États-Unis

Les technos et les robots font revivre les usines 

Durant cette (très) longue course à la présidence des États-Unis, qui se termine demain, Donald Trump n’a cessé de clamer que les usines américaines ne « fabriquent plus rien ». Le Mexique et la Chine, répète-t-il dans ses discours, « nous ont volé » des millions d’emplois.

Le leader républicain a raison sur un point : la main-d’œuvre du secteur manufacturier aux États-Unis a bel et bien rétréci depuis trois décennies.

D’un sommet de 19,6 millions en 1979, le nombre d’emplois est tombé à 12,3 millions en septembre dernier, selon le Bureau of Economic Analysis. Un plongeon de 37 %.

Reste que, malgré le discours alarmiste du clan Trump, des indicateurs montrent un regain d’activité manufacturière ces derniers temps.

L’indice ISM, un baromètre repère, s’est affiché à 51,9 points en octobre, a-t-on appris la semaine dernière. Il s’agit d’une légère hausse sur un mois (51,5 en septembre). Surtout, l’indice se maintient pour un quatrième mois au-dessus du seuil de 50 séparant la contraction de la croissance après avoir touché un creux annuel de 48 en décembre.

De plus, la performance américaine sur une longue période est bien meilleure que ne le laisse entendre l’homme d’affaires new-yorkais.

Ainsi la production manufacturière (en volume) a augmenté de 41 % depuis 1997. Une progression significative, compte tenu de la sévère récession causée par la crise financière de 2008-2009.

Les gagnants : les technos…

Mais il y a un hic. Cette embellie ne profite qu’à une partie de l’industrie.

Environ la moitié de la hausse de la production depuis 1997 est en effet concentrée dans la haute technologie, selon les données compilées par l’institut W.E. Upjohn pour l’agence Bloomberg.

En clair, n’eût été l’assemblage des ordinateurs d’Apple et de HP, de la fabrication de circuits imprimés d’Intel et d’IBM ou des créations de Silicon Valley, la production américaine serait encore inférieure à son niveau de 2008. Les secteurs traditionnels – vêtements, meubles, etc. – continuent d’en arracher.

… et les robots

Par contre, « The Donald » se trompe de cible en pointant la Chine et le Mexique pour expliquer les millions d’ouvriers américains au chômage. Il devrait s’en prendre surtout… aux robots.

Car si les usines américaines ont perdu plus de 7 millions d’emplois depuis 1979, la valeur de leur production a plus que doublé durant ce temps, à 1910 milliards US en 2015, calcule le département du Commerce, à Washington. Cela place les États-Unis au deuxième rang mondial, derrière la Chine.

Production accrue, moins d’employés. Comment est-ce possible ?

De nouvelles recherches indiquent que c’est l’automatisation – plus que la concurrence étrangère – qui détruit des emplois manufacturiers.

Selon l’université d’État Ball (en Indiana), l’internationalisation du commerce ne serait responsable que de 13 % des compressions dans les usines américaines.

En revanche, la grande majorité des pertes d’emplois – soit près de 88 % – est imputable à l’arrivée des robots et à l’automatisation de la production principalement.

« On fait plus avec moins de monde. »

— Howard Shatz, économiste au centre d’étude de la Rand Corporation

General Motors, par exemple, emploie le tiers des 600 000 travailleurs qu’il dénombrait durant les années 70. Pourtant, le géant de Detroit produit plus de véhicules que jamais, selon l’Associated Press.

Même phénomène dans l’acier : 265 000 emplois ont été éliminés dans ce secteur (production primaire) depuis 1997, soit 42 % des effectifs. Pourtant, la production des aciéries américaines a bondi de 38 %.

Des milliers d’emplois à combler

Donald Trump fait aussi fausse route s’il croit aider les travailleurs en érigeant des barrières – réelles ou commerciales – autour des États-Unis. Car il passe sous silence une chose : il y a actuellement des dizaines de milliers de postes vacants dans les usines américaines.

D’après le département du Travail, il y a en moyenne chaque mois 353 000 postes à combler cette année dans le secteur manufacturier. Cela se compare à 311 000 en 2015 et 122 000 en 2009.

Bref, des « jobs », il y en a.

Le problème : un manque de compétences et de formation crée une pénurie de techniciens ou d’opérateurs capables d’entretenir ou de faire fonctionner des machines de plus en plus complexes.

Dans une étude publiée l’an passé, la firme Deloitte et le Manufacturing Institute, à Washington, sonnaient l’alarme : America Inc. aura besoin de 3,5 millions de travailleurs pour le secteur manufacturier d’ici 10 ans.

Pourtant, deux millions de ces postes ne seront pas comblés, faute de demandeurs d’emploi compétents.

Mais le leader républicain a compris une chose que Deloitte ne dit pas : c’est beaucoup plus facile de blâmer les Mexicains que de former un travailleur.

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