RITES FUNÉRAIRES

L’ultime voyage des cendres… pas toujours permis

Répandre les cendres d’un être proche dans le Grand Canyon, devant le rocher Percé ou dans le lac du chalet familial. L’idée semble séduire un nombre grandissant de gens, dont certains n’hésitent pas à parcourir le monde pour offrir cet ultime voyage. Mais cette pratique est-elle permise ? La réponse courte : ça dépend…

L’incinération a pris du gallon dans les rites funéraires occidentaux. En parallèle, le désir de voir ses cendres être dispersées à tout vent a aussi gagné des adeptes. On l’a vu à travers quelques films tels Sur la route de Madison, The Big Lebowski et Les descendants. L’expression de cette volonté a même fait le titre d’un documentaire américain : Scatter my Ashes at Bergdorf’s.

Mais ça, c’est au cinéma. La réalité est plus complexe. À commencer par le Québec.

Le 17 février dernier, le gouvernement québécois a adopté et sanctionné la loi 66 sur les activités funéraires. Celle-ci ne prévoit aucune restriction particulière relativement à la disposition des cendres humaines si ce n’est que pour dire, à l’article 71, qu’on ne peut les disperser « à un endroit où elles pourraient constituer une nuisance ou d’une manière qui ne respecte pas la dignité d’une personne décédée ».

Les règlements associés à ce projet de loi sont toutefois encore en cours de rédaction. Mais attention, car les villes ont aussi leur mot à dire par la voix de leurs règlements.

Or, justement, à Montréal, l’article 4 du règlement sur la propreté dit ceci : « Il est interdit de jeter, déposer ou laisser sur le sol du domaine public : des déchets d’aliments, des immondices, des cendres, des débris de matériaux, des résidus d’élagage ou autres rebuts. »

À la Ville, on est catégorique. « Le mot cendres est utilisé de façon générique et cela inclut donc les cendres humaines », nous fait savoir une gestionnaire des communications par courriel.

À Laval, on tient sensiblement le même discours. Il n’existe pas de réglementation spécifique concernant les cendres humaines, mais elles semblent s’inclure dans les interdictions du règlement L-12084 concernant les nuisances et « pourraient être assimilées à un contaminant dont le rejet dans l’environnement » est interdit selon la Loi provinciale sur la qualité de l’environnement, nous dit-on.

À Sherbrooke et à Québec, des responsables des communications nous ont expliqué ne pas avoir de réglementation encadrant les cendres humaines.

Qu’en est-il des lieux gérés par le fédéral ? Nos recherches n’indiquent aucune restriction quant à la disposition de cendres dans le fleuve Saint-Laurent. Chez Parcs Canada, on est plus précis.

« La Loi sur les parcs nationaux du Canada et ses règlements n’interdisent pas directement la dispersion de cendres dans un parc national, indique une agente de relations avec les médias. Toute demande liée à la dispersion de cendres dans un parc national doit être adressée au directeur du parc, et ce, en procédant au cas par cas afin de vérifier si une ordonnance en vigueur dans un parc interdit ce rituel, à moins qu’un permis ne l’autorise. »

CENDRES AUTOUR DU MONDE

Ailleurs dans le monde, les lois et règlements varient. Dans l’ensemble, la dispersion de cendres humaines est permise à certaines conditions.

En Ontario, la pratique est autorisée sur les terres de la Couronne, incluant les cours d’eau, pourvu que celles-ci soient inoccupées et qu’on ne trouve pas de panneaux l’interdisant.

En Colombie-Britannique, aucune mesure provinciale n’existe, mais il faut d’abord (évidemment !) obtenir l’autorisation du propriétaire d’un terrain avant de passer aux actes.

En France, on peut disperser les cendres en pleine nature, mais pas sur la voie publique. Donc, les jeter du haut de la tour Eiffel n’est pas une bonne idée.

Dans les parcs nationaux américains, la disposition des cendres est autorisée, mais il faut parfois obtenir un permis ou l’autorisation des dirigeants. À certains endroits, on vous demandera d’être à plus de 100 verges d’une piste, d’une route, d’un lieu archéologique ou autre installation, disait un article du Boston Globe publié en mars dernier. L’article précisait aussi qu’il valait mieux ne pas disposer de « fragments osseux reconnaissables ».

Pour terminer, un conseil : évitez les projets extrêmes.

Ainsi, un jour, pour répondre à la volonté de sa mère, grande adepte des Eagles de Philadelphie, son fils au grand cœur a profité d’une pause durant un match de cette équipe de football professionnel pour courir sur le terrain tout en éparpillant la poussière de maman. Il a été arrêté, mis à l’amende (100 $US) et condamné à faire 50 heures de travaux communautaires.

Autre exemple : en février 2015, un homme a été emporté à jamais par une forte vague alors qu’il s’apprêtait à lancer les cendres de sa sœur à la mer dans la région des Cornouailles, en Angleterre.

DES CÉLÉBRITÉS ET LEURS CENDRES

Albert Einstein (1879-1955)

Physicien et Prix Nobel de physique

Au bord d’une rivière du New Jersey (mais son cerveau a été conservé)

George Harrison (1943-2001)

Membre des Beatles et auteur-compositeur-interprète

Le long du Gange, en Inde

Peter Jennings (1938-2005)

Journaliste et présentateur de télévision aux États-Unis (ABC)

À la ferme qu’il possédait à Gatineau Hills, au Québec

Neil Armstrong (1930-2012)

Astronaute et premier homme sur la Lune

Dans l’océan Atlantique

David Bowie (1947-2016)

Auteur-compositeur-interprète, musicien et acteur

À Bali, en Indonésie, selon les rites bouddhistes

Keith Richards (1943-)

Guitariste des Rolling Stones

Toujours vivant, Richards a déclaré en 2015 qu’il souhaite que ses deux filles « sniffent » ses cendres comme il l’avait fait avec celles de son père, qu’il avait mélangées à de la cocaïne.

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