Étude

Nouvelle alerte sur l’alcool durant la grossesse

Consommer de l’alcool plusieurs fois par mois durant la grossesse, même s’il ne s’agit que d’un verre, pourrait avoir un impact négatif sur le fœtus, selon une nouvelle étude américaine. Le moment crucial pourrait être le premier trimestre, parce qu’il s’écoule souvent un mois avant le premier test de grossesse.

Beaucoup d’alcool

« Les études sur le syndrome d’alcoolisation fœtale ciblent souvent les femmes qui boivent souvent à l’excès, quatre ou cinq consommations ou plus en une seule soirée, durant la grossesse », explique Christina Chambers, épidémiologiste à l’Université de Californie à San Diego, qui est l’auteure principale de l’étude publiée en janvier dans la revue Pediatrics. L’étude était basée sur des données ukrainiennes. « On a eu de la difficulté à déceler un effet sur les bébés à des seuils de consommation inférieurs, disons sans arriver à l’ivresse. Nous avons pris une approche différente et divisé notre échantillon en cinq types de consommation, avec des maximums et des moyennes par jour et par trimestre. Les grandes buveuses prenaient en moyenne quatre consommations par jour au premier trimestre, qui comprend souvent un mois où on ne sait pas qu’on est enceinte, et maintiennent une consommation élevée, trois consommations en moyenne par jour, pour le reste de la grossesse. »

Cette diminution de la consommation était encore plus importante chez les femmes qui buvaient le plus, parmi ce groupe de grandes buveuses : 15 % des grandes buveuses prenaient sept consommations par jour au premier trimestre, mais par la suite, ces 15 % de très grandes buveuses baissaient à quatre verres par jour. Une très faible quantité de femmes, moins de 1 % du total de l’échantillon, prenaient plus de six consommations par jour durant les deuxième et troisième trimestres.

Impact même chez les bébés de consommatrices modérées 

L’impact sur le développement physique et mental des bébés était déjà statistiquement significatif à l’âge de 6 mois chez le groupe des grandes buveuses. Chez les deux groupes de buveuses modérées (un verre par jour de quatre à cinq fois par semaine aux deuxième et troisième trimestres), les résultats statistiquement significatifs arrivaient à 12 mois plutôt que 6 sur le développement mental des bébés. « Ces deux groupes incluaient des femmes qui buvaient plus d’un verre en moyenne tous les jours au premier trimestre, puis qui baissaient leur consommation sans s’arrêter complètement, et des femmes qui buvaient un peu moins mais ne baissaient pas leur consommation », dit Mme Chambers.

« On dit consommation modérée, mais c’est relatif aux autres groupes, pas au fait que c’est un niveau de consommation sans risque. »

— Christina Chambers, épidémiologiste à l’Université de Californie à San Diego

Mme Chambers décèle une tendance négative, même si elle n’est pas statistiquement significative, même chez le groupe de femmes qui buvaient peu (une consommation par jour trois fois par semaine en moyenne) au premier trimestre puis très peu (une consommation par jour de deux à trois fois par mois) aux deux autres trimestres. Parmi les 470 femmes de l’échantillon, 60 % ne consommaient que très rarement de l’alcool, 25 % en consommaient peu, 10 % en consommaient modérément et 5 % en consommaient beaucoup.

Pas de seuil sécuritaire

Le groupe-contrôle n’a pas une consommation nulle d’alcool durant la grossesse. Durant le premier trimestre, les femmes de ce groupe-contrôle avaient pris en moyenne un verre à une seule occasion, et 15 % d’entre elles avaient pris un verre par mois. Au deuxième trimestre, 15 % des femmes avaient pris un verre durant les trois mois, et au troisième, 15 % des femmes avaient pris un verre par mois. Quelle conclusion en tirer ? « On ne peut pas dire que c’est un seuil sécuritaire de consommation, dit l’épidémiologiste californienne. Il se peut que si on avait isolé dans un sixième groupe les femmes qui ne prenaient absolument jamais d’alcool, on aurait vu un impact sur le développement des bébés avec un seul verre par mois. Ça pourrait même rendre les résultats négatifs sur les bébés dans les groupes de consommation modérée statistiquement significatifs. » Le groupe-contrôle avait un résultat comparable à la moyenne de la population au test MDI.

Pourquoi l’Ukraine ?

L’échantillon est composé d’Ukrainiennes. « Nous avons utilisé les contacts de l’un des membres de notre équipe dans son pays d’origine, dit Mme Chambers. Le système de santé régional en Ukraine est très exhaustif, toutes les futures mamans sont suivies rapidement, alors il est facile de recruter un échantillon relativement représentatif. Une étude similaire en Afrique du Sud et dans les Grandes Plaines aux États-Unis a établi en 2017 la validité de ces cinq portraits types de consommation d’alcool durant la grossesse, mais n’a pas encore analysé l’impact sur le développement des bébés. Une autre étude en Australie avait divisé le niveau de consommation d’alcool différemment, en incluant la consommation avant et après la grossesse, mais n’avait pas observé d’impact d’une consommation modérée. Nous avons pensé nous concentrer sur les trois trimestres de grossesse. »

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