AUTISME ET TROUBLES ASSOCIÉS

Un baume pour toute la famille

Contrarié, Marc-Antoine Ross, 11 ans, a récemment lancé une chaise en classe. Rapidement, il est allé se blottir contre sa chienne Achab. Honteux, il a pleuré, le nez dans sa fourrure, et s’est calmé. La chienne le suit partout désormais, à l’école comme au parc, et l’aide à composer avec un diagnostic multiple lourd à porter : syndrome de Gilles de la Tourette, trouble du déficit de l'attention avec hyperactivité et trouble anxieux.

« Achab a beaucoup baissé mon stress, surtout pendant les examens », confie Marc-Antoine. Nerveux, le garçon avait tendance à imiter des bruits d’animaux en classe, à japper ou à hurler comme un loup. « Avec Achab, les tics ont diminué et sont devenus plus discrets, raconte sa mère Diane Beaudoin. Manipuler la laisse devient son centre d’intérêt quand il est trop stressé. »

Chaque année, depuis 2003, la Fondation Mira, par l’entremise de son programme Schola Mira, forme une centaine de chiens d’assistance destinés aux familles d’enfants ayant un trouble du spectre de l’autisme (TSA) et d’autres troubles connexes. « Il y a 10 ans, il se faisait peu de choses pour aider ces familles. On a tenté de les aider et ça a fonctionné », indique le fondateur Éric St-Pierre. Actuellement, 400 chiens sont en service. Ils seront au travail, en moyenne, huit ans. Au-delà de 200 familles sont en attente.

DES RÉSULTATS CONCLUANTS

Dans un article publié dans The Official Journal of Psychoneuroendocrinology (2010), des chercheurs québécois ont montré que le chien d’assistance avait un effet marqué sur la variation du cortisol salivaire, marqueur biologique de stress. Des échantillons de salive ont été prélevés chez 42 enfants autistes. La hausse de cortisol au réveil était de 58 % avant l’introduction du chien, de 10 % en présence du chien, et de 48 % dès que le chien était retiré de la famille.

« Je n’ai jamais vu une diminution aussi importante des hormones de stress. Ça m’a étonnée. Il y a un effet bien réel », indique Sonia Lupien, directrice du Centre d’études sur le stress humain, qui a collaboré à l’étude. Des chercheurs ont aussi observé une amélioration du sommeil chez les enfants avec TSA (et leurs parents !) et un progrès dans les habitudes alimentaires. Les résultats sont à publier.

« Pour le sommeil, c’est magique », confirme Diane Beaudoin, qui peut enfin récupérer après des années de nuits agitées. « L’heure du coucher était interminable avec Marc-Antoine. Durant la nuit, il se réveillait souvent, il avait besoin d’être rassuré. Ça ne s’était jamais arrêté. »

« Avec le chien, la routine du dodo est écourtée et il s’endort facilement. Ça a un impact important sur son humeur et sur sa capacité d’attention. »

— Diane Beaudoin, mère de Marc-Antoine Ross

Le chien d’assistance a parfois des effets inattendus. Florence, 13 ans, a un trouble du spectre de l’autisme, avec surdité, troubles de langage et déficience visuelle. Son chien, à ses côtés depuis six ans, a eu un effet majeur sur sa capacité de communiquer.

« Quand on la questionnait, elle ne nous répondait jamais. Nous avons eu l’idée de faire parler le chien, dans un jeu de rôle, et elle a commencé à lui répondre, c’était inespéré, raconte sa mère Mélanie Valiquette. On pouvait enfin mieux cibler ses besoins. » À son tour, la jeune fille a, d’une petite voix, imité le chien pour s’exprimer plus facilement.

« Le chien vient diminuer l’amplitude, la durée et la fréquence des épisodes des crises d’anxiété. Avant, une fourchette croche sur la table pouvait dégénérer en crise. Maintenant, la fourchette peut être un peu croche et ça passe », confie Mme Valiquette. Le chien aide à mieux gérer les imprévus, les voyages, les horaires chambardés. Et à socialiser.

TISSER DES LIENS

En raison de son anxiété et de son impulsivité, Marc-Antoine a de la difficulté à entrer en relation avec les autres. La récréation est souvent source de conflits. Comme cette fois où il a atteint involontairement un camarade de classe au visage avec un ballon. Ça a dégénéré et Marc-Antoine – sans Achab, alors chez le toiletteur – a fugué de l’école. Il est rentré à la maison escorté par des policiers. « L’autre m’avait donné une claque. Si j’étais resté, je l’aurais frappé, alors j’ai préféré partir », raconte-t-il. Achab l’aurait-elle calmé ?

Si Marc-Antoine vit beaucoup d’isolement, ça tend à changer. « Il prend de l’assurance, il développe son autonomie et il est très fier de son chien », dit sa mère. Il est désormais accompagnateur au service de garde de l’école. Il aide les plus jeunes à traverser en sécurité le stationnement. « Ça me permet d’aider une élève à affronter ses peurs. Elle a déjà été attaquée par un chien. » D’abord distante et craintive, la fillette tenait la main de Marc-Antoine sans lui parler. Peu à peu, elle a pris confiance. « Aujourd’hui, elle me parle comme si j’étais son meilleur ami. Et elle flatte Achab. Ça me fait chaud au cœur. »

Un nouveau regard

Le chien a un impact sur l’écologie de la famille, note Marcel Trudel, professeur associé à l’École de psychoéducation de l’Université de Sherbrooke. « Ces familles sont souvent isolées, le voisinage les craint, leur enfant est bizarre. Avec le chien, il y a une communication avec l’entourage, les parents sortent davantage, ça favorise une expérience élargie pour l’enfant. Des parents m’ont dit que des petits voisins venaient maintenant frapper à la porte pour jouer avec leur enfant. » Le chien vient aussi agir comme un tampon entre l’enfant et le parent, libéré d’une proximité qui peut être épuisante, note M. Trudel.

Un programme en révision

« Les résultats du programme sont fantastiques, mais on ne s’arrête pas là. On souhaite maintenant valider notre méthode d’intervention, améliorer nos pratiques », affirme le psychologue Noël Champagne, directeur de la recherche et du développement à la Fondation Mira. À l’aide d’un consortium de chercheurs universitaires, Mira travaille à établir un portrait de pairage idéal entre un chien et une famille, à étudier les chiens en famille d’accueil, à améliorer les lignées, à préparer un guide à l’intention des familles. Dans environ 20 % des cas, le pairage est un échec : le chien ne s’adapte pas ou la famille ne s’y fait pas. « Il faut une stabilité familiale, une constance dans les soins et les consignes. Et, avant tout, il faut un amour des chiens », note Éric St-Pierre.

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