Radio-Canada le répétait depuis des années : son siège social montréalais, bourré d’amiante et mal entretenu, ne convenait plus à ses besoins. Après plusieurs tentatives infructueuses, la société d’État a lancé deux appels d’offres l’an dernier : l’un pour trouver de nouveaux locaux, l’autre pour dénicher un acheteur pour ses propriétés. Le promoteur Broccolini a été retenu pour construire la nouvelle Maison de Radio-Canada, à l’angle de l’avenue Papineau et du boulevard René-Lévesque, sur une parcelle des terrains de stationnement actuels. Radio-Canada y deviendra locataire pendant au moins 30 ans. Le Groupe Mach, de Vincent Chiara, a quant à lui acheté la tour brune et le reste des terrains de stationnement pour y bâtir un énorme projet immobilier mixte.

Les deux transactions, dont les montants n’ont pas été dévoilés, devront être approuvées par le Conseil du Trésor. La réponse d’Ottawa devrait arriver en mai prochain, a dit hier Hubert T. Lacroix, président et chef de la direction de CBC/Radio-Canada, en conférence de presse. Il affirme que l’exercice sera réalisé « à coût nul pour les contribuables ». Les travaux de construction pourraient commencer dès le mois d’août, en vue d’une inauguration le 1er janvier 2020. Les images du nouveau siège social présentées hier par l’architecte Olivier Legault montrent un immeuble vitré, quasi translucide, qui sera doté de plusieurs espaces ouverts au public. La portion la plus haute du complexe comptera huit étages.

En vertu d’un accord de développement conclu en 2009 avec la Ville de Montréal – et qui demeure toujours valide –, la trame urbaine de l’ancien « Faubourg à m’lasse » sera partiellement retissée. La rue Alexandre-DeSève, par exemple, sera prolongée au sud du boulevard René-Lévesque, jusqu’à Viger. C’est sur cette rue que se trouvera l’entrée du stationnement intérieur de la future Maison de Radio-Canada, qui comptera cinq fois moins de cases qu’aujourd’hui. Quelque 250 véhicules – et 200 vélos – pourront s’y garer, alors qu’on trouve aujourd’hui 1215 places extérieures de part et d’autre de la tour brune. Notons que le promoteur Vincent Chiara aménagera en parallèle des stationnements souterrains pour son projet.

Le président du Groupe Mach a confirmé hier qu’il souhaitait intégrer la tour actuelle dans son projet immobilier. « Ça va être un peu le cœur de notre projet. » L’intérieur de la tour, contaminé par l’amiante, sera complètement démoli. L’entreprise souhaite ensuite conserver un look dépouillé, avec des plafonds et planchers de béton, histoire d’attirer des entreprises technos « comme Google ». Et que fera le Groupe Mach de l’enveloppe extérieure marron du gratte-ciel ? « On comprend que les gens ont une relation amour-haine avec cet immeuble, a dit Vincent Chiara. On est en train d’évaluer si on la garde. Personnellement, je la trouve intéressante. »

Le Groupe Mach entrevoit un développement étalé sur 15 à 20 ans pour le volet commercial et résidentiel de son projet. Au total, l’entreprise compte bâtir entre 3 et 3,5 millions de pieds carrés de bureaux, commerces et habitations. Entre 2000 et 4000 résidences seront aménagées dans des édifices de 6 à 15 étages, avance Vincent Chiara. Le coût de construction oscillera entre 200 $ et 300 $ le pied carré, ce qui pourrait porter la valeur du projet à environ 1 milliard. La plupart des bâtiments adjacents à la tour brune seront démolis, et des stationnements souterrains – jusqu’à 3000 places – seront construits dans les sous-sols actuels. Par ailleurs, la rue De La Gauchetière sera prolongée et traversera le site dans l’axe est-ouest ; idem avec la rue Beaudry dans l’axe nord-sud.

Le grand patron de Radio-Canada a dû répondre à plusieurs questions sur la commission de 4,5 millions de dollars qui sera versée au courtier Avison Young. Le Journal de Montréal rapportait cette semaine qu’un courtier proche du Parti conservateur, Laurent Bennarous, empocherait l’une des plus grosses commissions de l’histoire du Québec dans le cadre de cette transaction. M. Lacroix a nié toute ingérence politique dans le processus de sélection « très public » d’Avison Young. « On a négocié la commission avec un plafond, et on s’est assuré que ce montant-là reflétait le marché. On a demandé à un expert de valider nos informations financières, ce qui a été fait. »