Opinion : Budget de la CAQ

Attention à l’illusion fiscale !

Le plus récent budget québécois n’a pas de quoi nous réjouir. Qu’il s’agisse de prévisions de croissance économique moribonde ou d’un retour aux vieilles habitudes dépensières, il n’annonce rien d’encourageant. Cela n’a rien de surprenant cependant. Ce budget reflète les incitatifs qui façonnent naturellement notre univers politique.

Pour commencer, il est important de souligner que le gouvernement s’est surtout servi du surplus existant pour financer de nouvelles dépenses. Selon le discours du budget, le surplus était de 5,6 milliards en 2018. Cette année, le gouvernement prévoit qu’il n’atteigne que 2,5 milliards de dollars – une réduction de plus de la moitié. Lorsqu’on sait que le Québec demeure l’un des endroits les plus taxés au Canada, ce choix d’augmenter les dépenses, au lieu de remettre de l’argent dans les poches des Québécois, est plutôt douteux.

Notre statut d’État à forte pression fiscale implique que nous avons une marge de manœuvre pour réduire les taxes les plus nocives pour la croissance économique.

Cette augmentation des dépenses ralentit aussi le remboursement de notre dette qui, rappelons-le, est la seconde en importance au pays (représentant 43 % de notre économie).

Malgré cela, le plus troublant est la vitesse à laquelle le gouvernement Legault s’est livré au piège de « l’illusion fiscale ». Ce concept, développé par James Buchanan (lauréat du prix Nobel d’économie de 1986) et son collègue Richard Wagner, suggère que les incitatifs politiques favorisent des dépenses plus élevées que nécessaire. En saupoudrant des fonds à gauche et à droite, les politiciens maximisent leurs dividendes politiques, aux dépens de la saine gestion. En taxant à gauche et à droite, ce dividende s’affaiblit et, si un surplus est généré, il est perçu comme un surplus de taxation. Il y a donc une asymétrie des rendements politiques à l’égard de la politique budgétaire : les dividendes politiques d’un déficit sont supérieurs aux dividendes d’un surplus budgétaire.

Tentation dépensière

Les politiciens sont toujours soumis à cette tentation dépensière. Leur capacité à résister à ce désir dépend largement de la perception du public à l’égard du coût réel de l’activité gouvernementale. Plus la population sous-estime le coût (tant présent que futur) de la taxation, tout en surestimant ses bénéfices, plus l’illusion fiscale devient attrayante pour la classe politique.

Au Québec, la tentation de céder à l’illusion est particulièrement forte. Plus d’un cinquième des revenus du gouvernement provincial proviennent des transferts fédéraux. En déléguant une part du coût de leurs politiques publiques aux autres provinces, les Québécois ont une perception faussée quant au coût réel des politiques de leur gouvernement provincial. La classe politique est la seule à retirer un certain bénéfice de cette perception, qui se traduit en augmentation de sa popularité.

Malheureusement, la classe politique a tout intérêt à encourager cet écart de perception.

Il lui suffit de tenir un discours qui gonfle les avantages provenant des dépenses gouvernementales et qui minimise les coûts qui y sont associés pour attiser cette illusion.

Prenons l’exemple de la maternelle 4 ans que propose M. Legault. Son gouvernement chiffre le coût de cette promesse entre 400 et 700 millions de dollars. Est-ce-vraiment le coût qui sera payé en fin de compte ? Si les Québécois se voyaient présenter des estimations moins optimistes, changeraient-ils d’opinion quant à la désirabilité d’une telle politique ? Peut-être pas, mais puisque les bénéfices politiques sont importants pour le gouvernement, il a un incitatif fort à ignorer les estimations plus pessimistes.

On ne peut pas céder éternellement à l’illusion fiscale. Les efforts de réduction du déficit déployés par le dernier gouvernement étaient l’ultime correction à plusieurs décennies d’indulgence. Tout indique que le gouvernement se prépare à recommencer à écouter le chant des sirènes. Ce n’est rien de bien encourageant pour notre avenir.

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