La Pologne, mouton noir de l’environnement
La crainte de pertes d’emplois liés aux industries lourdes en Pologne a teinté hier les échanges lors de la deuxième journée de la 24e Conférence des Nations unies sur les changements climatiques. Les emplois en jeu dans les secteurs polluants pourraient servir de justification pour freiner une transition écologique plus ambitieuse dans ce pays où le charbon règne toujours. Une transition écologique juste pour les travailleurs sera au centre des débats, croit Géraud de Lassus Saint-Geniès, spécialiste en droit de l’environnement à l’Université Laval. « Ça légitimise des comportements. S’il faut faire attention à la transition de nos emplois, ça veut dire qu’on va y aller plus doucement », affirme-t-il. Environ 100 000 emplois seraient liés au charbon en Pologne.
La Pologne est le plus grand producteur de charbon d’Europe, responsable d’environ 1,3 % de la production mondiale. Près de 81 % de l’électricité et du chauffage nécessaires aux 38 millions de Polonais proviennent de cette énergie fossile. Il y a un peu plus d’une semaine, le ministère de l’Énergie de la Pologne s’est engagé à ce que l’énergie consommée provenant du charbon diminue à 60 % d’ici 2030. Cette déclaration entre, par contre, en contradiction avec l’annonce de l’ouverture d’une nouvelle mine en Silésie, le 29 novembre dernier, par le gouvernement du président Andrzej Duba.
En 2017, le gouvernement polonais a ordonné la coupe de nombreux arbres de la forêt de Bialowieza, dont les 1250 km2 sont inscrits au patrimoine mondial de l’UNESCO. La Cour de justice européenne a menacé la Pologne de sanctions économiques pour avoir enfreint la loi de l’Union européenne sur la protection des sites naturels. Varsovie disait vouloir abattre des arbres atteints par des insectes néfastes. Les experts convoqués dans le dossier prônaient davantage une régénération naturelle de la biodiversité sans intervention humaine. La Pologne a cessé ses coupes massives après cette intervention.
L’Agence européenne pour l’environnement estime à 500 000 par an le nombre de décès causés par la pollution de l’air en Europe. La présence importante de smog dans une grande partie des villes de Pologne a été notée à plusieurs reprises par cette même organisation.
« Le gouvernement polonais a beaucoup misé sur l’auto électrique dans les dernières années », affirme Géraud de Lassus Saint-Geniès, spécialiste en droit de l’environnement à l’Université Laval. En 2017, l’entreprise LG Chem, filière de l’entreprise coréenne de pétrochimie, a ouvert près de Wroclaw sa première usine de fabrication de batteries électriques en Europe, créant 2500 emplois.
La Pologne est parmi les pays de l’OCDE qui présentent les plus fortes émissions de CO2. Plus des deux tiers de ses villes figures parmi les 50 plus polluées du continent européen. « La Pologne partage des objectifs au sein de l’Union européenne, mais c’est souvent elle qui s’oppose et fait problème pour diluer les mesures. C’est toujours un joueur à part qui rend l’avancement plus difficile », croit Maya Jegen, experte en politiques énergétiques et environnementales à l’Université du Québec à Montréal.