télévision

Les quatre grands groupes de télévision francophone prévoient réduire leurs dépenses en programmation francophone de 22 millions par année d’ici 2021. Une situation qui inquiète l’industrie.

La fin de la télé québécoise ?

Environ 70 % des revenus du Fonds des médias proviennent des redevances des câblodistributeurs, alors que leur nombre d’abonnés est en chute

Le financement du contenu télévisé canadien est appelé à disparaître parce qu’il sera pratiquement impossible de faire accepter aux États-Unis d’imposer aux Netflix de ce monde des exigences similaires à celles imposées aux câblodistributeurs canadiens, selon une chercheuse de l’UQAM. Une situation qui nuirait particulièrement aux productions québécoises.

Après des années de succès québécois au chapitre de l’auditoire, croit-elle, les producteurs canadiens-anglais vont prendre leur revanche parce qu’ils peuvent faire des coproductions avec les géants américains, en raison de la langue.

« Il y a de plus en plus de coproductions canadiennes sur Netflix, explique Marilyn Terzic, de l’UQAM, qui est spécialiste du droit commercial international. Mais je n’en ai recensé qu’en anglais. » Il s’agit de huit téléséries coproduites par Netflix avec la CBC, Corus et CityTV, entre autres, ainsi que d’une douzaine de séries pour enfants.

Mme Terzic, qui a présenté ses recherches plus tôt ce mois-ci au congrès de l’Association francophone pour le savoir (Acfas), a analysé le dernier grand différend commercial canado-américain en matière culturelle, au milieu des années 90. Sports Illustrated souhaitait alors avoir des publicités canadiennes dans son édition ici. Le Canada a fini par céder en partie. Elle pense que ce précédent rend très peu probable l’établissement pour la vidéo par internet d’un système comparable au financement du contenu canadien à la télévision : une taxe sur la câblodistribution qui alimente le Fonds des médias du Canada.

« Oui, il va pouvoir y avoir une taxe sur les produits numériques, par exemple Netflix ou iTunes, mais seulement quand il y aura une entente mondiale sur le sujet. Et les recettes seront de beaucoup inférieures aux redevances actuelles sur les câblodistributeurs et ne pourront pas être appliquées directement pour financer du contenu canadien. »

— Marilyn Terzic, chercheuse à l’UQAM

Or, les revenus des câblodistributeurs sont appelés à diminuer parce qu’une proportion grandissante de Canadiens – 16 % au Québec, selon le centre de recherche CEFRIO – envisagent de se débrancher du câble pour regarder leur télé et leurs films seulement par internet. Le Fonds des médias, fondé en 1995, dont la contribution représente entre le quart et la moitié du budget des projets financés, prévoit consacrer cette année le même montant qu’en 2010-2011 à la production télévisuelle. Environ 70 % des revenus du Fonds des médias proviennent des redevances des câblodistributeurs.

Ne serait-il pas possible de taxer l’internet, puisque les Canadiens consomment de plus en plus leur contenu vidéo de cette manière, plutôt que par la câblodistribution ? « Je ne pense pas, parce que les gens vont se dire : où cela va-t-il finir ? répond Mme Terzic. Il ne sera jamais possible de taxer la consommation d’internet. »

Cela signifie-t-il que seules les productions canadiennes en anglais pourront tirer leur épingle du jeu de la montée des Netflix de ce monde ? « J’en ai bien peur, dit Mme Terzic. Au niveau de la production télé, on va revenir au début des années 80, avec un quasi-monopole de Radio-Canada, des émissions moins coûteuses et des traductions de séries américaines chez les diffuseurs privés et presque pas de producteurs indépendants. Si on veut avoir encore de la télé québécoise, il faudra mettre plus d’argent dans Radio-Canada. »

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