Le stade de l’avenir, c’est maintenant

La chaleur accablante, voire extrême, n’est plus un frein à l’organisation d’événements sportifs dans des enceintes à ciel ouvert. En s’appuyant sur l’énergie solaire, le Qatar a ainsi conçu une technologie qui permet de refroidir un stade en l’espace de quelques minutes. L’idée, qui s’est matérialisée avec le Khalifa Stadium de Doha, peut-elle inspirer d’autres pays qui seront en proie à une hausse des températures ?

Comment ça marche ?

S’il y a bien une chose dont le Qatar ne manque pas, c’est l’ensoleillement. Les ingénieurs ont donc bâti des centrales d’énergie à proximité de stades utilisés lors du Mondial 2022 et installé de nombreux panneaux solaires. « Le soleil chauffe de l’eau à haute température et la chaleur contenue sert de source d’énergie pour réussir à produire le froid. On parle de cycle à absorption, décortique Louis Gosselin, professeur titulaire en génie mécanique à l’Université Laval. Ce cycle de production ressemble un peu à ce que vous avez dans votre réfrigérateur ou votre congélateur. Par contre, on pourrait dire que le compresseur a été remplacé par d’autres composants qui utilisent cette source de chaleur plutôt que l’électricité pour fonctionner. »

Le froid produit par la machine frigorifique est ensuite stocké dans des matériaux à changement de phase (MCP), par exemple des paraffines ou de l’eau qu’on fait solidifier. « C’est un peu comme un ice pack qu’on placerait au congélateur. Quand il y a un match, on vient chercher le froid dans le MCP, ou, plus rigoureusement, déposer de la chaleur dedans afin de refroidir le stade », poursuit Gosselin. Au terme du processus, l’air frais est transporté à l’aide de tuyaux et envoyé dans le stade au moyen de milliers de bouches de sortie.

Comment s’est déroulé le premier test ?

La technologie de refroidissement a été testée pour la première fois au Khalifa Stadium en mai 2017. S’il faisait 37 °C au coup d’envoi du match, la température a rapidement baissé de 17 °C sur le terrain. La FIFA préconise une température variant entre 20 et 25 °C.

« Le système de refroidissement était un engagement clé de la candidature du Qatar, non seulement pour le bon déroulement du tournoi, mais aussi en tant que legs au pays et à toute la région. En incorporant une technologie de refroidissement, nous nous assurons que nos infrastructures seront utilisables toute l’année. La technologie peut également être utilisée par d’autres pays avec un climat semblable. »

— Le Comité suprême qatari pour l’héritage et les projets

Et s’il n’y a pas de soleil ?

Chaque centrale permet un stockage d’air frais pour plus de cinq heures. Cela permet notamment de tenir le coup en cas de journée nuageuse ou de tempête de sable qui ferait en sorte que les panneaux solaires seraient recouverts.

Est-ce réellement écologique ?

Le Comité suprême pour l’héritage et les projets se targue de vouloir organiser la Coupe du monde la plus écologique de l’histoire. Selon lui, la technique de refroidissement choisie utilise 40 % moins d’énergie que les systèmes traditionnels. « Je pense que c’est effectivement écologique puisqu’ils remplacent l’utilisation de l’électricité par l’utilisation de l’énergie solaire. Ça peut être bénéfique car cette énergie est abondante, confirme Louis Gosselin. Au Québec, la réalité est différente parce qu’il n’y a pas autant de rayonnement solaire et que c’est difficile à rentabiliser. En plus, l’électricité est tellement peu chère. »

Quand cette technologie sera-t-elle utilisée lors d’une compétition d’envergure ?

En attendant la Coupe du monde de soccer dans quatre ans, le Khalifa Stadium accueillera un autre événement majeur à l’automne 2019 : les Championnats du monde d’athlétisme. Pour ne pas nuire à certaines compétitions, dont le concours du javelot, le système de refroidissement sera éteint. Selon les concepteurs, la température, une fois abaissée, peut rester au même niveau durant plusieurs heures. La forme du toit a notamment été étudiée pour conserver l’air frais et ce microclimat artificiel.

Verra-t-on la technologie de refroidissement lors du Mondial 2022 ?

Peut-être, mais rien n’est moins sûr depuis que la Coupe du monde a été déplacée du 21 novembre au 18 décembre. Par exemple, il faisait 28 °C le 21 novembre 2017 et 24 °C le 18 décembre. Le thermomètre n’est monté qu’une seule fois au-dessus des 30 °C durant cette période. En guise de comparaison, certains matchs du Mondial 1994 aux États-Unis ont été disputés alors qu’il faisait 35 °C.

L’énergie solaire est-elle utilisée ailleurs ?

Cette transformation en air frais est unique, mais plusieurs stades dans le monde ont recours à l’énergie solaire pour alimenter une partie de leurs besoins. C’est notamment le cas du Levi’s Stadium (49ers de San Francisco), du Chase Field (Diamondbacks de l’Arizona) ou du Safeco Field (Mariners de Seattle), aux États-Unis. La palme revient au Real Salt Lake, dont les 6500 panneaux lui permettent de combler 73 % de ses besoins annuels en électricité.

Un gilet rafraîchissant pour les ouvriers

Les conditions de travail difficiles des ouvriers chargés de bâtir les stades ont fait couler beaucoup d’encre depuis l’attribution du Mondial au Qatar. Pour tenter d’atténuer les effets de la chaleur, le Comité suprême pour l’héritage et les projets a remis des gilets rafraîchissants à des milliers de travailleurs. Durant plusieurs heures, ils permettent de réduire la chaleur corporelle d’une quinzaine de degrés.

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