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La Finlande mettra fin à son expérience sur le revenu minimum garanti

Le gouvernement finlandais verse près de 900 dollars par mois depuis l'an dernier à 2000 personnes sans emploi. Le projet ne sera pas prolongé à la fin de l'année, « une mauvaise nouvelle » selon les défenseurs de cette approche au Québec.

La Finlande n’entend pas prolonger au-delà de la fin de l’année un projet expérimental qui permettait à des citoyens sans emploi de disposer, sans restriction, d’une aide mensuelle de près de 900 dollars.

Le gouvernement de coalition au pouvoir a opposé une fin de non-recevoir aux chercheurs responsables de cette expérience de revenu minimum garanti qui réclamaient des fonds additionnels pour la poursuivre plus longtemps que prévu et élargir sa portée.

Olli Kangas, qui chapeaute l’étude au sein de Kela, l’agence chargée de la sécurité sociale, a indiqué hier que la décision découlait notamment d’un changement de perspective idéologique des élus au pouvoir.

Le premier ministre Juha Sipilä et sa formation, qui avaient défendu le revenu minimum garanti par le passé, semblent se rallier, dit-il, au point de vue de leurs alliés conservateurs pour favoriser une approche « plus ciblée » et « plus conditionnelle » en matière d’aide sociale.

La logique conservatrice, souligne M. Kangas, veut que la distribution sans contrainte de sommes d’argent à des individus sans emploi les encourage à « paresser » et qu’il soit préférable de multiplier les contraintes pour les amener à chercher activement un emploi.

Le chercheur relève que la question du revenu minimum garanti suscite des débats passionnés dans le pays et que la polémique n’est pas étrangère au virage en cours.

« Je trouve que les arguments sont généralement basés sur des opinions. Nous espérons obtenir des faits avec notre étude. » — Le chercheur Olli Kangas

2000 personnes touchées

L’expérience finlandaise, qui a reçu énormément d’attention sur la scène internationale, a été lancée l’année dernière et touche 2000 personnes sans emploi qui reçoivent 560 euros par mois jusqu’à la fin de l’année en cours. Elles ne sont pas tenues de chercher un emploi ou de suivre une formation.

L’un des objectifs poursuivis est de déterminer de quelle manière le recours à une forme de revenu minimum garanti a un effet sur la santé et le cheminement professionnel des personnes ciblées.

M. Kangas note que les chercheurs auraient aimé, en prolongeant l’expérience, pouvoir étudier également l’impact d’une telle mesure sur le comportement de personnes disposant déjà d’un emploi.

La décision relative au financement survient alors que les résultats de l’étude sont toujours inconnus. L’agence gouvernementale prévoit rendre publics des résultats partiels à la fin de l’année en raison des délais requis pour obtenir les données sur la situation des individus suivis. Le rapport définitif n’est pas attendu avant la fin de 2019.

« mauvaise nouvelle »

Le Collectif pour un Québec sans pauvreté, qui milite pour l’implantation dans la province d’un système de revenu minimal garanti, estime que la décision finlandaise est une « mauvaise nouvelle ».

L’expérience semblait trop limitée et trop courte pour permettre d’apprécier pleinement l’impact de cette approche sur le bien-être et le cheminement des individus concernés, mais constituait une initiative intéressante, affirme le porte-parole du collectif, Serge Petitclerc, qui voit un parallèle entre la situation là-bas et celle qui est survenue au Canada dans les années 70.

Une expérience avec le revenu minimum garanti avait alors été menée dans la ville de Dauphin, au Manitoba, sous l’égide des libéraux de Pierre Elliott Trudeau, mais avait été abandonnée à l’arrivée au pouvoir des conservateurs dans la province, explique-t-il.

M. Petitclerc s’attriste de constater que l’approche suscite les mêmes débats « ici et ailleurs ».

« Il y a toujours ce vieux préjugé voulant que si l’on donne trop d’argent, les gens ne voudront pas aller travailler. C’est tellement ancré dans la culture populaire que l’on dirait que c’est dans les gènes. »

— Serge Petitclerc, porte-parole du Collectif pour un Québec sans pauvreté

Le gouvernement québécois a annoncé en mars un projet de loi qui doit assurer un revenu minimum garanti à 84 000 personnes présentant « des contraintes sévères à l’emploi », mais il continue de miser sur une approche coercitive pour les autres personnes qui reçoivent de l’aide sociale, regrette M. Petitclerc.

Il presse Québec d’assouplir les critères d’accessibilité retenus pour toucher un plus grand nombre de personnes dans le besoin.

L’Ontario a lancé pour sa part l’année dernière un projet pilote de revenu minimum garanti qui touche 4000 personnes réparties dans trois municipalités. La première ministre de la province, Kathleen Wynne, a précisé qu’il vise à déterminer si l’approche permet d’accroître « leurs opportunités et leurs perspectives d’emploi ».

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