Mon clin d’œil

Martine Ouellet songerait à se joindre à Québec debout.

OPINION

LETTRE À ALEXANDRE TAILLEFER
Dans quel Québec vivez-vous ?

Cher M. Taillefer, je ressens le besoin de vous écrire personnellement, car toutes les fois que vous intervenez dans l’espace public, vos propos viennent directement m’interpeller.

Votre charisme, votre français impeccable, votre assurance déconcertante, votre titre d’homme d’affaires prospère et millionnaire sont autant de qualités qui ne peuvent qu’impressionner et même intimider les gens ordinaires comme moi… Mais, il y a un énorme « mais »…

M. Taillefer, je me demande sincèrement si vous vivez dans le même Québec que moi. Lorsque j’entends vos prises de position, quand vous dites que nous devons d’abord et avant tout faire rayonner le Québec à l’international, quand il n’est question que de projets d’envergure et innovateurs, et quand vous parlez des fleurons québécois, on dirait que vous oubliez tout le reste.

Savez-vous qu’il n’existe aucun programme, aucune subvention, aucun prêt et aucun soutien gouvernemental réel pour les PME ?

Il n’existe RIEN comme dans RIEN pour leur venir en aide ! Ces entrepreneurs doivent se débrouiller seuls, sans contacts ; je dirais même, sans vouloir faire un jeu de mots, que ces entrepreneurs ne sont tout simplement pas branchés sur le pouvoir comme vous pouvez l’être.

À ces entrepreneurs, on demande des dépôts de garantie pour obtenir les services d’Hydro-Québec et on leur impose des intérêts et des frais de pénalités de plus de 20 % s’ils ont le malheur de payer ne serait-ce qu’avec une journée de retard leurs remises gouvernementales.

Si vous avez le temps de regarder les publicités, vous avez remarqué que nous sommes dans une vague de « consommez les produits du Québec », « encourageons nos artisans, nos producteurs » et autres « achetez local ». Quelle hypocrisie ! Les petits entrepreneurs crèvent de faim ! Seules nos convictions nous inspirent à continuer de nous autodétruire en travaillant 75 heures par semaine.

Je pense que vous oubliez, M. Taillefer, que c’est la sueur qui coule du front des petits entrepreneurs qui vous permet de recevoir ces généreuses subventions et ces prêts garantis pour vos projets au rayonnement international. 

Vous savez, au lieu de verser des impôts déguisés, j’aimerais mieux faire profiter mes employés d’avantages sociaux et leur verser le salaire minimum à 15 $ que vous défendez sur toutes les tribunes. C’est tellement plus facile de payer ses employés avec l’argent des autres ! Je ne peux faire autrement que de vous accuser de « racisme entrepreneurial », M. Taillefer !

Je connais les dommages directs et collatéraux du racisme, puisque je suis la mère de quatre enfants noirs, et même si la comparaison peut vous sembler boiteuse, le racisme entrepreneurial a des effets similaires. Il y a définitivement deux clans, deux mondes, deux justices, deux façons d’être traité : celui des grands et celui des petits, à qui on ne laisse aucune chance.

Revenez sur terre, Monsieur, et regardez autour de vous : tout est différent quand le courant ne passe pas et qu’il est impossible d’électrifier nos produits locaux.

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