CARNET D’ENDORPHINES

Comment survivre à la vie conjugale avec un coureur en 11 étapes faciles

C’est l’heure de vérité, et elle est brutale, alors allons-y franchement : il n’y a que des avantages à partager sa vie avec un coureur.

Aucun inconvénient ?

Aucun. C’est tout bénéf’, diraient nos amis les Gaulois.

Suis-je de mauvaise foi ? Meuh non…

1- D’abord, le frigo est toujours plein. Vivre avec un coureur, c’est vivre avec de très beaux problèmes de gestion des stocks. Ça déborde, c’est festif et ça embaume toujours dans la cuisine. Pas de place pour ces tristes menus composés uniquement de sinistre chou frisé (kale) et de ces satanés muffins « sans gras, sans sucre, sans culpabilité » (et surtout sans goût). Non, le frigo du coureur regorge de délices à la bolognaise (des pâtes), à la polonaise (des pommes de terre), à la cantonaise (du riz). Sans compter cette immense croustade aux pommes qui tiédit sur le comptoir…

2- Vous ne grossirez pas d’un gramme. Ah non ? Non. Cette croustade qui refroidissait sur le comptoir ? Le coureur vient de rentrer de son entraînement. Y’en a pus.

3- Vous aurez une vie sexuelle d’enfer. Parce que le cardio libido, c’est très tendance chez les coureurs. Sauf le dimanche après-midi après leur longue sortie, où ils ont alors l’énergie d’un ver de terre qui a la mononucléose. Ça ne peut pas être fête tous les jours.

4- Vous aurez toujours des excuses parfaites pour « rater » les corvées. Le barbecue des anciens de la ligue d’improvisation de la boucherie ? Ah, j’aurais A-DO-RÉ. Malheureusement, ma blonde court un ultramarathon à Bromont, oui, 160 km dans la forêt, et je suis sa seule source de ravitaillement en milieu de parcours. Si c’est mauvais pour ses genoux ? Promis, je lui demande à la première occasion.

5- Vous serez toujours le/la meilleur/e chum/blonde du monde entier. Parce que croyez-moi, après 80 km à crapahuter dans des sentiers, voir la face de quelqu’un qui te tend une soupe poulet et nouilles en sachet dans un « cup » de styromousse, c’est meilleur que tous les maudits sentiers de pétales de roses de films pseudo-romantiques à la noix.

6- Le coureur ne coûte pas cher en alcool (et la coureuse, encore moins). Une bière après une course et bam ! Enwoye à maison, coucouche panier, assommé, le coureur ! Et tellement mou que c’est le moment idéal de lui faire signer n’importe quoi. Samedi prochain, on va voir l’exposition sur Jean Paul Gaultier, mon amour.

7- Ce sera le meilleur compagnon pour aller au musée. Forcément, après avoir couru un marathon, il ne marche pas vite, voire un peu en crabe. T’as le temps de tout voir, de t’extasier devant chaque œuvre, pas de danger de faire ça sur le mode « urgence ». Limite, tu retrouves ton coureur installé sur un banc, trop heureux d’être content.

8- Le contrôle de la télécommande. Parlons-en. On le sait, c’est un débat crucial dans bien des couples. Qui regarde quoi et quand. Elle tient mordicus à Game of Thrones ? Parfait mon cœur, let’s go pour les décapitations en série, tout pour te faire plaisir (ça ne me coûte rien de lui faire plaisir, le générique n’est même pas terminé qu’elle dort déjà… un filet de bave coulant si joliment de sa bouche entrouverte). Tu lui retires la télécommande des mains et tu peux regarder Les chefs ! en paix.

9- Parce que oui, à force de faire manger un ogre, tu es devenu un chef. Doublé d’un nutritionniste spécialisé en alimentation sportive. Triplé d’un as de la pâtisserie. C’est beau de voir ça.

10- Tu vois du pays. Un marathon à Warwick, mon amour ? Ils font pas du fromage, à Warwick ? Et c’est comme ça que tu découvres le Québec (et le monde) de fond en comble, ainsi que tous les produits divins de son terroir.

11- Tout le monde pense que t’es un saint (une sainte). L’autre, ta « douce » moitié, c’est un crinqué, une excessive, une folle, un kamikaze, un halluciné à batteries qui se scrape les genoux et qui fuit dans une passion aussi incontrôlable que celle qui a conduit Emma Bovary et Anna Karénine à leur mort. Des consommateurs de crack. Du coup, tu passes pour le sage, le mesuré, le raisonnable, le sensé…

À moins que… Gigi, c’est toi que je vois dans le noir, en train de chausser des runnings ?

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