CHRONIQUE

Vraiment ?

La culture ? Les programmes sociaux appuyant l’égalité hommes-femmes ?

Est-ce vraiment là qu’on veut couper pour remettre les finances publiques à flot ?

Et quand exactement a-t-il été question de s’attaquer ainsi à ces programmes si importants au cours de la dernière campagne électorale ? En a-t-on le moindrement discuté ?

Je m’absente du Québec durant quelques jours et, quand je reviens, qu’est-ce que j’apprends coup sur coup ?

« Ah oui, voici ce qui s’est passé pendant que tu étais partie : le gouvernement songe apparemment à fermer les conservatoires à l’extérieur de Montréal et de Québec, à abolir l’universalité des frais de garderie et à réduire le congé parental, jugé bien “généreux”. »

Oh, et puis a-t-on appris hier, il y a aussi les victimes d’actes criminels qui sont dans la mire, côté coupes budgétaires…

Bien sûr, on sait tous que ce sont les musiciens classiques qui nous ont plongés dans la dette. Et les mères qui sont retournées au travail grâce aux garderies. Et, bien entendu, les pères qui ont choisi de rester à la maison avec leur bébé pendant quelques mois. Sans parler des victimes de crimes.

Idée pour le gouvernement : il y a aussi les sans-abri et les personnes âgées seules qui profitent sûrement d’une aide opulente quelque part, si on cherche bien. Et les malades chroniques doivent bien avoir droit à un poste de dépenses fastueux. La veuve ? L’orphelin ? De grosses dépenses. Et tous ces gens qui se baladent à vélo depuis quelques années, je suis convaincue que ça cache quelque chose. Peut-être un manque à gagner en taxes sur l’essence ? Il y a sûrement un moyen de remettre cela en cause aussi – en fermant les pistes cyclables ? en taxant les bicyclettes ? – pour qu’on puisse se conformer plus clairement au modèle américain.

Je suis totalement sarcastique, vous l’aurez compris. Mais c’est bien l’impression que l’on a quand on regarde toutes ces idées de compressions. On dirait qu’on s’inspire du modèle d’État non interventionniste à l’américaine, où la culture est laissée au bon vouloir du secteur privé et où, comme l’a si bien démontré la féministe Jessica Valenti dans son livre Why Have Kids ?, on chante les vertus de la famille à qui mieux mieux, tout en rendant impossible une vie familiale équilibrée, en l’absence de programmes adéquats de soutien aux parents.

Est-ce vraiment vers cela qu’on veut aller ? Et pense-t-on réellement que c’est en s’attaquant aux programmes qui appuient l’égalité et la culture qu’on va aller chercher les ressources nécessaires pour le rétablissement de la santé des finances publiques ?

L’économiste Pierre Fortin n’a-t-il pas montré assez clairement l’apport financier positif du programme de garderies, dont les retombées fiscales compensent largement les investissements ?

Est-il encore nécessaire de répéter à quel point, comme l’écrivait jeudi dans nos pages le chef d’orchestre Yannick Nézet-Séguin, « la culture, c’est notre plus grand trésor. C’est notre avenir qui se souvient de son passé » ? « La qualité de vie de toute notre société est en jeu », enchaînait-il.

***

L’autre chose que j’ai remarquée en faisant mon rattrapage des bonnes et mauvaises nouvelles québécoises à mon retour ici, c’est que parmi les sept nominations dans la haute fonction publique annoncées la semaine dernière par le gouvernement, six concernaient des hommes. À l’exception de l’ancienne ministre libérale Line Beauchamp qui part représenter le Québec au sein de la délégation canadienne à l’UNESCO, à Paris, toutes les autres nominations sont masculines, de Christos Sirros, à la tête de la délégation du Québec à Londres, jusqu'à Éric Mercier, l’ancien député nommé à Mexico à la place de Christiane Pelchat.

En 2014, un tel déséquilibre choque. On se croirait en 1977, voire en 1953.

Et surtout, surtout quand ces annonces sont faites par un gouvernement dont on dit qu’il veut faire des compressions dans les congés parentaux et resserrer le programme de garderies.

Et par un premier ministre qui n’a jamais brillé par son égalitarisme.

Ai-je besoin de vous rappeler à quel point son cabinet n’est pas paritaire, avec seulement huit femmes sur 26 ministres, aucune dans un poste économique clé ? Bien sûr, il y a la vice-première ministre Lise Thériault, aussi ministre de la Sécurité publique, qui ressort un peu du lot, comme Mme Beauchamp dans la liste de nominations de la semaine dernière, un peu seule…

N’est-ce pas ce premier ministre, alors ministre de la Santé, qui avait ri quand l’animatrice Julie Snyder était allée à Québec, enceinte, demander devant une commission parlementaire de l’aide pour les couples infertiles, rires qui avaient provoqué chez l’animatrice une réaction indignée absolument justifiée ?

D’ailleurs, n’a-t-on pas entendu dire aussi, entre les branches, que le programme de couverture publique de la fertilisation in vitro serait bientôt grandement réduit, sinon carrément stoppé ?

Bref, il souffle en ce moment, de Québec, une sorte de vent d’antiprogressisme, d’antimodernisme qui ne nous ressemble pas et qui est rempli d’idées déprimantes dont on n’a jamais discuté durant la dernière campagne électorale.

Espérons que ces rumeurs ne sont que des rumeurs et que tout en restera là.

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