CAFÉS INDÉPENDANTS

Éloge de la variété

La première Semaine québécoise des cafés indépendants commence lundi. Court, noir et corsé ou clair et fruité comme un thé, le remontant favori des Québécois brillera de toutes ses facettes pendant les six prochains jours.

Le café et la manière de le cultiver, de le fermenter, de l’entreposer, de le torréfier, de l’infuser et de le boire ont grandement évolué ces dernières années, dans la foulée du mouvement « bean-to-cup » (de la fève à la tasse).

De plus, grâce aux essais des torréfacteurs artisanaux qui cherchent la parfaite expression de chaque origine, nous avons appris que le produit, autrefois associé surtout à l’amertume et aux notes grillées, épicées, chocolatées, etc., pouvait également être rempli de notes fruitées et florales. Explosion de bleuets, effluves de fraises bien juteuses et pointe de rose font maintenant partie du vocabulaire du café.

En janvier 2016, le regroupement « World Coffee Research », affilié à l’Université A & M du Texas, publiait son lexique de café. Celui-ci sert également de base à la nouvelle roue des saveurs de la Specialty Coffee Association of America (SCAA).

Le Sensory Lexicon compte 50 pages. Très précis, il décrypte le goût du café avec des références bien précises. On sait depuis un moment que le liquide noir est particulièrement complexe sur le plan chimique.

Le lexique répertorie 110 goûts, arômes et textures du café, classés par catégories : fruité, sûr ou acide, fermenté, vert ou végétal, terreux, rôti, épicé, amplitude, texture en bouche, etc.

On pense naturellement au vocabulaire utilisé pour parler du vin (et de la bière et des whiskies, etc.). Ce n’est pas pour rien qu’on a souvent comparé les deux cultures. Et, avec un peu de recul, un constat s’impose : tous les goûts sont dans la nature. Il y a les buveurs de jeunes beaujolais fruités et naturels, les buveurs de Ménage à trois, les buveurs de grands vins de Bordeaux charpentés, les buveurs de blancs à l’acidité tranchante.

Il en va de même dans le café. Certains n’hésitent pas à associer les cafés de microtorréfacteurs aux vins d’auteur (petits vignerons), l’espresso italien noir et lustré aux vins ultraboisés, le café de certaines grosses chaînes aux vins industriels faits avec des raisins de piètre qualité.

Or, les tenants d’un café éthique et qualitatif, qui pratiquent quasi systématiquement une torréfaction plus délicate, ont beau clamer que leur approche est celle qui respecte le mieux le terroir et la nature de la fève, le consommateur ne suit pas toujours.

Combien de buveurs d’espresso sont retournés à leur réconfortant troquet italien après avoir été échaudés par un café suret de trop ?

« Pour moi, c’est un peu comme le bacon. Moi, j’aime mon bacon très croustillant, un peu brûlé même. »

— Adam Gollner, auteur et journaliste culinaire

Attablé au Caffè San Simeon, rue Dante, celui qui est pourtant aussi un grand buveur de vins d’auteur sirote avec bonheur son deuxième espresso al vetro (dans un verre). Il admet néanmoins être capable d’apprécier les cafés de torréfaction légère en filtre, même si, question d’accessibilité, il leur préférera souvent l’eau de vaisselle de bord d’autoroute !

PAS ASSEZ, C’EST COMME TROP !

Comme le souligne James Hoffmann, on devrait critiquer autant les torréfacteurs tendance qui sous-cuisent leurs fèves que ceux qui les brûlent. Pour en être convaincu, on peut lire l’article complet du barista médaillé, auteur et président de Square Mile Coffee Roasters, sur son blogue.

Cela dit, malgré leur intégrisme occasionnel, les microtorréfacteurs et baristas plus attentifs au produit ont aussi eu pour effet d’ouvrir les yeux de certains acteurs bien établis dans le milieu du café.

« Nous n’avons pas pu nous asseoir sur nos lauriers, confirme James Kouri, de l’entreprise familiale Café Union, fondée en 1910. Et nous avons profité des nouvelles technologies grâce à l’avancement des connaissances sur le café. Ç’a été un beau travail de raffinement du produit. »

Lorsque les Saint-Henri micro-torréfacteur, Kittel et autres cafés artisanaux sont arrivés sur le marché montréalais, quelques clients de Café Union sont allés voir ailleurs. Mais la maison a réagi vite. Elle a développé de nouveaux profils de torréfaction pour mieux exprimer chaque origine de café. Elle s’est mise à offrir des cafés saisonniers, dont les fèves sont bien fraîches. Le contrôle de la qualité a été augmenté.

« Mais nous continuons de faire des torréfactions plus foncées que nos collègues de la "troisième vague", avec des notes épicées, chocolatées, cuirées, parce que nous pensons que ça restera toujours beaucoup plus accessible », explique le directeur des ventes.

La Brûlerie Rousseau a pour sa part embauché un ancien de 49th Parallel, à Vancouver, pour qu’il donne un nouveau souffle à l’entreprise établie à Québec depuis 1867.

Du côté des microtorréfacteurs québécois, comme le tout nouveau Kaito (dans le village d’Hudson), on travaille fort à développer pleinement chaque lot de café. Les erreurs des prédécesseurs et compétiteurs, dont certains ont ensaché des grains beaucoup trop blonds, auront finalement servi à tout le monde !

UNE SEMAINE DE CAFÉ

C’est une forme très ouverte que propose J’aime mon café, la première Semaine québécoise des cafés indépendants qui se tient du 18 au 23 avril. Le fondateur, Alex Sereno (Barista et On s’en food), y voit avant tout une célébration de la diversité, avec plus de 100 participants installés un peu partout dans la province. Ceux-ci sont répertoriés sur le site, ce qui permettra à coup sûr de jolies découvertes. Connaissiez-vous le Café Frida à Trois-Rivières, le Tassé à Sherbrooke et l’Érudit à Jonquière ? Pour être admissibles, les participants devaient s’engager à offrir un café sans lait à 1 $ (2 $ avec lait) à tous les visiteurs, le 23 avril. Ils étaient aussi libres d’organiser d’autres activités dans leur café – démonstration d’art latte, tirages, etc. Celles-ci sont présentées dans la section Événement du site.

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