Chronique

Pas le meilleur scénario pour la LNH

TORONTO — La demi-finale Canada-Russie de demain, avec ses racines qui s’enfoncent dans l’histoire du hockey, sera passionnante pour les amateurs des deux pays. Mais n’en déplaise à la LNH, qui souhaitait obtenir une visibilité extraordinaire avec cette Coupe du monde, le tournoi ne remplira pas toutes ses promesses.

Imaginez : aucun joueur américain ne participera à la ronde des médailles. L’équipe des États-Unis a représenté une immense déception – tiens, tiens, le « message » du subtil John Tortorella n’a manifestement pas passé – et celle des 23 ans et moins, composée à moitié de joueurs du pays de l’Oncle Sam, a raté de peu sa qualification.

Résultat, les cotes d’écoute du réseau américain ESPN s’annoncent minuscules, dimanche, pour l’autre demi-finale opposant la Suède à l’Europe. D’autant que l’affrontement, présenté en après-midi, aura lieu en même temps que plusieurs matchs de la NFL.

Augmenter sa notoriété aux États-Unis demeure un objectif de fond de la LNH. Ce tournoi bizarre, où deux équipes ont été fabriquées de toutes pièces pour s’assurer qu’un nombre maximal de joueurs du circuit y participe, n’ajoutera pas de pierre à cet édifice.

Et s’il fallait que la Russie surprenne le Canada demain – un scénario improbable, mais pas impossible –, l’intérêt chutera dramatiquement à Toronto et partout au Canada. Surtout que les Blue Jays, qui bataillent pour une place dans les séries éliminatoires du baseball majeur, disputeront des matchs déterminants au cours des prochains jours.

« On se concentre sur la qualité de la compétition, pas l’identité des vainqueurs », a dit Gary Bettman, hier, lors d’un point de presse auquel assistait mon collègue Guillaume Lefrançois. « Et la compétition est extraordinaire. »

Vraiment, monsieur le commissaire ? On a certainement vu quelques bons duels jusqu’à maintenant. Mais la qualité demeure inégale. Le match d’hier après-midi entre la Russie et la Finlande ne passera pas à l’histoire. L’ambiance dans l’Air Canada Centre rappelait celle d’une rencontre présaison. Et celui du soir entre les États-Unis et la République tchèque était sans enjeu, les deux formations étant déjà éliminées. Difficile d’imaginer plus mauvais scénario pour l’ultime affrontement de première ronde.

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Mon équipe coup de cœur du tournoi ? Désolé, il ne s’agit pas des 23 ans et moins, même si leur talent et leur vitesse ont apporté beaucoup d’énergie. Mon vote va plutôt à Équipe Europe, qui regroupe des joueurs originaires de huit pays du Vieux Continent.

Ces gars-là, considérés comme les laissés-pour-compte du tournoi, ont accompli un exploit en atteignant la ronde des médailles. On les disait trop lents pour rivaliser avec les autres équipes. On doutait de la capacité de ce groupe disparate à former un ensemble cohérent et, surtout, motivé.

Mais l’entraîneur Ralph Krueger, l’ancien coach des Oilers d’Edmonton qui préside aujourd’hui une équipe de soccer (Southampton), en Angleterre, est un homme avec du coffre. « Notre équipe n’a pas de passé ni d’avenir », a-t-il lancé en souriant hier, ajoutant qu’heureusement, les athlètes connaissaient du succès quand ils étaient dans le « maintenant ».

Équipe Europe a bousillé les plans des Américains en les battant dans le premier match du tournoi. Le DG Dean Lombardi, qui occupe le même poste avec les Kings de Los Angeles, l’a avoué devant mon collègue Marc Antoine Godin et plusieurs autres journalistes.

Obnubilé par son désir de mater Équipe Canada, Team USA a mis la pédale au fond dès le premier match préparatoire entre les deux équipes. Le niveau d’intensité a été étonnant pour une rencontre de ce type. 

Les Américains voulaient envoyer un message aux Canadiens : vous avez peut-être plus de talent que nous, mais on a du cœur à revendre. Au bout du compte, la stratégie n’a pas fonctionné.

« Nous avons eu les yeux braqués sur le Canada depuis le premier jour, a expliqué Lombardi. Parce que pour remporter le tournoi, il fallait battre le Canada. Mais en attendant, nous avons oublié de vraiment considérer l’Europe. Or, c’est une très bonne équipe. Je devrais le savoir : un de leurs meilleurs joueurs joue pour moi [Anze Kopitar]. À l’interne, nous aurions dû faire un meilleur travail mentalement pour nous assurer qu’avant de gagner la guerre, on gagne la bataille contre l’Europe. »

Les surprises font partie du sport. Mais la LNH est aussi victime de sa stratégie. La sélection américaine aurait été plus solide si elle avait pu aligner quelques-uns des jeunes Américains de 23 ans et moins (Seth Jones, Johnny Gaudreau et, oui, Auston Matthews).

John Tortorella, l’entraîneur de Team USA, l’a reconnu hier. « Ç’aurait été bien de les avoir à notre disposition, mais ce n’est pas de cette façon que le tournoi a été conçu », a-t-il dit.

On le constate aujourd’hui : seul le Canada compte un assez grand nombre d’excellents joueurs pour se passer d’une vedette comme Connor McDavid sans en subir les contrecoups.

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Quel est l’avenir de la Coupe du monde ? « On va d’abord finir celle-ci et on regardera ensuite à tête reposée, avec l’Association des joueurs, ce qui a fonctionné et ce qui n’a pas fonctionné, a dit Gary Bettman. Mais en ramenant cet évènement, on souhaitait que ce soit le plus gros possible, et je crois qu’on a réussi. »

La LNH a bien des défauts. Mais dans l’espoir d’étendre son rayonnement, elle ne craint pas d’innover. Ce côté « laboratoire » est particulier dans le sport professionnel majeur.

Le beau souvenir de 1986

Vous avez la nostalgie de l’époque où le Canadien était une équipe championne ? Alors plongez-vous dans le livre de mon collègue Richard Labbé, L’équipe qui ne devait pas gagner, qui raconte l’étonnante conquête de la Coupe Stanley par les Glorieux de 1986.

Avec l’amour du hockey qu’on lui connaît, Richard nous propose un bouquin qui se dévore d’un trait. J’ai souvent souri en lisant les nombreuses anecdotes qui donnent du relief au récit. Et j’ai eu un plaisir fou à me retremper dans cette saison unique, que j’ai couverte pour Le Soleil.

Richard a interviewé plusieurs acteurs de cette improbable saison, en commençant par l’entraîneur Jean Perron. Il a aussi parlé avec Bob Gainey, Brian Skrudland, Guy Carbonneau, Craig Ludwig, Gaston Gingras, Patrick Roy, Claude Lemieux, Chris Nilan, Ryan Walter… En lisant leurs souvenirs, j’ai eu l’impression de les retrouver devant moi 30 années plus tard. Ils ont vieilli, certains se sont assagis, mais leur personnalité demeure la même. Ces gars-là formaient un groupe unique.

C’est Lemieux, alors un joueur recrue, qui a marqué les buts les plus importants du CH ce printemps-là. Avec Patrick Roy, il a été le héros de cette formidable odyssée. Homme à la fois attachant et controversé, Lemieux avait le sens du spectacle sur la patinoire. Et il est vite devenu très habile à remplir le calepin de notes d’un journaliste. « Pepe » avait des histoires sensationnelles à raconter après ses exploits.

Lemieux se morfondait chez les Canadiens de Sherbrooke, de la Ligue américaine, lorsque le Canadien l’a rappelé peu avant la fin du calendrier régulier, en raison d’une blessure de Mario Tremblay.

Voici comment Richard, avec son côté mordant, raconte l’évènement : « Le lendemain matin, très tôt, le téléphone sonne enfin chez le jeune Lemieux. C‘est un coup de fil qui vient “d’en haut” (pas du Ciel, mais bien de la direction du Canadien, quoique certains diront que c’est un peu la même chose). »

Publié aux Éditions de l’Homme, le livre de Richard raconte un bel épisode de l’histoire du Canadien. Et il redonnera confiance aux fans de l’équipe en ce début de camp d’entraînement. Les équipes surprises gagnent parfois la Coupe.

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