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Trois défis pour le marché du travail

Les trois principaux facteurs dont on doit tenir compte pour juger de l’évolution du marché du travail dans les prochaines années sont le vieillissement de la population, l’accélération des changements technologiques et l’intensification de la concurrence internationale, en particulier la montée soutenue de la Chine.

Commençons par la bonne nouvelle : les problèmes escomptés avec le vieillissement de la population font moins la manchette ces derniers temps. Le fait est que le marché de l’emploi s’adapte peu à peu au vieillissement de la population. Des travaux récents montrent même que les taux d’emploi devraient continuer à augmenter au Québec jusqu’à 2050, et ce malgré le vieillissement de la population !

D’une part, les travailleurs âgés occupent des emplois qui leur permettent de demeurer sur le marché du travail plus longtemps. D’autre part, la prochaine vague de travailleurs âgés sera plus instruite que les précédentes, ce qui pousse à la hausse leur taux d’emploi. Cette tendance pourrait être encore plus marquée si les employeurs permettaient plus de flexibilité dans les conditions des emplois qui leur sont offerts, notamment sur l’horaire de travail.

Les problèmes de l’adaptation du marché du travail aux changements technologiques, particulièrement ceux liés à l’intelligence artificielle et à l’exploitation de données massives, prennent en revanche plus de place.

Plusieurs prédictions catastrophiques circulent sur le nombre de pertes d’emplois à envisager. Sans vouloir leur faire davantage de publicité, j’avancerai moi-même une prédiction plutôt réaliste : si j’arrondis, près de 100 % des emplois seront affectés par les changements technologiques dans les prochaines années. Certaines tâches disparaîtront. D’autres devront être effectuées différemment. Tous devront s’adapter.

Un rôle pour la formation parrainée par l’employeur ?

Plusieurs types de compétences continuent d’être très demandés. Les travailleurs qui veulent se prémunir contre les changements technologiques devraient privilégier les emplois composés de tâches demandant des compétences analytiques, émotionnelles, créatives, et interpersonnelles. On retrouve beaucoup de ce type d’emploi dans l’industrie des soins et des services de la santé, dans l’industrie des communications et autres services publics, et dans l’industrie des services aux entreprises. Ces secteurs sont en croissance quasi continue depuis 25 ans.

Ces deux défis, vieillissement et changements technologiques, renforcent l’idée d’apprentissage permanent. Il est plus important que jamais de maintenir ses compétences à jour et de rester ouvert à de nouvelles façons de fonctionner. Cet apprentissage peut se faire conjointement entre employés et employeurs à travers la formation en milieu de travail, qui doit donc continuer d’être encouragée par les gouvernements. Les bénéfices de la formation en milieu de travail pour l’employeur telles une productivité accrue et une meilleure performance en matière d’innovation sont mieux documentés. La formation parrainée par l’employeur fait aussi partie de la solution aux problèmes de pénurie de main-d’œuvre en permettant l’embauche de travailleurs n’ayant pas tout à fait les compétences demandées.

Données... et vous recevrez !

Les défis du changement technologique et l’intensification de la concurrence internationale sont plus intimement reliés qu’on pourrait le penser à première vue. L’apprentissage machine est nourri présentement par des données massives. La Chine étant productrice de données d’une ampleur inégalée, cela donne un avantage comparé important aux entreprises locales chinoises qui peuvent puiser facilement dans ce réservoir de données détaillées. Cet avantage est peut-être magnifié par un gouvernement ayant apparemment un souci moins grand pour le respect des lois protégeant la vie privée.

Ce constat n’est pas un argument pour que nos gouvernements prennent la même route en matière de renseignements personnels. Il est plutôt impératif que nos décideurs permettent rapidement un meilleur accès aux données à des fins de recherche, particulièrement les données administratives. Le tout en mettant simultanément en place les mécanismes nécessaires pour préserver la confidentialité des répondants. Pour ce faire, l’expertise des grandes agences statistiques nationales, Statistique Canada et l’Institut de la statistique du Québec, et du Réseau canadien des Centres de données de recherche, est indispensable.

Et les inégalités ?

Finalement, la combinaison de ces trois forces a eu un impact indéniable sur l’augmentation des inégalités au cours des dernières décennies, même si cette augmentation est moins prononcée au Québec qu’ailleurs. À ce sujet, un premier phénomène à continuer de surveiller est celui de la polarisation des salaires, par lequel les hauts et bas salariés voient leurs salaires augmenter plus rapidement que ceux des travailleurs de la classe moyenne. L’autre phénomène est l’augmentation plus rapide des inégalités entre les entreprises qu’à l’intérieur de celles-ci. Ces deux phénomènes renforcent l’idée que ces trois forces créent des gagnants et des perdants de façon plus prononcée qu’avant.

* L’auteur est aussi directeur académique du Centre interuniversitaire québécois de statistiques sociales (CIQSS).

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