Liens avec Marc Bibeau

Le premier ministre défend son chef de cabinet

QUÉBEC — Philippe Couillard s’est porté à la défense de son chef de cabinet Jean-Louis Dufresne, qui a admis hier avoir eu des liens d’affaires avec Marc Bibeau, ancien collecteur de fonds du Parti libéral du Québec (PLQ) qui se trouve au cœur d’une enquête de l’Unité permanente anticorruption (UPAC).

Le premier ministre a estimé que M. Dufresne a simplement fait son travail lorsque son entreprise, BCP Consultants, a exécuté un mandat de communication pour le compte de la société Beauward, qui appartient à M. Bibeau.

« Il faisait son métier, a indiqué le premier ministre. […] C’est un peu curieux de reprocher à quelqu’un de faire son métier. »

Dans un communiqué diffusé hier après-midi, M. Dufresne a révélé pour la première fois l’existence du mandat, accordé en 2010, qui liait l’entreprise dont il était le vice-président à celle de M. Bibeau. Il a assuré que ses contacts avec l’homme d’affaires étaient strictement professionnels.

« Je n’ai eu avec M. Bibeau que des liens professionnels relatifs à la réalisation du mandat confié à BCP Consultants. Depuis mon départ de BCP Consultants, je n’ai eu aucun contact avec M. Bibeau. »

— Extrait de la déclaration de Jean-Louis Dufresne

Ce communiqué, diffusé « par souci de transparence » par le gouvernement, a été publié quelques heures avant la diffusion d’un reportage de TVA qui faisait état d’une série de courriels impliquant M. Dufresne, M. Bibeau, le frère de celui-ci et Violette Trépanier, une employée politique qui était responsable du financement du PLQ sous Jean Charest.

On y apprend qu’à l’automne 2011, M. Dufresne a envoyé à M. Bibeau la transcription d’un échange à l’Assemblée nationale entre le député péquiste François Rebello et le libéral Pierre Moreau, qui était alors ministre des Transports. Le débat portait sur un contrat accordé à la société Shockbéton, propriété de M. Bibeau, dans le cadre de la réfection du pont Honoré-Mercier.

Peu après, M. Bibeau et son frère ont contacté Mme Trépanier pour qu’elle fournisse des informations à l’attaché de presse de M. Charest.

M. Moreau a tenu un point de presse en fin d’après-midi, ce jour-là, pour répliquer une deuxième fois à la sortie de M. Rebello.

Selon M. Couillard, il n’y a rien de répréhensible dans le comportement de M. Dufresne. Sa firme a fait précisément ce pour quoi elle avait été embauchée, a-t-il résumé.

« Ces firmes, il en existe actuellement beaucoup, a dit M. Couillard. Qu’est-ce qu’elles font ? Elles donnent des conseils de communication, elles rédigent des documents de communication, elles font des veilles médiatiques. C’est une profession tout à fait honorable. »

L’opposition indignée

Le chef du Parti québécois Jean-François Lisée est d’un tout autre avis. Selon lui, les « digues » que M. Couillard tente d’ériger entre son gouvernement et celui de M. Charest « s’effondrent une à une ».

« On voit que Jean-Louis Dufresne était un maillon que tous les autres membres de la chaîne connaissaient, en lequel ils avaient confiance, a-t-il dit. Il était dans le cercle intime d’une opération, sans doute constante, de protection des intérêts de M. Bibeau et de M. Charest. »

Le chef de la Coalition avenir Québec François Legault s’est dit « renversé » par l’influence que semblait exercer M. Bibeau sur le gouvernement Charest.

« On voit que le gouvernement de Jean Charest était comme la marionnette de Marc Bibeau, a-t-il dénoncé. On passait par Jean-Louis Dufresne et Violette Trépanier pour même mettre des mots dans la bouche de certains ministres comme Pierre Moreau. »

Marc Bibeau est au cœur de l’enquête Mâchurer, menée par l’UPAC pour faire la lumière sur le financement politique du PLQ. L’ancien premier ministre Jean Charest est également dans la ligne de mire des policiers, tout comme Violette Trépanier.

Un reportage « fallacieux », dénonce Moreau

Le reportage de l’équipe d’enquête de Québecor est « incorrect, fallacieux, et […] ne tient pas compte de la réalité des faits et de la chronologie », a dénoncé Pierre Moreau, hier soir. M. Moreau a formellement nié que Violette Trépanier l’ait influencé en 2011 après un débat avec le député François Rebello au sujet d’un contrat de Shockbéton. Il dit avoir été informé sur-le-champ par son ministère que le contrat en question touchait la portion fédérale du pont Mercier, et non celle gérée par le ministère québécois des Transports. Il a tenu un point de presse afin de répondre pour la deuxième fois aux allégations de M. Rebello. C’est seulement après cette sortie que le courriel de Mme Trépanier dont fait état le reportage est arrivé au bureau du ministre. M. Moreau dit avoir transmis cette information à deux journalistes de Québecor, mais qu’elle ne s’est pas retrouvée dans le reportage.

Couillard n’a pas discuté de financement avec Bibeau

Philippe Couillard a indiqué hier ne pas avoir échangé sur le financement politique avec Marc Bibeau lorsqu’il était ministre de la Santé sous Jean Charest. « Comme tout le monde qui était au gouvernement à l’époque, je connaissais M. Bibeau, a expliqué M. Couillard. Mais je n’ai pas eu d’interaction personnelle avec lui sur le financement. La personne qui avait des interactions avec les députés, en ce qui nous concerne, c’était Mme [Violette] Trépanier. » M. Charest avait fixé un objectif de financement de 100 000 $ à ses ministres. M. Bibeau était collecteur de fonds pour le Parti libéral à l’époque.

La CAQ veut l’intervention de la VG

La Coalition avenir Québec (CAQ) a pressé le gouvernement Couillard de confier un mandat spécial à la vérificatrice générale pour qu’elle se penche sur les baux conclus entre des organismes publics et l’entreprise qui appartient à Marc Bibeau. Le parti avait déjà formulé cette demande, mais il a redoublé d’insistance après que Le Journal de Montréal eut recensé une quarantaine de contrats de location liant la Société immobilière du Québec aux entreprises de M. Bibeau. Le premier ministre Philippe Couillard a rétorqué que la vérificatrice générale a déjà la possibilité d’enquêter sur ces baux.

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