Opinion Livres québécois

Et les auteurs ?

Les écrivains sont les grands oubliés du Plan d’action sur le livre du gouvernement du Québec.

Tout récemment, le gouvernement du Québec a annoncé son nouveau Plan d’action sur le livre : aide fiscale aux éditeurs, meilleur appui aux librairies, achat de plus de publications dans les bibliothèques et les écoles, soutien aux festivals littéraires, promotion par les écrivains eux-mêmes de leurs œuvres dans les librairies et bibliothèques publiques.

Par contre, on ne parle guère de faciliter le long et ardu travail d’écriture par les auteurs. Ces derniers constituent pourtant l’essence même de la littérature. Ils en sont le point de départ, le noyau, le cœur…

On me qualifie d’auteure prolifique. En effet, j’ai publié 19 ouvrages en 15 ans, résultat de 40 à 50 heures de travail par semaine, soit de recherches ou devant l’ordinateur, sans compter les huit salons du livre du Québec auxquels je participe annuellement, à mes frais pour une grande partie.

Quand j’ai fait paraître mon premier roman, en février 2000, je récoltais 10 % du prix de vente, soit 2,49 $ par livre. En 2015, les conditions n’ont absolument pas changé : Coup de maître, édité en janvier, me rapportera 2,49 $, version imprimée ou numérique.

Mes livres sont également vendus dans le catalogue de Québec Loisirs. Comme il s’agit de droits dérivés, j’obtiens environ 1 $ par roman, et ce, depuis toujours. En ce qui concerne France Loisirs, pour chacune des deux trilogies publiées dans la francophonie mondiale, on a condensé les trois tomes en un seul manuel, ce qui fait que, là aussi, j’ai reçu autour de 1 $ par exemplaire vendu.

Pour ce qui est de la présence de mes livres dans les bibliothèques, on m’a donné cette année la somme maximale allouée, 3300 $, pour la totalité de mes œuvres prêtées dans la plupart de ces institutions pendant une année.

Il y a 15 ans, l’Union des écrivains attribuait 250 $ et 0,36 $ par kilomètre de déplacement pour une conférence prononcée dans une bibliothèque ou un autre organisme. Aujourd’hui, on octroie exactement le même montant, peu importe les augmentations du coût de l’essence et du coût de la vie !

Quant aux salons du livre, je remercie mon éditeur de couvrir une certaine partie de mes dépenses, mais je doute que toutes les maisons d’édition fassent de même.

Dieu merci, les cours de piano que j’ai donnés au privé et un mari encore au travail ont pourvu à mes besoins par le passé. J’ai maintenant la chance de vivre de ma plume, mais je pense à tous mes confrères et consœurs écrivains qui ne le peuvent pas. Combien de livres, combien de chefs-d’œuvre ne naîtront jamais à cause de ce maudit argent ?

Il m’arrive à l’occasion de traiter de ce sujet avec des visiteurs dans les salons du livre. Infailliblement, les gens ne sont pas au courant et n’en reviennent pas de ces faits. C’est pourquoi j’ai décidé d’en parler publiquement. La meilleure façon pour le gouvernement de promouvoir et de favoriser la littérature, c’est d’abord d’aider les auteurs eux-mêmes. La littérature québécoise mérite qu’on la soutienne : nous avons de l’imagination à revendre, des choses à dire, un passé historique mal connu, un présent captivant, des rêves à partager, des idées à défendre et… d’excellents écrivains qui valent bien tous ceux des autres pays. De grâce, supportons-les !

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