Incendies en Californie

« Sans eux, l’incendie serait beaucoup plus dévastateur »

Deux appareils Bombardier CL-415 du gouvernement québécois aident à combattre les incendies 

YuBa City, Californie — Les flammes du Woolsey Fire, qui ont détruit près de 500 maisons à Malibu, cherchent sans relâche à s’étendre vers l’est, vers le canyon de Topanga, où vivent plus de 8000 personnes. Ce qui freine le brasier : deux avions Bombardier CL-415.

« Ce sont des avions très maniables, les pilotes sont capables de se glisser dans des canyons escarpés auxquels les pompiers au sol n’ont pas accès, explique Chris Anthony, chef de division au Département des forêts et de la protection contre les incendies de Californie [CAL Fire]. En ce moment, ils empêchent le feu de s’étendre. Sans eux, l’incendie serait beaucoup plus gros, et beaucoup plus dévastateur. »

6000

Chaque avion CL-415, construit au coût de 37 millions de dollars, peut lâcher 6000 litres d’eau sur sa cible. Les avions vont prendre leur eau dans les réservoirs de surface, ou directement dans l’océan Pacifique.

Vendredi dernier, Dianna Lorentson, une résidante de Westlake Village, a publié la photo d’un CL-415 en pleine action, laissant tomber des milliers de litres d’eau près d’un quartier menacé par les flammes. « Je voulais partager cette photo incroyable prise par un ami de mon mari, a-t-elle écrit sur Facebook. C’était à Westlake Village il y a quelques heures à peine. Nous sommes tellement reconnaissants à ces gars. » L’image a été relayée des milliers de fois sur les réseaux sociaux.

Arrivés du Québec le 1er septembre, les avions CL-415 sont constamment utilisés pour combattre les flammes, qui menacent toujours 57 000 bâtiments dans la région. La zone brûlée par le Woolsey Fire, qui ravage Malibu depuis le 8 novembre, était de près de 400 kilomètres carrés, hier. Le brasier était contenu à 47 %.

Les incendies cette année sont particulièrement dévastateurs, et l’aide des CL-415 est cruciale, dit M. Anthony. « La saison des incendies devient de plus en plus longue et menace de plus en plus de gens, alors ils sont plus utiles que jamais. Nous avons besoin d’avoir une force de frappe aérienne si nous voulons espérer venir à bout de ces incendies. »

Depuis 25 ans

Propriété du gouvernement du Québec, les deux avions CL-415 sont loués chaque année depuis 25 ans au comté de Los Angeles. Basés à l’aéroport de Van Nuys, en banlieue de Los Angeles, les avions viennent avec un équipage composé de quatre commandants, quatre copilotes et quatre techniciens.

« Leur point fort, c’est qu’on peut les déployer rapidement, dit Chris Anthony. Ils peuvent envoyer beaucoup d’eau dès le début des incendies. En coordonnant leurs actions avec les équipes sur le sol, il est possible de faire des progrès. »

Seuls avions conçus exclusivement pour combattre les incendies de forêt, les CL-415 ont été créés et construits au Québec, qui demeure l’un des endroits au monde les mieux dotés en appareils capables d’éteindre des incendies, explique Stéphane Caron, coordonnateur aux communications de la Société de protection des forêts contre le feu (SOPFEU).

« Quand on observe les feux en Californie, on s’aperçoit que les avions loués par le gouvernement du Québec jouent un rôle important. »

— Stéphane Caron, SOPFEU

Le Québec possède une flotte de 14 avions anti-incendie, dont deux sont loués à la Californie à partir du 1er septembre chaque année, pour une période de 90 jours, ou plus si le besoin devait se fait sentir.

« Ce qui est bien avec cette entente, c’est que ça fait diminuer les coûts de notre protection contre les incendies forestiers chez nous au Québec, dit M. Caron. C’est de l’argent qui est réinvesti dans le programme. »

En Californie, les CL-415 sont souvent appelés à écoper dans l’océan Pacifique au large de Malibu. La présence d’eau salée dans leurs réservoirs soulève des défis supplémentaires.

« À la fin de la saison, les techniciens veillent à ce que les réservoirs soient parfaitement nettoyés, car la corrosion du sel pourrait faire des ravages sur l’équipement », dit M. Caron.

Territoire idéal

Si le Québec est devenu le spécialiste mondial de ces avions, c’est parce que le territoire de la province, parsemé de lacs de bonne taille, était idéal pour cette technologie.

« Ces avions ont besoin de plans d’eau à proximité des flammes pour se ravitailler rapidement. Au Québec, ce n’est pas un problème, mais il y a des endroits sur la planète où on ne peut pas utiliser ces avions pour combattre les incendies. »

Si le Québec ne loue pas l’ensemble de sa flotte de 14 avions à l’étranger lorsque la saison des incendies est terminée dans la province, c’est parce que ces appareils ont besoin d’un entretien méticuleux qui est réalisé durant l’hiver.

« On a des CL-215 qui ont 50 ans, et qui fonctionnent très bien. Ces appareils, on en prend un soin exceptionnel. Ils sont bichonnés. »

Au moins 59 morts et 130 disparus à Paradise

Les incendies qui ont fait au moins 59 morts ont continué hier à ravager la Californie, où les autorités tentaient de retrouver la trace de 130 personnes toujours portées disparues, principalement dans la ville de Paradise, presque complètement rasée par les flammes. Plus de 52 000 personnes ont été évacuées dans le secteur, situé à deux heures de route au nord de la capitale Sacramento. La qualité de l’air dans la région est jugée extrêmement mauvaise, et plusieurs municipalités distribuent des masques qui permettent de filtrer les particules fines. L’origine de l’incendie baptisé Camp Fire, le plus meurtrier de l’histoire de la Californie, n’a pas encore été déterminée. Mais des victimes ont déjà lancé une action en justice à San Francisco contre le fournisseur local d’électricité Pacific Gas & Electricity (PG&E). Selon la plainte de l’avocat Mike Danko, qui représente 20 victimes du Camp Fire, l’incendie aurait été causé par des « étincelles » sur une ligne à haute tension de la société. Dans un communiqué, la porte-parole de PG & E Lynsey Paulo a nié toute responsabilité de la société d’électricité.

— Avec l’Agence France-Presse

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