Santé mentale

Un droit protégé

Il y a deux semaines, Mélissa s’est présentée en entrevue d’embauche en compagnie de Belle. On lui a refusé l’emploi sur-le-champ. À la Fondation Mira, on reçoit plusieurs appels par semaine pour des situations de discrimination. « Ça peut être un refus au restaurant, au dépanneur, un congédiement. Tous n’ont pas l’énergie de porter plainte à la Commission des droits de la personne », indique Mélanie Valiquette, qui siège au comité des droits de la personne chez Mira. L’accès à des lieux publics avec un moyen de pallier un handicap est un droit inscrit dans la Charte des droits et libertés du Québec (article 10). En septembre 2015, la Cour d’appel a d’ailleurs donné raison à des parents d’un enfant ayant un trouble envahissant du développement (TED) qui s’étaient vu refuser l’accès à un gîte avec leur chien d’assistance, en l’absence de leur enfant. L’ouverture se vit, un pas à la fois. Ayant un trouble de stress post-traumatique (TSPT), Claudia a pu témoigner accompagnée de son chien Yuma au palais de justice de Longueuil. Hospitalisée à Rimouski, elle a aussi pu être réconfortée, sur son lit d’hôpital, par son chien.

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Enjeux et défis

Davantage utilisé aux États-Unis et dans le reste du Canada, le chien d’assistance psychologique est à ce jour une aide thérapeutique marginale au Québec. La pratique suscite engouement, préjugés et questionnement.

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Absence de réglementation

En avril, la Nouvelle-Écosse a adopté une nouvelle loi pour réglementer l’identification et la certification des chiens d’assistance et protéger du même coup les bénéficiaires. Aucun encadrement du genre n’existe au Québec. Ainsi, tout un chacun peut démarrer une école et demander des prix exorbitants pour des chiens entraînés selon des méthodes douteuses. « C’est dangereux et ça peut nuire à la cause », déplore Solange Barbara, de la Fondation Asista. Membre du comité de développement de la Fédération internationale des chiens-guides (2013), la Fondation Mira souhaite des critères d’admission stricts et « une réglementation moins molle », selon Éric St-Pierre. À Autisme Canada, on recommande aux parents d’opter pour une organisation accréditée auprès de la Fédération internationale des chiens-guides ou de l’Assistance Dogs International. Il existe également une Association canadienne des écoles de chiens-guides et d’assistance.

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Faire de la sensibilisation

« Il faut démystifier ce qu’est un chien d’assistance et faire de la sensibilisation auprès du public. Les gens sont nombreux à poser des questions et flattent le chien en travail. Ils ne veulent pas mal faire, mais ça peut être extrêmement confrontant pour une personne anxieuse », dit Noémie Labbé-Roy, directrice des chiens Togo. Mélissa Duval-Demuy, qui souffre d’un trouble anxieux, se sent parfois comme un animal de foire. « Je peux conter ma vie 10 fois par jour. Ça m’épuise et je reviens chez moi en détresse. » Et si un chien est caressé par tout un chacun, les progrès réalisés à l’entraînement peuvent être renversés.

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Stressé, le chien ?

« Il peut y avoir une résonance de stress chez l’animal. À quel point le chien est-il capable d’en prendre ? Il ne faut pas intervenir au détriment de la bête », affirme Sonia Lupien, directrice du Centre d’études sur le stress humain. Des études sur la question méritent d’être menées, selon elle. « Le chien ressent les charges affectives de l’humain. Il agit comme un baromètre de l’état interne », dit Emmanuelle Fournier-Chouinard, psychologue et enseignante au collégial en zoothérapie. Elle pratique la psychothérapie assistée par le chien. « Lors d’une séance, ça peut être aidant pour une personne qui a des capacités d’introspection affaiblies », explique-t-elle. Ses chiens travaillent à tour de rôle, selon leurs dispositions, leur intérêt. « Le chien d’assistance, lui, travaille 24 h sur 24. Il accumule le stress de son partenaire, mais à quel prix ? On a déjà vu des chiens en burnout. Cela dit, il peut se faire de très belles choses, pourvu qu’il y ait réciprocité dans le lien et que le chien puisse aussi vivre sa vie de chien. »

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