Gilbert Delorme

Sauver un enfant à la fois

L’ancien défenseur du Tricolore et sa conjointe Diane sont famille d’accueil pour la DPJ

Il suffit d’une conversation avec Gilbert Delorme… même pas une conversation, en fait, juste le saluer au passage. C’est le temps que ça prend pour comprendre à quel point Gilbert Delorme est une bonne personne.

Et pas seulement Gilbert, sa conjointe Diane aussi. La définition même de l’expression « du bon monde », c’est eux.

Diane travaillait avec la sœur de Gilbert au magasin La Baie de Saint-Bruno. Gilbert Delorme était alors jeune défenseur pour le Canadien de Montréal. Un beau jour, il est allé dîner avec sa sœur, et de fil en aiguille, ça fait 35 ans qu’il est avec Diane. Elle a suivi Gilbert partout, durant toute sa carrière, dans des villes obscures comme Kalamazoo ou Muskegon. Ils ont eu trois enfants ensemble.

Diane a parlé pour la première fois à Gilbert de devenir famille d’accueil d’urgence en 1995, mais ce n’était pas le bon moment. Les projets s’accumulaient. Or, l’idée n’est jamais partie, elle est même devenue très concrète. Delorme l’explique le plus simplement du monde : c’était le projet de sa conjointe, mais il l’a toujours secondée. C’était à son tour de suivre. Ils aiment les enfants, ils aiment aider, c’était presque logique.

Si bien que le couple a accueilli son troisième enfant l’hiver dernier. Un jeune « magané », un autre.

« On a eu un petit garçon avant les Fêtes, il avait trois ans et demi, raconte Delorme, fort émotif. Il avait été maltraité. Je suis un homme, j’ai une voix grave, ça lui a pris un moment avant de me faire confiance. Il avait été maltraité par un homme. Ça a pris un bon 10 jours avant qu’il me fasse confiance. Je jouais avec lui. Il aimait les autos, et moi aussi, donc je l’emmenais voir des autos, des tracteurs. On l’a gardé deux mois en urgence et il est devenu mon grand chum. Quand j’arrivais à la maison, il m’appelait. »

« J’en parle et ça me donne le motton. Un bon petit gars. Heureusement, il a été replacé dans une bonne famille, ils vont le garder tout le temps. Dans le fond, c’est ton but. »

— Gilbert Delorme

Ce petit garçon vivait dans une voiture avec sa mère quand la DPJ l’a amené chez les Delorme. La fillette d’avant est arrivée il y a quelques années, quand elle avait 14 mois. Delorme raconte qu’elle était couverte de ses excréments quand la DPJ l’a sauvée. Elle avait été nourrie au Pepsi et au lait au chocolat, il fallait d’abord la sevrer. Elle faisait des crises chaque jour. Les Delorme la promenaient en pleine nuit pour la calmer.

Cette petite fille a récemment été adoptée par le fils de Gilbert Delorme, Christopher. De parents d’accueil, Gilbert et Diane sont devenus vrais grands-parents.

Il y a eu leur premier, un petit garçon handicapé, mentalement et physiquement. Il est arrivé à trois ans et demi, il ne marchait pas, ne parlait pas, se tenait à peine assis. Leur mission était de le stimuler, de lui donner de l’amour. Il est resté trois ans chez les Delorme. Il a fait des progrès immenses, il vit désormais dans sa famille permanente. Delorme le voit encore souvent. Il s’en allait d’ailleurs dîner avec lui à l’école tout de suite après l’entrevue.

Pénurie de familles d’accueil

L’ancien défenseur devenu animateur au 91,9 FM veut parler de la DPJ, qui a reçu son lot de critiques après la tragédie survenue avec la mort de la fillette de 7 ans à Granby. Il le dit plusieurs fois : en général, ils font ce qu’ils peuvent. Ils ont eu à gérer 100 000 signalements l’année dernière.

Mais Delorme insiste plutôt sur le rôle primordial des trop rares familles d’accueil. On a d’ailleurs appris au début du mois l’ampleur de la pénurie.

Diane et Gilbert, eux, ont fait des démarches auprès du Centre jeunesse de la Montérégie. Ils ont assisté aux réunions, ils ont montré patte blanche lors des enquêtes approfondies sur eux.

« Contactez le centre jeunesse de votre région, martèle Delorme. Ils vont vous expliquer le processus, les différents types de familles d’accueil, long terme, court terme, adoption, urgence. Au niveau des âges aussi. Il y a beaucoup de besoins. Si vous avez un bon cœur, vous le faites pour les bonnes raisons. Par exemple, un couple incapable d’avoir des enfants. C’est une bonne façon pour eux, peut-être, d’adopter un enfant. Le monde a peur, il a été signalé à la DPJ, il va devenir un bum plus tard. Voyons donc. Ça ne marche pas comme ça. Vous avez la chance de les remettre sur le droit chemin et d’en faire de bons enfants. » 

Pas facile, mais...

Gilbert reconnaît que ce n’est pas un rôle facile. Les enfants arrivent n’importe quand, souvent avec un lourd bagage. Surtout, et c’est le pire à ses yeux, le moment de redonner l’enfant est extrêmement bouleversant. Gilbert devient tout à coup très émotif. Le départ du troisième enfant a fait mal, on le sent. Il sait qu’il ne le reverra peut-être jamais. Le couple se console en sachant au moins qu’il a fait une différence dans la vie de cet enfant.

Au fond, c’est pour ça qu’il a plongé dans l’aventure, aussi déchirante et exigeante puisse-t-elle être. Pour que des histoires d’enfants maltraités aient, parfois, une fin heureuse.

« C’est gratifiant de penser que tu as peut-être changé leur vie. »

— Gilbert Delorme

« Ces jeunes-là t’apportent plus que ce que tu leur donnes. Ce sont tellement des petits champions. Tu sais par quoi ils sont passés. Tu t’imagines dans leur peau. Ils ne voient plus leur famille. C’est ce qui te fait mal au cœur. Je regarde nos partys de famille. On voit ces enfants-là, ils devraient être avec les leurs. On est leur famille, mais pas leur vraie famille. Tu ne veux pas penser à ça, tu passes par-dessus.

« Il y a sûrement certains parents qui s’en foutent, mais je ne peux pas m’imaginer comme parent comment tu peux te sentir de perdre un enfant. Ça doit être terrible. Mais nous, on les considère comme nos enfants. La petite que mon gars a adoptée, on l’aime autant que nos autres petits-enfants. C’est notre petite-fille. On ne fait pas de différence. »

Pour Gilbert, il n’y a plus de différence. Pour elle, elle est énorme.

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