L’avenir est aux Faizeux
À bas les normes, les déficits budgétaires et les « mini-Colbert » qui emprisonnent la société française dans un carcan. Tel est le cri du cœur du romancier Alexandre Jardin, qui dans son essai veut rallier les ONG de terrain de gauche et les PME pour relancer l’économie et la société hexagonales. l’a rencontré chez son éditeur montréalais.
Quelle a été la réaction à votre essai ?
Mercredi soir, après mon entrevue à la télévision, je marchais pour la collation des grades de mon fils à McGill, et quelqu’un m’a arrêté dans la rue pour me dire qu’il était d’accord avec moi. En Belgique, j’ai fait une émission de deux heures. Je pense que les problèmes que je décris, le discrédit ahurissant des partis politiques, sont universels dans les sociétés occidentales.
Vous voulez appuyer les « Faizeux », ceux qui agissent, au détriment des « Dizeux », ceux qui élaborent projets et théories sans avoir de résultats concrets. Saviez-vous qu’au Québec, un « Faizeux » est justement un beau parleur qui ne fait pas grand-chose ?
Oui, je sais. En France, on utilise « Faiseur » de manière péjorative. Mais dans la campagne, un « Faizeux » est quelqu’un qui agit, qui n’est pas un « Dizeux ».
Vous n’évoquez pas la lutte contre les inégalités et les appels à des hausses d’impôts de l’un de vos compatriotes, l’économiste Thomas Piketty, qui fait les manchettes partout dans le monde.
Je ne veux parler que des gens qui passent à l’acte. Je cherche des opérateurs, des « do-tanks » plutôt que des « think-tanks ». Ce qui m’intéresse, c’est une association qui aide les PME à augmenter leurs exportations, des projets de finance alternative, de , le projet Compte Nickel qui permet d’ouvrir un compte bancaire dans un bureau de tabac pour 20 euros par an. Compte Nickel a ouvert 116 000 comptes en 12 mois pour des gens qui n’avaient plus d’adresse bancaire. Et sans adresse bancaire, comment voulez-vous être payé ?
Vous dénoncez tout de même le déficit budgétaire du gouvernement français. Pourtant l’austérité n’est pas populaire en France.
Quand j’étais jeune, le poste budgétaire le plus important était l’éducation. Maintenant, c’est le service de la dette. On ne peut plus continuer. Ce qu’on demande, c’est qu’il y ait moins d’argent dans le haut de l’État, plus d’argent dans le bas, les mairies, par exemple.
Vous citez l’exemple d’une ONG, Solidarité nouvelle pour le chômage, qui fait un bien meilleur travail que les « Pôles Emploi » du gouvernement français. Certains critiquent le recours à des ONG pour des services qui sont offerts par la fonction publique, y voyant une forme de privatisation de l’État.
L’état du pays est tel qu’il n’est plus possible de modifier les services publics. Pour nous, ce qui est important, ce n’est pas le fait que ce soit un service public rendu par l’État, mais les résultats.
Vous citez l’exemple d’un organisme qui distribue des livres pour 80 centimes chacun. Cela ne va-t-il pas à l’encontre de la politique du prix unique du livre ?
Pas du tout. Il ne fonctionne qu’en dehors du marché du livre, par exemple dans les cités où il n’y a jamais eu de FNAC. Le problème avec l’approche technocratique du prix unique, c’est qu’elle ne tient pas compte des diversités de territoire. En milieu rural, par exemple, il n’y a pas de marché du livre.
Vous écrivez à plusieurs reprises qu’il faut contrer le Front national et empêcher l’élection de Marine Le Pen en 2017. Pourquoi ?
C’est une famille politique à laquelle mon grand-père a appartenu. Dans son programme, il y a une préférence nationale, notamment pour l’attribution des habitations à loyer modique. Ça s’appelle faire le tri des hommes.
Qu’attendez-vous des partis politiques pour 2017 ?
Des contrats de mission avec des objectifs très clairs, qui seront attribués aux organismes qui ont fait leurs preuves. Je préfère externaliser vers des organismes de la base, mais si certaines sections de la fonction publique ont des recettes qui fonctionnent, je ne vois pas d’objection à ce qu’elles soient appliquées au niveau national. La seule manière d’avoir du crédit moral, c’est d’avoir des résultats.
Si les partis politiques ne vous donnent pas satisfaction après les présidentielles de 2017, que ferez-vous ?
S’il n’y a pas de contrats de mission, moi ou l’un d’entre nous sera candidat à la présidentielle de 2022.