Sécurité à vélo

« L’effet Mathilde Blais » ressenti partout au Québec

Sur l’affiche, on lit « Une cycliste est morte ici ». Mais la présence du vélo blanc sur une rambarde du tunnel de la rue Saint-Denis, dans l'arrondissement de Rosemont–La Petite-Patrie, n’a plus besoin d’être expliquée. Sous ce viaduc, les cyclistes ont presque tous une pensée pour Mathilde Blais, tuée par un camion-grue le 28 avril.

Pour ces amateurs de vélo, il est là, « l’effet Mathilde Blais » : dans un accident que plusieurs n’étaient malheureusement pas surpris de voir arriver.

« Quand on passe dans un tunnel, on se dit qu’on va le faire vite, vite, vite, pour que ça soit fini le plus rapidement possible », résume la présidente de Vélo Québec, Suzanne Lareau. Elle en a contre les poteaux que Rosemont avait installés sur les trottoirs des tunnels pour empêcher les cyclistes d’y passer. Mais elle se console en soulignant le sentiment d’urgence qu’a créé l’accident du 28 avril. « Il y a un an, au comité de la Ville, on nous avait dit : "Il faudrait qu’on regarde, il faut analyser tout ça", se rappelle-t-elle. Après la mort de Mathilde Blais, ça a pris une semaine et les changements étaient faits. »

Les poteaux ont été remplacés par une signalisation permettant aux cyclistes d’emprunter le trottoir. À Québec, la modernisation du Code de la sécurité routière a été annoncée.

« L’accident a changé le ministre des Transports. J’ai demandé qu’on ressorte les publicités de la SAAQ [Société de l’assurance automobile du Québec], qu’on analyse les accidents. J’ai lancé un cri du cœur pour davantage de courtoisie, pour qu’on partage la route. »

— Robert Poëti, ministre des Transports 

Du même souffle, le ministre a créé un groupe de discussion sur la sécurité à vélo. Les membres, issus du lobby cycliste, de l’industrie du transport ou des milieux policiers, doivent encore se rencontrer six fois. Un avant-projet de loi doit être déposé au printemps et une commission parlementaire doit avoir lieu à l’automne 2015.

L’effet Mathilde Blais se sent dans les discussions politiques, remarque le maire de l’arrondissement de Rosemont – La Petite-Patrie, François Croteau. « L’accident a changé la perspective de plusieurs personnes à la Ville, qui avaient l’habitude d’opter systématiquement pour le "tel quel" quand des travaux devaient être faits. Maintenant, on a une mentalité du "tant qu’à" : tant qu’à refaire des structures, profitons-en pour bonifier l’aménagement urbain. »

Le responsable du transport au comité exécutif, Aref Salem, sent aussi « davantage d’ouverture » dans les discussions. « Il y a des choses qui bougent. Il y a plus d’acceptabilité », se réjouit-il. En août, son administration a annoncé l’installation de barres latérales sur ses véhicules lourds. Elle a exhorté le ministère fédéral des Transports à effectuer des changements législatifs afin que cette mesure devienne obligatoire. Sa demande est restée lettre morte.

DE LORIMIER, LE PLUS RAPIDE

C’est sous le tunnel de l’avenue De Lorimier que les voitures roulent le plus vite, selon les observations de La Presse. La vitesse maximale enregistrée par notre radar y a atteint les 71,7 km/h. À l’inverse, le tunnel du boulevard Saint-Joseph, à l’intersection D’Iberville, est le moins rapide : la vitesse maximale enregistrée a été de 56,3 km/h. La lumière placée au centre du viaduc est-elle la solution pour ralentir les automobilistes ? Pas nécessairement, répond François Croteau. « Il faut d’abord installer des aménagements plus sécuritaires pour les cyclistes. Puis, il faut réduire la vitesse », croit-il.

Quant à l’utilisation du trottoir sous les tunnels, elle ne semble pas encore ancrée dans les habitudes des cyclistes. Sur la rue Saint-Denis, en une heure, on a vu autant de cyclistes utiliser le trottoir que la rue. À l’intersection Saint-Joseph et D’Iberville, la rue gagnait la faveur des amateurs de vélo.

« Le trottoir, ça m’inquiète pour les piétons », a ainsi déclaré Simon Lebel Desrosiers, qui préfère utiliser la rue. Comme lui, les cyclistes du carrefour Saint-Joseph et D’Iberville ont évoqué « l’habitude de prendre la rue ». Sylvie Ledoux, elle, trouve que cette option est plus « fonctionnelle ». « Je prends le centre de la voie pour contraindre les voitures à utiliser la voie de gauche. Mathilde Blais, j’y pense tout le temps », ajoute-t-elle en précisant qu’à son avis, les automobilistes « se sont améliorés » depuis l’accident.

Les chiffres tendent jusqu’ici à lui donner raison. Des chiffres dévoilés par le SPVM le 31 juillet ont laissé entendre que l’été 2014 n’a pas été plus dramatique que le précédent. Un décès (celui de Mathilde Blais) et six blessés graves avaient alors été recensés, en comparaison avec trois décès et 45 blessés graves l’année précédente, à pareille date.

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