait que certaines agences, notamment aux États-Unis, ont étudié la faisabilité de nombreux gadgets. Dans d’autres situations, on est même intervenu pour tenter d’empêcher que James Bond utilise une technologie qui était inconnue du grand public. »

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.