INDUSTRIE DU TOURISME AU QUÉBEC

Rendre le Québec plus attrayant pour les touristes

Dans le monde du voyage, deux tendances opposées se dessinent actuellement, explique le professeur Michel Archambault, de l’École des sciences de la gestion de l’Université du Québec à Montréal : le tourisme urbain et le tourisme de nature. Les voyageurs profitent de leurs vacances pour faire le plein d’air frais, de la randonnée, du vélo…

Parfait pour le Québec, qui offre les deux ? 

Pourtant, non : la province, comme le Canada, peine à attirer les touristes. Depuis 2000, le Canada a perdu 3 millions de visiteurs et est passé de la 8e à la 17e position au classement des destinations mondiales, d’après l’Association de l’industrie touristique du Canada. 

Les Américains viennent moins : une baisse très importante de 22 % au Québec entre 2000 et 2014. 

Devant ces défis énormes, la ministre du Tourisme du Québec dévoilera le mois prochain son plan de relance pour, notamment, convaincre les voyageurs étrangers de prendre leurs vacances ici. 

Ça ne sera pas facile, car en matière de tourisme international, la donne a changé. Le Québec doit désormais faire face à une féroce compétition, celle de destinations nouvelles et intéressantes, qui ont investi dans leur image.

« On est en train de se faire damer le pion par certains pays, et il faut réagir. »

— Marc-Vincent Bobée, directeur général du groupe Le Massif 

Les pays émergents qui investissent dans leur marketing touristique ont de nombreux atouts pour attirer les voyageurs. Parmi ces destinations qui font le plein de touristes : la Turquie, la Croatie, le Monténégro et même la Laponie, cite M. Bobée, lui-même surpris de se trouver face à ce nouveau compétiteur de tourisme de neige. Ces pays deviennent des destinations intéressantes pour les Européens, qui peuvent s’y rendre aisément. Et pour bien moins cher. 

ATTIRER LES GENS D’AILLEURS 

La croissance du tourisme au Québec passera par les voyageurs de la classe moyenne qui viennent des pays émergents, affirme le professeur Michel Archambault. « Il est plus que temps de mettre en œuvre des stratégies pour se positionner sur ces marchés-là », indique-t-il. 

Entre 2000 et 2014, les trois plus importantes hausses d’entrées de touristes étrangers au Québec viennent des Brésiliens, des Chinois et des Indiens. Il est donc minuit moins une pour lancer des campagnes de séduction afin d’attirer ces précieux voyageurs, mais il n’est peut-être pas trop tard. « Ces nouveaux touristes vont d’abord visiter des villes comme Paris ou New York », note François Lacoursière, associé principal de l’agence Sid Lee, qui a réalisé plusieurs mandats en tourisme, notamment pour Tourisme Montréal. Une fois qu’ils ont visité la destination dont ils ont toujours rêvé, ces néo-voyageurs vont vouloir aller ailleurs, croit François Lacoursière. « Montréal peut être dans leur deuxième cycle de voyage, dit-il. Et il faut être prêt. » 

LES VOLS DIRECTS 

Bon nombre d’acteurs de l’industrie touristique croient que l’offre de vols directs à partir, et à destination, de Montréal doit être bonifiée. Pour avoir plus de monde, il faut une porte d’entrée. Air China devrait commencer ses vols Montréal-Pékin au mois de septembre, indique le PDG de Tourisme Montréal, Yves Lalumière, qui espère de nouvelles liaisons vers la Pologne et l’Islande en 2016. 

« Cette connectivité est essentielle pour Montréal, dit-il. Tout passe par l’aéroport. » Air Transat a ajouté Prague à ses destinations en vol direct l’année dernière et Budapest cette année.

Le trajet aérien est déterminant dans le choix d’une destination, ajoute Yves Lalumière. Si vous devez faire deux escales et 20 heures de route, vous allez y penser deux fois avant d’acheter le billet. 

D’autant plus qu’au Canada, les déplacements coûtent cher. Surtout pour des touristes habitués de voyager sur les ailes de compagnies au rabais. « Le marché du low cost est dominant aux États-Unis », rappelle Michel Archambault. Les vols au rabais sont aussi très populaires en Europe et en Asie. Le professeur Archambault est formel : tant qu’il n’y aura pas de véritable compagnie aérienne au rabais ici, le Canada va être désavantagé pour des touristes qui veulent voyager à bon prix.

PRIX D’UN BILLET ALLER-RETOUR, SANS ESCALE*

Montréal – Cap-aux-Meules (Air Canada) 544 $

Québec – Sept-Îles (Provincial Airlines) 614 $

New York – San Francisco (United) 564 $

Paris – Rome (Ryanair) 97 $

Hong Kong – Phuket (Air Asia) 316 $

*Prix repérés en ligne le 11 mai, donnés à titre indicatif. Départ le 7 juillet, retour le 8.

ATTIRER LES GENS D’ICI 

Si les voyageurs étrangers sont essentiels à la croissance du tourisme au Québec, les touristes locaux, beaucoup plus nombreux, sont vitaux. En plus de fidéliser ceux qui aiment voyager au Québec, il est grand temps de courtiser une nouvelle clientèle, les immigrants de première génération, croit Laurent Bourdeau, professeur à l’Université Laval. Le défi, dit ce spécialiste du tourisme durable, est d’abord de les rejoindre, et ensuite de les faire sortir de la ville pour leur faire découvrir les régions du Québec. Il faut aussi convaincre les Québécois d’être touristes chez eux, dit Laurent Bourdeau. 

« Personnellement, je marche dans les rues de Québec comme si je me trouvais à Paris ou à Londres. Ça me permet de découvrir de nouveaux endroits. »

— Laurent Bourdeau, professeur à l’Université Laval

Idéalement, les touristes locaux, moins enclins à tomber dans des attrape-touristes, afficheraient leurs trouvailles sur leurs pages Facebook et autres comptes Instagram. 

LE SUD 

Un autre marché vient faire de l’ombre aux vacances au Québec : les destinations soleil. Autrefois réservés à la semaine de congé en hiver, les tout-inclus réussissent maintenant à attirer des touristes à l’année. Au Québec comme aux États-Unis, où le Sud est à deux heures de vol, parfois moins. Le nombre d’Américains qui prennent leurs vacances au Mexique est en hausse, et Cuba sera une destination très attirante dans les prochaines années. Autant de voyageurs qui prennent le chemin du Sud plutôt que celui du Nord pour leurs vacances annuelles.

Les tout-inclus plaisent aussi aux Québécois, qui les visitent maintenant toutes les saisons. « Les gens pensent que notre principal compétiteur, c’est les Laurentides, dit Alain Larouche, PDG de Tourisme Cantons-de-l’Est. Notre principal compétiteur, c’est le Sud ! »

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