Laurent McCutcheon (1942-2019)

Un « mentor » et un « homme bon » s’éteint

Laurent McCutcheon a milité toute sa vie pour la cause LGBT

Laurent McCutcheon avait un rêve. Celui qu’un jour les personnes homosexuelles et de la diversité des genres puissent être traitées comme des citoyens égaux et normaux… dans l’ensemble de la société. Il a connu bien des batailles et célébré quelques victoires. Mais son but ultime était la justice pour TOUS les membres de la société. « Je ne veux pas de la tolérance ; je veux l’inclusion et l’acceptation sociale totale et complète », confiait-il à La Presse, il y a trois semaines à peine, dans le cadre d’un reportage sur les 50 ans des émeutes de Stonewall.

Laurent McCutcheon est mort à Montréal, le 4 juillet, à l’âge de 76 ans, après avoir reçu l’aide médicale à mourir. Il était traité pour un cancer du poumon depuis quelques années. La communauté LGBT du Québec est en deuil de son plus grand bâtisseur. M. McCutcheon avait notamment été président de Gai Écoute, fondateur de la Fondation Émergence et initiateur de la Journée internationale contre l’homophobie, qui a lieu chaque année le 17 mai.

« C’est grâce à Laurent si la société québécoise est aussi avancée en matière de droits LGBT, estime le comédien et animateur Dany Turcotte. Il était mon mentor. En 2005, après avoir fait mon coming out à Tout le monde en parle, je refusais de porter le chapeau du militant gai. Il m’a rencontré et il m’a convaincu de m’impliquer pour la cause. Dès l’année suivante, je devenais porte-parole de Gai Écoute [rebaptisé Interligne en 2017]. »

Dany Turcotte a eu « l’immense privilège » de parler au téléphone avec Laurent McCutcheon… une heure avant sa mort. « Je prépare un documentaire sur le vieillissement chez les personnes aînées LGBT. Parmi ses nombreux projets à la Fondation Émergence, Laurent a créé le programme de sensibilisation Pour que vieillir soit gai. »

« Il m’a dit qu’il ne pourrait pas m’accorder d’entrevue la semaine prochaine… Jusqu’à sa mort, il a gardé le sens des responsabilités. »

— Dany Turcotte

Autre porte-parole d’Émergence et lauréate d’un prix de la fondation, l’animatrice Monique Giroux s’attriste de la disparition d’une « figure de proue, d’un roc, d’un Gibraltar ». « Bien que Laurent était très calme dans la vie, il avait une grande force de conviction. Il a joué un rôle majeur dans la défense et l’évolution des droits LGBT au Québec. »

Parcours du militant

Né à Thetford Mines en décembre 1942, Laurent McCutcheon a été travailleur social en Estrie avant de venir travailler à Montréal dans un centre jeunesse, dans les années 70. Au milieu des années 80, le militant et organisateur épouse la cause des droits des homosexuels. Il s’attelle d’abord à l’avancement des droits et à l’égalité juridique et sociale des personnes homosexuelles avec, entre autres combats, la reconnaissance des conjoints de même sexe, ce qui va mener à la Loi sur le mariage civil en juillet 2005.

Durant près de 40 ans, même retraité, M. McCutcheon consacre son temps à la défense de la communauté LGBT et à la lutte contre l’homophobie et la transphobie. Excellent communicateur et vulgarisateur, il multiplie les apparitions dans les médias pour transmettre son message d’éducation et de tolérance.

« C’était un homme bon et doux que j’aimais et que j’appréciais beaucoup, dit l’auteure Janette Bertrand. Je l’ai connu par son mari, Pierre [Sheridan], qui a travaillé à Télé-Québec. Les deux hommes formaient un vieux couple [47 ans de vie commune]. Leur relation défiait les préjugés que bien des gens ont, parfois, envers la longévité des couples homosexuels. Laurent et Pierre étaient aussi mes premiers lecteurs et consultants quand j’abordais le thème de la diversité sexuelle dans mes textes. »

Réactions politiques

L’actuel président de la Fondation Émergence, Patrick Desmarais, a salué la contribution de son fondateur à l’amélioration des conditions des personnes LGBT. « Son implication était colossale et c’est une grande perte pour notre équipe et pour nos communautés. »

De la mairesse Valérie Plante au premier ministre du Canada, de nombreux politiciens ont réagi hier à sa disparition sur les réseaux sociaux. « Nous avons perdu un grand Québécois, a écrit Justin Trudeau sur Twitter. Notre pays est un endroit meilleur et plus inclusif grâce à Laurent McCutcheon et à ses efforts inlassables pour défendre les droits des LGBTQ2 et combattre l’homophobie. »

Son homologue québécois, François Legault, a aussi commenté la nouvelle de la mort de Laurent McCutcheon hier : « Un grand défenseur de la communauté gaie. Mes condoléances à son conjoint Pierre Sheridan et à tous ses proches. »

L’animateur et ex-ministre péquiste Bernard Drainville a salué cet « exceptionnel porte-parole de la cause LGBT. Il connaissait l’histoire des combats des gais, y avait participé, savait les raconter. C’était un homme vrai et sincère ».

Joint par La Presse, l’ex-politicien fédéral et municipal Réal Ménard estime que l’héritage de Laurent McCutcheon tient beaucoup à son ouverture d’esprit. « Laurent préférait le dialogue à l’affrontement, a expliqué M. Ménard. Très vite, dans les années 90, il s’est éloigné d’un militantisme extrémiste, comme, par exemple, celui du mouvement ACT UP. Il avait compris que, pour gagner des batailles, il fallait collaborer avec les pouvoirs publics ; même si, en privé, il pouvait être critique envers certains gouvernements. »

Même son de cloche du côté de Dany Turcotte : « Laurent ne brusquait pas les choses. Il respectait les gens et où ils étaient rendus dans leur cheminement. Il peut partir dans l’au-delà avec la satisfaction du devoir accompli. »

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