GRANDE ENTREVUE ALEXANDRE TAILLEFER, PDG DE XPND CAPITAL

Redonner vie aux petites capitalisations

Personnalité déjà hautement médiatisée, en raison de sa participation depuis trois ans à l’émission Dans l’œil du dragon, Alexandre Taillefer a fait doublement parler de lui cette semaine en annonçant mercredi qu’il rachetait une participation de 49 % dans Communications Voir, et que sa firme d’investissements XNPD Capital injectait 5 millions dans la société Autobus Lion, de Saint-Jérôme, qui commercialisera prochainement des autobus scolaires électriques.

Malgré son jeune âge, Alexandre Taillefer a déjà une feuille de route bien remplie. À 21 ans, il amorce sa carrière d’entrepreneur à succès en fondant, en 1993, en pleine révolution numérique, la société Intellia, un fournisseur de services pour le commerce électronique qui a été racheté trois ans plus tard par Québecor.

Il restera cinq ans chez Québecor où il dirige la division numérique, à partir de laquelle il réalise une série d’acquisitions, dont celle de la société Informission qui fusionnera avec Intellia pour devenir Nurun, ce qui permet au jeune Taillefer de devenir presque instantanément multimillionnaire, sur papier du moins.

« Lorsque j’ai quitté Québecor, en 2000, j’avais 1 million d’actions d’Intellia qui avaient été émises à 2 $ l’action. Une fois la fusion réalisée avec Nurun, leur valeur a rapidement atteint 88 $ avant de retomber lors du krach des titres technologiques à 88 cents », se rappelle Alexandre Taillefer.

Ce qui veut dire que sa fortune théorique est subitement passée de 2 millions à 88 millions avant de retomber aussi radicalement à moins de 2 millions.

« Je venais de lancer une nouvelle firme de jeux pour téléphone mobile, Hexacto, mais avec le bilan que j’avais, les banques ne voulaient pas me financer.

« J’ai finalement vendu Hexacto à Electronic Arts, qui a réalisé par la suite une émission d’actions. Heureusement, j’avais conservé des actions d’Hexacto et j’ai pu profiter de son entrée en Bourse », explique l’entrepreneur.

C’est à ce moment-là qu’il fonde, en compagnie de l’entrepreneur Eric Boyko et avec l’appui financier de la société Telesystem, la firme Stingray Digital, un distributeur de services musicaux multiplateforme.

« Cela faisait plusieurs années que je voyais le potentiel de ce secteur et j’avais dans la mire le service Galaxie. J’ai finalement quitté Stingray parce que tu ne peux pas avoir deux capitaines dans le même bateau. »

— Alexandre Taillefer

Alexandre Taillefer convient qu’il aurait davantage tiré profit de sa participation dans Stingray s’il était resté actionnaire, puisque la société musicale va procéder à son entrée en Bourse dans les prochaines semaines. Il se dit toutefois pleinement satisfait du prix qu’il a obtenu à l’époque et qui lui a permis de créer sa société d’investissement privée XPND Capital.

D’ENTREPRENEUR À INVESTISSEUR

XNPD Capital s’est donnée pour mission d’appuyer des entreprises – et surtout des entrepreneurs – actifs dans des secteurs négligés et qui veulent bénéficier de l’expertise financière et opérationnelle que XPND a développée.

Alexandre Taillefer s’est associé à Stephen Bronfman et son holding Claridge pour créer le premier fonds XNPD, qui était doté de 20 millions. Le dragon a conservé une participation majoritaire dans le fonds XNPD 1.

Un deuxième fonds XNPD vient d’être créé et celui-ci profitera d’un capital d’investissement de 40 millions. La position d’Alexandre Taillefer y est minoritaire, celle de Claridge, majoritaire, et une trentaine d’investisseurs privés s’y sont greffés.

« On veut donner les moyens à nos small caps de se développer pour devenir les fleurons de demain. Beaucoup de nos belles entreprises n’ont d’autres alternatives que d’être vendues.

« On veut régénérer l’intérêt boursier autour de nos belles PME pour qu’elles grandissent et restent québécoises, comme on vient de le faire avec Lumenpulse », expose l’entrepreneur, qui a résolument décidé de se réincarner en investisseur.

« Je ne m’ennuie pas d’opérer une entreprise. Je crois aux leaders qui prêchent par l’exemple, aux entrepreneurs qui consacrent 70 heures par semaine à leur entreprise. Moi j’ai décidé de m’engager autrement, comme président du conseil du Musée d’art contemporain, de Montréal Métropole culturelle… »

Il n’empêche, Alexandre Taillefer s’implique aussi dans les entreprises que finance son fonds, en étant présent au conseil d’administration et en s’engageant dans leur planification stratégique.

Malgré les deux importants investissements qu’il vient d’annoncer cette semaine, l’investisseur Taillefer avoue plancher à fond de train sur son projet de créer une flotte de taxis électriques à Montréal, un projet de 225 millions.

XPND Capital prévoit investir 10 millions de ses fonds dans ce projet et de lever 30 millions d’équités auprès d’investisseurs-partenaires et de financer le solde par emprunt.

« C’est un projet qui profitera à tout le monde à Montréal. C’est un investissement social, écologique, responsable et qui sera rentable. »

— Alexandre Taillefer

La présence de Uber dans le paysage du transport montréalais n’inquiète pas Alexandre Taillefer autant qu’elle l’horripile.

« C’est la nouvelle arrogance de Silicon Valley. Ils se servent de la technologie pour instaurer des monopoles qui réalisent des marges monstrueuses et qui n’ont aucune sensibilité avec les milieux ou ils s’implantent.

« Un des bonzes des technos a déclaré que la compétition, c’était bon pour les perdants. Avec des entreprises comme Uber ou Airbnb, on assiste à la "walmartisation" de l’économie numérique », déplore l’investisseur Taillefer qui compte bien mener à terme l’implantation d’une flotte de taxis électriques à Montréal.

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