Autre jour, même résultat – on ne connaît toujours pas l’issue de la course marathon à la présidence. Et si le démocrate Joe Biden mène dans quatre États dont les votes lui permettraient de ravir les clés de la Maison-Blanche, Donald Trump continue de crier à la fraude électorale.
On aurait pu croire, vendredi après-midi, quand l’équipe du démocrate a signalé que le candidat s’adresserait à la nation, qu’il revendiquerait la victoire, alors que les astres s’alignent en sa faveur, mais non. Les résultats toujours aussi serrés dans une poignée d’États ne le lui permettaient pas d’aller jusque-là, vraisemblablement.
Ainsi, depuis le Chase Center, dans son fief de Wilmington, au Delaware, Joe Biden s’en est tenu au même message d’unité et au même appel à la patience qu’il communique depuis mercredi. Il a aussi réitéré toute la confiance de son équipe en une victoire. « Les chiffres sont clairs, nous allons gagner cette élection », a-t-il lancé au côté de sa colistière Kamala Harris, peu avant 23 h.
Il en veut pour preuve sa progression dans les votes qui ont été dépouillés dans les États contestés. « Nous serons les premiers démocrates à gagner en Arizona en 24 ans. Nous serons les premiers démocrates à gagner en Géorgie en 28 ans. Et nous allons reconstruire le “mur bleu” au milieu du pays qui s’est écroulé il y a quatre ans », a-t-il avancé, prédisant qu’il récolterait plus de 300 votes au collège électoral.
« Le but de notre politique, du travail de la nation, n’est pas d’attiser les flammes des conflits, mais de résoudre les problèmes, de garantir la justice, de donner à chacun une chance équitable et d’améliorer la vie de notre peuple. »
— Joe Biden, candidat démocrate à la Maison-Blanche
« Nous sommes peut-être des adversaires, mais nous ne sommes pas des ennemis. Nous sommes des Américains », a déclaré l’ancien vice-président, qui n’a pas mentionné Donald Trump au cours de son intervention.
Après un bon départ le soir de l’élection, mardi, Donald Trump a vu l’aiguille pencher de plus en plus en faveur de son opposant démocrate. Ce dernier, qui espère devenir le quatrième candidat de l’histoire des États-Unis à priver un président d’un second mandat, n’est plus bien loin du chiffre magique des 270 votes du collège électoral requis pour accéder à la présidence des États-Unis.
Les yeux sont rivés depuis mercredi, à l’aube, sur la Pennsylvanie (20 votes au collège électoral), la Géorgie (16 votes), l’Arizona (11 votes) ainsi que le Nevada (6 votes). Au fur et à mesure que le dépouillement se poursuivait dans ces États, le vent tournait en faveur de Joe Biden, en raison du vote postal qui a été beaucoup plus privilégié par les démocrates en contexte de pandémie, et de la force du parti dans les grandes villes américaines.
Au chapitre du vote populaire, qui ne décide pas du vainqueur, le démocrate devançait toujours son rival avec 50,5 % des suffrages (74 383 808 votes) contre 47,7 % (70 200 986 votes), vendredi, vers minuit.
« Les procédures judiciaires ne font que commencer ! »
Le président, ses fils ainsi que les bonzes républicains qui lui sont demeurés fidèles – Ted Cruz, Kevin McCarthy, Newt Gingrich et Lindsey Graham, qui est allé jusqu’à promettre un chèque de 500 000 $ au camp Trump pour financer les contestations judiciaires envisagées dans certains États – ont continué à discréditer le processus électoral, dans une avalanche commune de tweets, vendredi.
Parmi les salves lancées par Donald Trump, cette remise en question des résultats en Géorgie, où Joe Biden jouissait d’une avance de 3911 voix, et où il y aura recomptage : « Où sont les bulletins de vote militaires manquants en Géorgie ? Que leur est-il arrivé ? »
« Joe Biden ne devrait pas revendiquer la présidence de manière illégitime. Je pourrais moi aussi la revendiquer. Les procédures judiciaires ne font que commencer ! »
— Donald Trump sur Twitter, vendredi en soirée
Selon plusieurs experts, les chances que les contestations fassent leur chemin jusqu’en Cour suprême sont plutôt minces, notamment parce que les arguments de l’équipe juridique du président Trump en ce qui a trait aux allégations d’irrégularités dans le dépouillement des bulletins ne tiendraient pas la route.
« Chaos » au 1600, avenue Pennsylvanie
Selon ce que rapportait le réseau CNN, vendredi, le « chaos » règne à la Maison-Blanche, et le magnat de l’immobilier est furieux de ne pas voir plus de républicains aller sur les plateaux de télévision pour plaider sa cause.
Mitt Romney, sénateur de l’Utah et candidat à la présidence pour le Grand Old Party en 2012, est venu gonfler vendredi les rangs des membres de la famille républicaine qui se dissocient de Donald Trump.
« Il a tort de dire que l’élection était truquée, corrompue et volée – cela porte atteinte à la liberté ici et à travers le monde, affaiblit les institutions à la base de la République et attise de façon imprudente des passions destructrices et dangereuses », a-t-il écrit sur Twitter.
Signe que Joe Biden se rapprochait de plus en plus de la victoire, les services secrets, qui sont responsables de la protection des personnalités importantes, ont renforcé vendredi les effectifs autour du démocrate dans son fief du Delaware, a rapporté le Washington Post.
Une course aussi captivante au Sénat
Alors que tous les yeux sont tournés vers la présidence, la course au Sénat demeure très enlevée. Vendredi, le Parti démocrate avait obtenu 46 sièges contre 48 pour le Parti républicain. Deux indépendants complétaient le portrait.
La majorité à la Chambre haute est à 51.
Si chacun des partis décroche 50 sièges, le vote décisif appartiendra au vice-président du parti qui contrôle la Maison-Blanche, donc soit Kamala Harris, soit Mike Pence, les colistiers démocrate et républicain, respectivement.
La composition définitive du Sénat pourrait bien se décider en Géorgie, les deux sièges qui étaient en jeu n’ayant pas encore fait de vainqueur. Pourquoi ? Parce que dans cet État, il faut obtenir 50 % plus 1 voix pour l’emporter. Si aucun candidat ne décroche une majorité simple, un deuxième tour aura lieu cet hiver.
Dans l’un des deux cas, il est acquis qu’il faudra patienter jusqu’au 5 janvier pour savoir qui, du démocrate Raphael Warnock ou de la républicaine Kelly Loeffler, obtiendra son billet pour Washington. Dans l’autre lutte, avec 49,8 % des voix, le sénateur républicain sortant, David Perdue, devançait son adversaire démocrate Jon Ossoff (47,9 %), mais il n’atteint pas le seuil requis.
À la Chambre des représentants, les démocrates sont assurés de garder leur majorité.
Les villes pro-Biden
De Pittsburgh et Philadelphie (Pennsylvanie) à Phoenix (Arizona) en passant par Atlanta (Géorgie), l’électorat a donné des ailes à Joe Biden en lui accordant un appui massif dans les urnes.
À l’inverse, Donald Trump a bénéficié de la prolongation du dépouillement en Arizona. Il a rattrapé son retard sur Joe Biden, ce qui risquerait de faire perdre au démocrate les 11 grands électeurs que l’agence Associated Press et Fox News lui avaient attribués dès la nuit de mardi à mercredi.
Jusqu’à présent, les émeutes et les débordements que l’on redoutait ne se sont pas matérialisés. Il y a certes eu des rassemblements à plusieurs endroits, mais les villes placardées des États-Unis ont été épargnées.
Des partisans de Donald Trump ont cependant fait monter la tension en intimidant des employés électoraux qui s’échinent à dépouiller les bulletins de vote au Michigan et en Arizona, notamment.
Deux hommes armés ont par ailleurs été arrêtés jeudi non loin du Centre des congrès de Philadelphie où les votes sont comptés.
— Avec Louise Leduc, La Presse, l’Agence France-Presse et l’Associated Press