Opinion : santé publique

La légalisation du cannabis améliorera notre santé collective

Dans un récent article de La Presse, on présentait un sondage mené auprès des médecins spécialistes du Québec où « 84 % d’entre eux croient que la légalisation pourrait devenir un problème de santé publique ». Il est normal, a priori, de craindre la légalisation du cannabis d’un point de vue santé. Bien sûr, elle poserait certains risques non négligeables, comme celui de précipiter des psychoses et d’accentuer des problèmes respiratoires chez certains individus.

Et si, comme médecin spécialiste en santé publique, je vous disais que la légalisation du cannabis est aussi une action pouvant être bénéfique dans une approche de réduction des méfaits minimisant les risques à la santé, verriez-vous les choses autrement ?

Je tiens donc à rappeler que la réalité actuelle au Canada est la suivante : le cannabis est facilement accessible et les Canadiens sont proportionnellement parmi les plus grands consommateurs de cannabis au monde, ce qui inclut particulièrement nos jeunes. D’un point de vue individuel, les consommateurs sont stigmatisés, entrent en contact avec le crime organisé pour acheter leur cannabis et, en cas de problème de santé relié à leur consommation, consultent tardivement de peur d’être jugés, voire incarcérés. D’un point de vue populationnel, nous sommes démunis vu la difficulté à réaliser des recherches sur les effets à la santé d’un produit illégal, à financer nos activités de prévention et à restreindre l’accès au cannabis, particulièrement pour nos jeunes.

Dans ce contexte-ci, la crainte des effets pervers de la légalisation justifie-t-elle le statu quo de la prohibition ? À mon avis et selon les données scientifiques, il est souhaitable d’agir.

Les recherches sur le cannabis et les expériences ailleurs dans le monde nous apprennent que la légalisation peut améliorer la santé de la population.

Les bénéfices à la santé d’une légalisation bien réfléchie incluent entre autres : la déstigmatisation des usagers, la déjudiciarisation, le dépistage et l’aide aux usagers ayant une consommation problématique, l’encadrement et le financement des messages d’éducation et de prévention, l’amélioration de la sécurité des produits et paradoxalement une réduction de l’accès au produit.

Ainsi, d’une perspective de santé publique, la légalisation du cannabis améliorera notre santé collective. Rien de moins !

Effets secondaires

Mais chaque prescription comporte son lot d’effets secondaires et une posologie à suivre.

Il y a effectivement certains risques à ce changement législatif, car il n’est pas question de créer un bar ouvert où le cannabis est trop accessible et banalisé. Des conditions essentielles doivent donc être respectées pour minimiser les risques à la santé : un encadrement complet de la production à la distribution en passant par la publicité en légalisant dans un objectif de santé et non de profit.

Ainsi, il faut instaurer un âge minimal d’accès, des interdictions de promotion et des limitations quant aux lieux de consommation au même titre que pour les produits du tabac. Il faut également limiter la conduite avec des facultés affaiblies ainsi que réinvestir les revenus de taxes en prévention et en recherche sur les effets sur la santé. Ces conditions gagnantes sont d’ailleurs bien détaillées dans les mémoires déposés par l’Institut national de santé publique du Québec et celui des directeurs de santé publique.

La légalisation du cannabis fait partie du champ d’expertise de ma spécialité médicale, celle de santé publique et médecine préventive et ce n’est pas à la légère que je la recommande. D’un point de vue de spécialité médicale, le patient d’un médecin de santé publique est la population dans son ensemble.

Mon diagnostic : il y a des méfaits associés à la prohibition actuelle du cannabis.

Mon traitement : une politique publique axée sur un encadrement strict et comprenant les éléments mentionnés précédemment minimisant ainsi les risques à la santé liés au cannabis.

* Au nom de Jeunes médecins pour la santé publique (JMPSP)

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