inondations

Après le froid polaire et les chutes de neige abondantes, le Québec subit des inondations en plein mois de janvier. Une occasion de rappeler que de nombreuses municipalités n’ont pas de plan de mesures d’urgence à jour en cas de catastrophe naturelle.

Inondations

Un quartier de Québec sous les eaux

Québec — Maisons inondées, voitures submergées, voire emportées, une soixantaine de personnes évacuées dont une centenaire : le gonflement soudain de la rivière Saint-Charles, dans le quartier Duberger–Les Saules, a provoqué une vaste opération de sauvetage, hier.

Le sinistre s’est produit peu après 13 h, principalement sur les avenues Grandbois et Saint-Léandre. Malgré la vigilance des pompiers et de la Sécurité civile, qui surveillaient l’ensemble des cours d’eau de la région de Québec vendredi et hier, les autorités ont été surprises par la rivière Saint-Charles.

La formation d’un embâcle à la hauteur du pont du boulevard Père-Lelièvre a engendré, en amont, une montée rapide du niveau de la rivière, qui s’est alors infiltrée dans un quartier résidentiel. Tout ça en quelques minutes seulement. Même les premiers répondants sur les lieux sont demeurés coincés. Un camion de pompier et une pelle mécanique ont dû être remorqués hors de l’eau.

Jocelyn Vandal, qui réside à l’intersection de la rue Chevalier et de l’avenue Grandbois, a décrit au Soleil « une vague de trois, quatre pieds » qui a déferlé sous ses yeux. « J’étais en train de déblayer un peu la galerie. J’ai vu l’eau s’en venir du bout de la rue. Ça s’en venait comme une vague. » 

« Quand j’ai vu ça, je me suis dit : “Ça y est, on est faits.” […] Quand il y a deux pis trois pis quatre pieds d’eau, y a rien qu’on peut faire. » — Jocelyn Vandal

Le sous-sol de M. Vandal était complètement inondé au passage du Soleil. Le résidant s’est dit « découragé » par les événements, connaissant déjà la suite des choses : nettoyage, séchage, évaluation des dégâts, réparations et réclamations.

Un autre témoin rencontré par Le Soleil a pour sa part expliqué que son véhicule avait été emporté par la force du courant et des glaces. Stationnée sur l’avenue Saint-Léandre, sa camionnette a été déplacée sur une centaine de mètres avant de s’immobiliser, le bloc moteur complètement sous l’eau.

Bill Noonan, porte-parole du Service de protection contre l’incendie de la Ville de Québec (SPCIQ), a établi le bilan à « une trentaine de résidences évacuées », pour un total d’environ soixante sinistrés. Douze d’entre eux ont été pris en charge par la Croix-Rouge. Un autobus du Réseau de transport de la Capitale a été réquisitionné pour leur permettre de rester au chaud et de recevoir des services. « Des enfants, des adultes et des personnes âgées ont été évacués » sur des canots pneumatiques par les équipes de sauvetage nautique du SPCIQ.

Les habitants de cinq résidences ont refusé de partir. Des policiers du Service de police de la Ville de Québec ont dû accompagner les pompiers sur les canots pour convaincre les récalcitrants de quitter leurs domiciles.

Une centenaire parmi les sinistrés

Seul un transport par ambulance a été nécessaire, soit celui d’une centenaire, a confirmé le SPCIQ. L’état de santé de celle-ci n’inspirait pas aux ambulanciers de crainte particulière. Sa prise en charge a été demandée « par mesure préventive », a dit Bill Noonan. Un homme sous oxygénothérapie, ayant besoin de soutien respiratoire par bonbonne d’oxygène, a aussi été rencontré, mais il n’a pas été transporté dans un centre hospitalier.

Les services de secours étaient toujours à l’œuvre hier soir. En plus de deux pelles mécaniques, un véhicule amphibie a été demandé pour démanteler les trois embâcles observés sur la rivière Saint-Charles, dont celui sous le pont du boulevard Père-Lelièvre. Un hélicoptère a survolé les lieux au préalable afin de permettre à un employé de la Sécurité civile d’évaluer le travail à faire et les risques à venir.

Les travailleurs devaient notamment tenir compte du refroidissement rapide des températures, déjà en cours hier. « On a eu une grosse période de chaleur [et beaucoup de pluie], ce qui fait que les couverts de glace se détachent et créent des embâcles », a expliqué M. Noonan. 

« Maintenant, avec le froid qui s’en vient, on risque de rencontrer du fraisil [formation de cristaux de glace], ce qui fait que les embâcles vont se cimenter. »

— Bill Noonan, porte-parole du SPCIQ

Avant que la Saint-Charles ne déborde, hier, la rivière Montmorency était sortie de son lit dans le secteur de Beauport, vendredi. Les rues de Canteloup et des Trois-Saults ont été touchées. Une trentaine de résidences avaient été évacuées, mais la plupart des personnes touchées ont pu réintégrer leur demeure. Une famille de deux enfants et deux adultes, habitant rue des Trois-Saults, était toujours prise en charge par la Croix-Rouge hier.

Les rivières de la grande région de Québec vont demeurer sous surveillance au moins jusqu’à demain ou mardi.

Évacuations à Bécancour

Dans le Centre-du-Québec, la rivière Bécancour est soudainement sortie de son lit vendredi, ce qui a forcé l’évacuation d’une vingtaine de résidences du secteur Sainte-Gertrude, cernées par l’eau et la glace. L’opération de sauvetage est menée par les pompiers de Bécancour, assistés par des agents de la Sûreté du Québec et de la Sécurité civile.

La rivière des Mille Îles à Terrebonne et la rivière Nicolet demeuraient aussi sous surveillance en raison de leur niveau élevé. À Nicolet, une dizaine de cabanes de pêche sur glace ont d’ailleurs été emportées par les eaux. « Avec l’impact du froid, qui doit arriver [aujourd’hui], on espère que ça va ralentir la situation », a indiqué le porte-parole de la sécurité civile du ministère de la Sécurité publique, Thomas Blanchet.

— Avec La Presse

Sherbrooke

Un pont ferroviaire s’effondre

Une section d’un pont ferroviaire de la région de Sherbrooke s’est effondrée dans les eaux de la rivière Saint-François pendant la nuit de vendredi à hier. Genesee & Wyoming Canada, l’entreprise américaine propriétaire du Chemin de fer Saint-Laurent & Atlantique, a assuré dans un communiqué qu’aucun train n’avait été concerné par l’incident. Une partie du pont a été emportée par la rivière dans le secteur de Brompton en raison du niveau de l’eau qui avait monté rapidement. Seule la voie ferrée a été endommagée ; il n’y a eu aucun déversement ni aucun blessé. Une équipe d’intervention de l’entreprise a évalué hier les dommages et a planifié les travaux qui devront être effectués. En point de presse, la députée provinciale de Richmond, Karine Vallières, a indiqué que le tronçon ferroviaire était une liaison d’une importance « capitale » pour l’Estrie et le Centre-du-Québec. — La Tribune

Inondations

La majorité des municipalités n’a pas de plan d’urgence à jour

Plus des deux tiers des municipalités du Québec n’ont pas de plan de mesures d’urgence à jour, estime le ministère de la Sécurité publique (MSP), qui planche sur un nouveau cadre pour mieux se préparer au pire dans la foulée des inondations du printemps dernier.

Adoptée en 2001, la Loi sur la sécurité publique oblige les municipalités à établir un plan pour réagir à une crise ou une catastrophe naturelle, en consignant par exemple les numéros de téléphone du personnel à joindre en cas d’urgence.

Or, lors de la crue des eaux en avril et mai 2017, des intervenants déploraient sur le terrain le fait que les plans et procédures dans certains secteurs contenaient de l’information périmée.

« Le ministère de la Sécurité publique estime que 30 % des municipalités du Québec possèdent un plan de mesures d’urgence à jour », a confirmé cette semaine une porte-parole du MSP, Louise Quintin.

La situation est problématique, estime Luc de la Durantaye, directeur général de l’Association des chefs en sécurité incendie du Québec.

« Les municipalités ne sont pas à l’abri d’une catastrophe, et d’élaborer un plan de mesures d’urgence avec les moyens appropriés pour faire face à tous les risques […] va définitivement changer le cours des choses dans les premiers temps d’un événement. C’est indéniable. »

— Luc de la Durantaye, directeur général de l’Association des chefs en sécurité incendie du Québec

« C’est excessivement important. Ça peut sauver des vies », a ajouté M. de la Durantaye.

Le Ministère n’a pas été en mesure de fournir une liste des municipalités dont le plan n’est pas à jour. Les villes de Montréal, Laval et Gatineau, qui disposent d’un plan d’urgence, ont par contre refusé de fournir à La Presse une copie de la portion de ce plan qui touche spécifiquement aux inondations.

Selon Marc Guay, vice-président de l’Association de sécurité civile du Québec, la problématique est par contre beaucoup plus fréquente au sein des plus petites municipalités, qui n’ont pas nécessairement les ressources pour élaborer une telle planification.

Plan d’action

Le gouvernement du Québec a présenté récemment une proposition de règlement pour clarifier certaines obligations des villes pour se préparer aux sinistres « majeurs ou imminents », et dont les critères sont déjà utilisés par le MSP pour évaluer leur état de préparation.

Le ministre de la Sécurité publique, Martin Coiteux, a aussi annoncé en décembre lors d’un bilan sur les inondations qu’il adopterait un plan d’action d’ici au mois d’avril afin de mieux réagir à de tels incidents à l’avenir. Une réponse plus efficace pour les sinistrés et une meilleure communication avec les villes font partie des mesures envisagées. En décembre, 120 familles étaient toujours hébergées dans des hôtels.

M. Guay espère que ces mesures seront aussi accompagnées de plus de ressources pour aider les municipalités, en particulier les plus petites, à se préparer en vue de catastrophes potentielles. « Dans le fond, c’est plus de ça que les municipalités ont besoin. Les contraintes réglementaires, c’est correct. Mais elles ont surtout besoin d’aide. »

EN CHIFFRES

100 millions

Somme de l’aide versée jusqu’ici aux sinistrés

6000

Nombre de demandes d’aide présentées par des sinistrés auprès du gouvernement

120

Nombre de familles toujours hébergées dans des hôtels

290

Nombre de municipalités touchées par les inondations du printemps

4000

Nombre d’évacuations forcées par la crue des eaux

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