Opinion

Loin des yeux, loin du cœur

Comment se fait-il que les gouvernements occidentaux semblent si insensibles au drame qui se joue en Afrique et au Yémen ?

En 1985, quand il y a eu le fameux spectacle USA for Africa, j’étais en première année de biologie à l’université de Dakar. Cette main tendue de l’Occident avait résonné profondément dans le cœur des jeunes que nous étions.

Aujourd’hui, la famine s’est installée beaucoup plus profondément qu’à l’époque sur une partie du continent et toute la planète semble détourner le regard de ce qui est devenu, aux yeux des spécialistes, la plus grande catastrophe humanitaire depuis la Seconde Guerre mondiale. Si rien n’est fait, ce sont des millions d’enfants qui risquent de mourir. C’est pour ça que Françoise David et moi avons décidé de collaborer avec l’Association québécoise des organismes de coopération internationale (AQOCI) pour parler de ce drame qui semble laisser indifférent bien des médias. 

Que voulez-vous ? L’Afrique semble trop loin de leurs priorités. Même Radio-Canada a décidé depuis quelques années de regarder l’Afrique de très loin. La chaîne a des correspondants partout, sauf à l’endroit de la planète où il y a le plus de francophones. Pourtant, en plus d’être le lieu de provenance de tant d’étudiants universitaires du Québec, l’Afrique est aussi le continent d’origine d’une grande partie des immigrants qui débarquent ici.

Loin des yeux, loin du cœur, dit la sagesse populaire.

Il serait en effet utopique de penser que cette banalisation du drame qui se joue au Yémen et en Afrique ne s’explique pas par le manque de caméras qui empêche les gouvernants qui carburent au capital politique de bouger un peu plus sérieusement.

Si l’humanitaire et le souci des vulnérables étaient la seule motivation dans le dossier des migrants syriens, comment se fait-il que les gouvernements occidentaux semblent si insensibles au drame qui se joue en Afrique et au Yémen ? Est-ce qu’on est devant ce qu’on peut appeler une générosité à géométrie variable ?

Urgence d’aider

Selon les Nations unies, ce sont surtout des millions d’enfants qui risquent de mourir de faim au cours des prochains mois si rien n’est fait. Pourquoi, en 2017, sur cette planète qu’on dit mondialisée, une partie de la population paie des milliards de dollars pour se débarrasser de son surplus de graisse tandis que de l’autre côté, 30 millions de personnes, majoritairement des femmes et des enfants, risquent de mourir de faim ?  En plus de quatre pays particulièrement vulnérables (Yémen, Nigeria, Soudan du Sud, Somalie), on retrouve d’autres foyers de quasi-famine au Cameroun, en Éthiopie, au Kenya, au Niger, en Ouganda et au Tchad.

Bien que la sécheresse soit un facteur aggravant, les causes profondes des famines doivent davantage aux conflits armés, à l’instabilité politique et à la mauvaise gouvernance. On sait tout ça, mais il y a quand même une urgence qui nécessite de l’action au-delà de ce qu’on peut penser sur l’origine du drame et sa résolution à long terme.

Le plus important à court terme, c’est de sauver des enfants et des femmes qui sont aussi des victimes de cette instabilité meurtrière.

Nous savons, Françoise, moi et l’AQOCI, que les sollicitations sont nombreuses. Nous savons aussi que parfois, l’aide humanitaire n’est pas la solution à long terme, mais il y a urgence quand même et des coopérants de l’AQOCI sont déjà sur le terrain et, avec des partenaires locaux, ils tentent de soulager la souffrance comme ils le peuvent en fournissant nourriture, eau potable et autres besoins médicaux et d’hygiène de première nécessité.

En plus, en mai dernier, le gouvernement du Canada a annoncé la création d’un fonds d’urgence. Pour chaque dollar donné entre le 17 mars et le 30 juin 2017 à un organisme canadien visant à répondre à cette crise humanitaire, il versera un montant équivalent dans le Fonds de secours contre la famine. Si, en ce début de vacances, on faisait un petit don pour aider avant le 30 juin ? On serait alors comme le soleil qui, disait mon grand-père, n’a jamais cessé de briller au-dessus d’un village parce qu’il est petit.

Devenir un colibri

Avant le 30 juin, nous pourrions faire comme ce colibri dans cette sagesse d’Amérique du Sud que j’adore raconter. Un jour, dit cette légende, il y avait un grand feu qui ravageait la forêt. Les animaux, complètement dépassés, regardaient sans rien faire. Seul le colibri faisait des va-et-vient entre une petite mare et le brasier sur lequel il faisait tomber l’unique petite goutte d’eau qu’il pouvait transporter avec son bec. Après un certain temps, un tatou, agacé par le travail bien dérisoire du colibri, l’interpelle : « Penses-tu vraiment éteindre ce brasier avec tes gouttes d’eau ? » Et le colibri impassible de répondre : « Je le sais, mais je fais ma part quand même. »

Si le cœur vous en dit, vous pouvez aussi devenir un colibri en donnant aux organismes qui sont sur le terrain, dont Développement et Paix, Oxfam-Québec ou L’Œuvre Léger. Vous perpétuerez alors la sagesse de ma mère, qui disait souvent que c’est dans les temps difficiles qu’on réalise à quel point l’humain restera toujours le meilleur remède pour son prochain.

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