Train de vie

Retraités et endettés par-dessus la tête

Monique et Gaston profitent tellement bien de la vie qu’ils doivent 40 000 $ sur leurs cartes et leur marge de crédit. Âgés de 66 et 75 ans, ils n’ont ni maison ni placements. Seulement un véhicule récréatif, grevé d’un prêt au moins équivalent à la valeur de revente.

« Ça fait des années qu’on vit en se disant que ça ne donne rien d’attendre. On a vu trop de gens tomber malades et mourir rapidement ! », explique Monique, qui a été secrétaire d’école jusqu’en 2003. Le couple a acheté un premier véhicule récréatif (VR) et a commencé à voyager peu de temps après que Gaston a pris sa retraite de l’enseignement en 1995. Les amoureux ont fait le tour de l’Europe pendant un an, séjournent deux ou trois mois par année en Floride et visitent plusieurs campings du Québec chaque été.

« On ne regrette rien. On n’est ni dépressifs ni stressés. On veut juste régler nos dettes d’une façon simple… mais on n’en voit aucune. » 

— Monique, 66 ans

Au fil des ans, Monique et Gaston ont remplacé leur Westfalia (payé 37 000 $ en 1999) par un Savana Condo (69 000 $ en 2004), puis par une autocaravane de 22 pieds en 2006. Ce dernier valait 98 000 $, mais le couple a dû emprunter 114 000 $ pour financer la perte sur le Savana Condo. Le prêt s’élève aujourd’hui à 69 000 $ et se solde par des remboursements mensuels de 863 $. « On sait que vendre le campeur réglerait une bonne partie du problème, mais on préférerait trouver une autre solution. Le camping, c’est notre loisir ! » Et pas question de retourner dans plus petit : quand ce VR sera vendu, ce sera fini.

Les cartes de crédit et la marge de crédit ont elles aussi gonflé avec le temps. Toutes sortes de dépenses « imprévues » y ont abouti : cotisations d’impôts, immatriculations, frais de voyage, réparations du VR…

Les cartes émises par MBNA et American Express, qui totalisent près de 20 000 $, passeront de 0 % d’intérêt à environ 20 % en janvier prochain. C’est ce qui a déclenché la réflexion de Monique et Gaston. « C’est sûr que nous pourrions transférer les soldes sur d’autres cartes à 0 %, mais il faudrait peut-être régler la situation pour de bon. »

Pour arrondir les fins de mois, Gaston travaille une vingtaine de semaines par année à temps plein, pour 13 $ l’heure. Tant que la santé tiendra, il continuera. « Mais il a quand même 75 ans… », dit Monique, qui a commencé à distribuer son propre curriculum vitæ.

Les amoureux, qui habitent ensemble depuis 15 ans, ont vendu leurs maisons respectives, puis celle qu’ils avaient achetée ensemble. Depuis cinq ans, ils vivent en appartement. Le capital des maisons ? « On payait le solde des cartes de crédit et on voyageait », résume Monique. Maintenant, il n’y a plus d’actif à liquider.

La réponse

Nous avons d’abord soumis le cas de Monique et Gaston à Armande Darmana, conseillère budgétaire à l’ACEF Rive-Sud de Montréal. Rapidement, elle constate qu’ils sous-estiment leurs dépenses : « Les permis de conduire et les voyages en Floride ne sont clairement pas des imprévus ! » Et à voir les cartes de crédit, ce ne sont pas les seules dépenses non budgétées.

« Normalement, avec leurs revenus, ils devraient avoir suffisamment d’argent pour vivre. »

— Armande Darmana, conseillère budgétaire à l’ACEF Rive-Sud

Surtout qu’à 1013 $ par mois plus les frais, le logement est raisonnable. Certaines dépenses pourraient toutefois être réduites, comme l’épicerie, actuellement de 200 $ par semaine, et les cellulaires, qui pourraient passer de deux à un seul.

Cela dit, il n’y a pas de miracle. « Même en diminuant certaines dépenses, ils n’auraient pas la capacité financière de rembourser leurs dettes. S’ils vendaient le VR, ils vivraient convenablement, mais n’auraient plus leur loisir. » Mais où couper ailleurs ?

S’entendre avec ses créanciers

Pour y voir plus clair, nous avons demandé au syndic Pierre Fortin, président de Jean Fortin & Associés, d’examiner la situation de Monique et Gaston. « Ce n’est pas rare comme dossier, quoique les retraités endettés soient généralement moins fortunés que ce couple », dit-il.

La solution en apparence la plus simple serait de vendre le véhicule récréatif. Ça ne réglerait pas tout, mais l’endettement serait plus gérable. Monique et Gaston, par contre, seraient bien malheureux. « Ce qui nous tient à cœur varie grandement d’une personne à l’autre. Dans leur cas, ils ont privilégié la vie de VR, plutôt que d’avoir une maison et une piscine creusée. » En plus, vu les 10 ans et les 140 000 km de l’autocaravane, Pierre Fortin doute qu’ils en obtiendraient les 69 000 $ nécessaires pour rembourser le prêt, surtout s’ils devaient vendre rapidement.

La clé ne réside pas non plus dans une consolidation de dettes, puisque Monique et Gaston sont trop endettés pour qu’une banque accepte de les financer.

Le syndic leur suggère plutôt de s’entendre avec leurs créanciers « non garantis » en présentant une proposition du consommateur.

« C’est le seul instrument qui permet d’annuler automatiquement les intérêts sur les dettes et de conserver ses biens. »

— Pierre Fortin, syndic

Les cartes de crédit à 20 % d’intérêt et la possibilité de garder l’autocaravane (dont le prêt est exclu de la procédure parce que garanti) rendent cet outil particulièrement intéressant.

Comme le couple a de bons revenus, il devra offrir aux créanciers de rembourser la totalité ou presque du capital, soit autour de 40 000 $. Sauf qu’au lieu de faire des paiements de 1160 $ pour les cartes et la marge de crédit, il versera 666 $ par mois pendant cinq ans.

Il y a de bonnes chances que les créanciers acceptent ce genre de proposition, estime le syndic, car ils n’obtiendraient probablement pas plus si Monique et Gaston déclaraient faillite.

Malgré tout, Monique et Gaston devront limiter leur budget voyage à 3000 $ par année et trouver une façon de réduire leurs dépenses mensuelles d’environ 65 $.

« Ils sont chanceux : ils sont dans la catégorie supérieure de la classe moyenne. Avec un peu de discipline, ils pourront encore se gâter », conclut Pierre Fortin.

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.