Éditorial Paul Journet

Le rêve électrique de Legault

La semaine dernière encore, François Legault a parlé de ses ambitions pour Hydro-Québec. Il rêve à une « Baie-James du XXIsiècle ». Il songe même à créer une société d’État conjointe avec l’Ontario pour y exporter plus d’énergie renouvelable.

Que penser du plan ? En fait, ce n’est pas encore un plan. C’est plutôt une intention pour l’avenir, mais on ne reprochera pas au premier ministre caquiste d’avoir une vision à long terme. D’autant plus qu’avec Hydro-Québec, le temps coule à une autre vitesse. Par exemple, un grand barrage prend plus d’une décennie à construire. Penser à 2035, c’est donc penser à demain…

Toutefois, avant de se lancer dans de telles aventures, le Québec a déjà plusieurs projets à concrétiser.

M. Legault oublie de le dire, mais il se faisait du bon travail avant son arrivée…

Hydro-Québec est en train de finaliser le plus gros contrat de son histoire avec le Massachusetts. Il équivaudrait à électrifier près d’un million de foyers ! Une nouvelle interconnexion serait créée près de Thetford Mines pour transporter l’énergie aux États-Unis. Le feu vert pourrait être donné l’année prochaine, pour une mise en service espérée en 2022.

Notre société d’État est aussi en train de soumissionner pour des contrats dans l’État de New York et au Connecticut.

Et il y a l’entente conclue avec l’Ontario. En 2016, le gouvernement Couillard a signé un contrat d’un milliard avec la province voisine.

Peut-on faire plus ? Sans aucun doute. D’ailleurs, les lignes de transport vers l’Ontario ne sont pas encore saturées. Il serait possible d’y tripler les exportations avec les infrastructures actuelles.

Pour ce, la première étape est de convaincre l’Ontario. Le contexte est favorable. Notre voisin devra bientôt rénover ou fermer des centrales nucléaires. Il devra acheter plus d’énergie pour compenser cette perte. Sur cet aspect. M. Legault paraît proactif. Il travaille déjà à convaincre son homologue ontarien Doug Ford.

Le gouvernement Trudeau promet de jouer un rôle de « facilitateur ». Le fédéral pourrait financer de nouvelles interconnexions servant à exporter plus d’électricité. C’est ce qu’a annoncé la semaine dernière le ministre fédéral de l’Infrastructure, François-Philippe Champagne. Cela pourrait s’effectuer entre autres par l’entremise de la nouvelle Banque d’infrastructures.

Le Québec devrait être prudent. Car toute aide du fédéral pourrait lui nuire dans l’autre marché qu’il courtise, les États-Unis.

Au sud de la frontière, 10 États se sont engagés dans un marché local du carbone. Ils auront besoin d’énergie propre pour atteindre leurs cibles de réduction de gaz à effet de serre. Hydro-Québec apparaît comme un fournisseur idéal. L’aide d’Ottawa pourrait toutefois devenir un cadeau empoisonné. Nos rivaux profiteraient de la moindre subvention pour crier à la concurrence déloyale et déposer une plainte en vertu des traités de libre-échange.

C’est dans ce contexte que s’inscrit le rêve électrique de M. Legault. Au moins, avant de lancer un prochain grand chantier de production d’électricité, il voudrait d’abord signer un contrat de vente. Et aussi vider nos surplus.

Voilà qui serait bien. Mais ce qui serait encore mieux, ce serait d’augmenter nos surplus en consommant moins. En misant sur l’efficacité énergétique.

Dans sa stratégie présentée en 2016, le gouvernement libéral visait seulement un gain en efficacité de 1,2 % par année. Et ce, en ne misant que sur le volontariat. Cela manque d’ambition.

On le comprend, la vision de François Legault est aussi embryonnaire que prometteuse. Pour la concrétiser, le premier ministre pourrait faire de ceci sa devise : consommer moins ici et vendre plus ailleurs, afin de baisser la pollution partout.

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